NOUS, ON A REMCO…

L’Italie a la Meloni, mélange de populisme mêlé de gouaille des faubourgs romains, de promesses intenables et d’exaltation d’une Italie où il faisait bon vivre quand elle n’était soi-disant peuplée que d’Italiens et dirigée par un chef, un homme, un vrai. 

D’accord et bonne chance aux Italiens ! Mais nous, on a Remco…

La Russie a une armée trouée de toute part, comme ses pipe-lines, des citoyens qui s’enfuient comme des lapins, des armes atomiques en guise de dernier repoussoir et surtout elle a Poutine, un chef, un homme, un vrai.

D’accord ! Bonne chance aux Russes ! Mais nous, on a Remco…

En Iran, en Afghanistan, les femmes sont reléguées au rang de citoyennes de dernière zone, obligées de se cacher sous des voiles pour ne pas ternir l’image des mâles qui ont seuls le droit de vivre normalement et d’arpenter les rues, la tête haute et la barbe au vent. Quand les femmes se révoltent, on les arrête et même on leur tire dessus. Pendant ce temps, chez nous, certains brandissent le voile comme symbole de la liberté des femmes. Allez comprendre. Car, comment le cacher, là-bas, le pouvoir n’appartient qu’aux hommes, des chefs, des vrais. 

Dommage pour les Iraniennes et les Afghanes. Mais nous, on a Remco…

Une guerre souterraine se poursuit au Yemen depuis plus de huit ans qui a fait des centaines de milliers de morts dont beaucoup de la famine. Sans intéresser les médias. Mais les images changeraient-elles quelque chose à leur sort alors que cette guerre est devenue le champ de bataille entre dictateurs islamiques iraniens et bouchers d’Arabie saoudite. Qui se disputent pour prouver au monde qui d’entre eux sont les chefs, les hommes, les vrais.

D’accord. Mais nous, on a Remco…

L’extrême droite souffle un vent glacé sur l’Europe. De la Pologne à la Hongrie, de Flandre en Espagne, de Suède en Autriche. En France, en Italie, pour accéder au pouvoir, des femmes se sont emballées dans le drapeau néo-facho. Elles feraient bien de se rappeler que ces aventures politiques ne profitent jamais aux femmes. A la fin, apparaît toujours le chef, un homme, un vrai.

Tant pis pour elles. Nous, on a Remco… 

On ne va pas chipoter, on a aussi Wout Van Aert, les Belgian Cats, les Diables rouges, le plus grand nombre de ministres et de gouvernements au km 2 de toute la planète, les meilleures gaufres de Liège du monde qui se mangent chez Siska en Flandre, Manneken Pis, Angèle et Stromae. Tous des chefs, d’accord. Mais, avouez-le, cette année, on a surtout Remco…

Ce qui magnifie Remco c’est d’avoir arrêté le temps. A suivre ses exploits, on sort de cette succession de malheurs et de drames qui rythment l’actualité quotidienne. Il nous réconcilie avec le temps long, en se défonçant pendant des semaines à pousser sur ses pédales dans des décors éternels. On respire, enfin… 

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MICHAEL L’ESPIEGLE

Dans une belle lettre d’adieu à son coéquipier Michael Goolaerts, le triple champion du monde de cyclo-cross Wout Van Aert écrit qu’il ne faudra jamais oublier Michael, ce gars espiègle avec son éternel sourire.

Espiègle ? Quel bel adjectif ! Tellement plus émouvant et déchirant que « castar » ou « forçat de la route ». Espiègle, c’est ainsi que Charles De Coster appelait son héros Thyl Uylenspiegel.

Thyl de Flandre, qui se jouait des occupants, ridiculisait les puissants et mettait les rieurs dans sa poche. Une belle façon de se souvenir du tout jeune champion belge, mort sur le bord de la route de Paris-Roubaix, pavée de mauvaises intentions le week-end dernier. On aurait tant aimé voir Michael faire des pieds de nez à tous les dikkenek du peloton et afficher son sourire solaire.

On n’oublie jamais les champions qui nous ont fait rêver, décoller, battre le cœur dans notre jeunesse. Pour moi, les envolées de Merckx, la grâce d’Ocana. Mais je me souviens surtout de quelques fous guidon, des fantaisistes qui étaient pourtant de grands champions. Tel Roger Hassendorfer, dit « Hassen le Magnifique », maillot jaune occasionnel du Tour de France mais surtout boute-en-train extravagant du peloton des années cinquante, un personnage qu’adorait Antoine Blondin. Et son collègue, Abdelkader Zaaf, qui fonctionnait au gros rouge qui tache au point de repartir après un arrêt café en sens contraire. Et, comment oublier notre délirant Michel Pollentier (surnommé Cuisse de Mouche), vainqueur du tour d’Italie (et disqualifié du tour de France) qui zigzaguait tellement sur le macadam qu’il donnait l’impression de parcourir deux fois la route de chaque course ?

Le vélo, c’est un intrigant mélange de farces et de drames. Le plus dur, ce sont ces champions ailés, foudroyés en plein vol.  Lorsque le spectacle redevient humain, terriblement humain, il offre une tel contraste avec ces courses où tout paraît huilé.

La mort de Stan Ockers, quand j’étais enfant, tombé brutalement sur la piste du Palais des Sports d’Anvers. Ou celle de notre tout jeune champion du monde Jean-Pierre Monseré, percuté par une voiture en plein effort.

Dimanche dernier, on ne pouvait qu’admirer l’exploit de Sagan, vainqueur dans le stade vélodrome de Roubaix. Mais, si choquant, d’entendre dans la bande son, l’annonce brutale que le cœur de Michael Goolaerts s’est arrêté de battre pendant qu’il pédalait.

Nul doute que Michael parcourt maintenant à toute pompe la voie lactée, qui a une sacrée plus belle gueule que les Champs-Elysées. Regardez bien le ciel et vous le verrez remonter une à une toutes les étoiles de la galaxie avant d’exploser en mille fois plus de couleurs que n’en compte le maillot du champion de monde.

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