En cette époque de micmac, pourquoi pas le troc ?
Je te donne un vélo, tu me donnes ta collection de timbres du Ruanda-Urundi. Un scoubidou authentique époque Sacha Distel contre un crac-boum-hue garanti Jacques Dutronc. Trois salades bio contre une caisse de chocolats Mars. Un Bart de Wever contre un Michel Daerden. Comment ? ça ne fait pas le poids ? Alors, j’ajoute en prime les mandats de réviseur du fils Daerden dans les intercommunales wallonnes. Mais toi, tu me livres le Flamandissime avec ses deux copains Jambon et Bourgeois qu’on va refrancophiliser. Retrouver leur racines les calmera un peu, qui sait ?
Les employés de banques seront sans emploi ? La belle affaire : ils vont devenir libraires et le papier sur lequel on imprimait bêtement de l’argent servira à fabriquer des livres. Maurice Lippens au rayon bandes dessinées, ça a une autre gueule que le patron de Fortis jouant au Monopoly avec notre argent. Evidemment, il risque de garder quelques vieux réflexes quand on lui demandera un conseil : « Tintin, c’est un placement de père de famille mais si vous voulez un peu plus spéculatif, prenez Joann Sfar, une valeur sûre. Et, si vous êtes prêt à courir un risque, investissez dans Dupuy et Berberian. Personnellement, j’ai acheté toute la série Monsieur Jean. J’y crois autant que dans ABN Amro, c’est dire. »
Et la ville ? Elle se remettra vite de la disparition des banques. Le siège de Fortis au Ravenstein (deux poubelles métalliques géantes) redeviendra le splendide immeuble dans lequel se mirait jadis le Palais des Beaux-arts mais qui faisait trop vieux pour les si modernes patrons de la Générale. Fini les tours tristes d’ING à Etterbeek, les immeubles rideaux en aluminium où trônent tant d’agences. A la place des guichets blindés, des coffres gardés par des hommes en armes, pousseront des arbres, des squares et des bancs où l’on pourra troquer à l’aise. Et quelques troquets.
Leterme et Reynders ont bien tort de s’énerver, de s’user la santé à sauver à tout prix le système financier. La crise a du bon. Echangerai une bonne crise contre une réforme institutionnelle bidon.
Alain Berenboom
www.berenboom.com
PS : au diable l’avarice ! Puisque les banques n’en veulent plus, claquez vos sous au cinéma avec cette semaine une divine surprise, « Une chaîne pour deux » premier film de Frédéric Ledoux. Portrait d’un groupe d’ouvriers en détresse dans une petite usine vendue à un grand groupe financier… Le sujet ne vous paraît pas très appétissant ? Preuve qu’il n’y a pas de mauvais sujets ! Ledoux parvient à faire des claquettes et à rire avec des travailleurs wallons aussi craquants que les boys des Full Monty ou les paumés des comédies à l’italienne de Risi et de Comencini.