Je ne cache pas le plaisir un peu pervers que je prends certains soirs de déprime à lire les discours des ministres de la Communauté française. Saturé de reportages sur l’explosion du libéralisme nécessairement sauvage ou sur le plongeon des cadres de sociétés en parachutes dorés, il est rafraîchissant d’entendre une ministre parler de « l’universalité de l’humain » à travers « une autre mondialisation » tout ça juste pour ouvrir un festival à Liège et une autre excellence soutenir, paraît-il, l’engagement d’un clown pour aider les chômeurs à retrouver de l’emploi. Après le plan Marshall, le cirque de Moscou.
Nul n’a écrit des mots aussi ardents que les leaders politiques de la culture pour défendre le service public à la radio et à la télévision et protéger l’âme des enfants mais il vaut mieux regarder leurs discours que la RTBF ou les locaux des écoles. Jamais les programmes n’ont été autant pollués par la pub. Et les distributeurs de boissons affichant les marques les plus connues décorent les locaux des écoles (cachant ainsi par de jolies couleurs fissures et autres dégradations). Les parents, amis et voisins n’ont jamais été autant sollicités. Faute de manuels scolaires, les écoles achètent des photocopieuses. En faisant les comptes, on découvrirait peut-être que le coût des machines et surtout la « participation » des parents au remboursement des photocopies permettraient d’acquérir une bibliothèque de livres reliés pleine toile …
N’oublions pas les voyages scolaires. Jadis, les fancy-fairs contribuaient à boucler les budgets. Maintenant, la technique branchée s’appelle le porte-à-porte. Les enfants des environs viennent sonner, une attestation à la main indiquant que leur mendicité est très morale puisque soutenue par leurs profs : ils font la manche pour payer le voyage scolaire et non pour survivre, comme les malheureux qui se jettent sous les voitures à certains carrefours de la capitale. Certains proposent des cakes maison, des bougies, des savons, joyeux modèle de l’économie parallèle des pays sous-développés. Et, sur les marchés le dimanche, des bambins de moins de six ans interpellent le chaland en vendant des fleurs pour financer leurs camps d’été. Est-ce une manière de leur apprendre la survie en communauté française ? Ou une pub pour la re-fedéralisation de la protection de la jeunesse ?
PS : Si la lecture des discours ministériels et des tracts électoraux vous laissent un peu de temps, évadez-vous ce long week-end dans la Suède noire. Après les polars d’H. Mankel qui égratignent le beau vernis de la social-démocratie (modèle de Sarkozy et de Royal), voici un autre Suédois qui nous emballe, Stieg Larsson et sa trilogie « Millenium » (chez Actes sud).
Alain Berenboom
www.berenboom.com