TOUT VOILE DEHORS

chronique
Dans notre série « on peut rire de tout mais pas avec tout le monde », parlons aujourd’hui de la querelle autour du port du voile dans les bureaux de vote de la région de Bruxelles. Une querelle qui aurait fait les délices de Pierre Desproges, auteur de cette belle formule. Ce spécialiste bien connu du rite musulman n’aurait cependant pas manqué de faire remarquer que parler de port à propos du voile n’est pas vraiment kasher.
Toujours soucieux d’apporter une contribution à l’apaisement des conflits, je me suis longuement penché sur cette délicate question qui divise les Bruxellois et, sans me vanter, je crois avoir trouvé la potion magique, qui mettra enfin d’accord Charles Picqué et Philippe Moureaux, ce qui n’est pas un mince exploit.
Sans cette solution, on imagine le micmac le matin du 8 octobre : des sœurs en cornette refoulées en pleurs des bureaux de vote, des rabbins cachant honteusement leur bible, des moines avalant leur croix. Et les barbus ? Le poil est-il un signe religieux ostensible ? Dans ce cas, Louis Michel, Vande Lanotte, Coveliers, tous indésirables ?
Alors, au lieu de mégoter sur la longueur du voile, faisons le contraire : imposons-le. Beau reflet de cette société multiculturelle dont nous sommes si fiers, surtout en période électorale. Je propose d’appliquer à la désignation des assesseurs la formule du pacte culturel. En vertu de cette règle, les mandataires de nos institutions publiques sont désignés non pour leur compétence mais selon le parti auquel ils appartiennent. Ce qui a permis à nos services publics d’afficher un tel taux de performance. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce système pour les bureaux électoraux ?
Chaque bureau de vote serait composé de cinq assesseurs : deux francophones belges de souche, un représentant de la morale laïque, un du culte catholique et un de la religion musulmane. Le président étant asexué – c’est la règle en Belgique. Restent le cas des Flamands et des Juifs, trop peu nombreux à Bruxelles pour avoir droit à un représentant plein et entier. Alors, un Lilliputien ? Mais, Bruxelles compte-t-il assez de Lilliputiens flamands et de Lilliputiens juifs pour tenir le rôle d’assesseur dans chaque bureau de la capitale ?
On le voit, avec un peu de bonne volonté et des hommes politiques attachés à la démocratie, tous les problèmes peuvent être résolus sans violence.

Alain Berenboom

Paru dans LE SOIR