Radieux, lumineux. L’office météorologique le confirme : c’est un printemps exceptionnel; pour une fois, le communiqué est clair, compréhensible et ne semble pas traduit directement du coréen par une famille de météorologues recomposée en Belgique depuis peu.
Une atmosphère de vacances baigne les villes, les places et même les bureaux. Terrasses noires de monde, vin pétillant, rires et surtout jupes réduites à leur plus simple expression et décolletés audacieux (pauvre DSK, privé du spectacle ! Ca aussi tu l’as raté, mon vieux !)
Attablé à une terrasse, je contemplais, béat, le ciel bleu d’une transparence irréelle lorsque mon compagnon de bistrot me fit remarquer un objet lumineux qui se dirigeait lentement dans notre direction.
« As-tu oublié que nous sommes en guerre ? » me fit-il remarquer.
Comme je le regardais ahuri, il ajouta :
« Nous pilonnons Tripoli. Pourquoi les Libyens ne bombarderaient-ils pas Bruxelles sud ? »
Je ricanai gentiment et levai mon verre de gueuze grenadine.
« Tu vas boire ça ? Malgré la poussière ? ajouta-t-il avec un regard inquiet.
– La poussière ?
– Ce n’est pas parce que les journaux ont d’autres chattes à fouetter que la centrale de Fukushima a arrêté comme par magie de rejeter sa fumée mortelle. Crois-tu que ses émanations repartent vers le Japon en voyant la tête des douaniers belges ? »
Je déposai mon verre et demandai précipitamment l’addition.
Peu à peu, le soleil aidant, je me laissai regagner par l’atmosphère de vacances. Tout le monde s’y est mis. Même les Grrrands du monde qui ont choisi Deauville pour faire trempette. Derrière leurs lunettes de soleil et leurs sourires désarmants, tous les malheurs du monde, les dizaines de conflits en cours, l’image de l’élimination de Ben Laden et celles des victimes de Mladic et de ses complices semblent refluer avec la marée, laissant une plage immaculée, sans même les traces d’un poisson mort (des centaines de travailleurs immigrés y ont veillé). Aussi immaculé que le communiqué final. Les crocs-en-jambes ne se font que dans l’ombre.
Pour parfaire le tableau, il y a même quelques grèves. Oh ! Des petites ! Insignifiantes ! Pas de quoi ennuyer le bon peuple (les TEC exceptionnellement ont roulé toute la semaine ; gagnés par la torpeur ambiante, leurs sympathiques chauffeurs ont oublié leur amusante habitude de prendre leurs passagers en otage). Juste pour nous rappeler le joli mois de mai.
Reste Elio Di Rupo, formateur farniente, qui reçoit, bronzé, pas trop loin de la piscine, tous ceux avec lesquels il bavarde depuis trois cent et des jours, à la recherche de sensations nouvelles face à la vacance du pouvoir.
Où l’on voit que la langue française est riche : avec s vacances signifie plaisir. Sans s, le vide.
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