APOCALYPSE NOW !

  Dans une interview publiée dans votre quotidien favori à l’occasion de la parution de son essai « Devant l’effondrement », Yves Cochet annonçait d’une voix caverneuse la fin du monde quelque part entre 2020 et 2030. Ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps pour rentrer le bois du prochain hiver et faire la révision de la voiture avant le passage au contrôle technique. 

  Cochet avait été ministre dans le gouvernement Jospin, juste avant l’effondrement du patron des socialistes français puis il a assisté à l’effondrement du parti vert français, miné par des batailles d’égos entre des dirigeants plus nombreux que leurs électeurs. 

  C’est dire que l’apocalypse, il en connaît un bout. Donc, quand il prédit la fin du monde pour dans quelques mois, on l’écoute – poliment. Cochet avait déjà deviné il y a une quinzaine d’années l’explosion imminente du prix du pétrole dans son livre « Apocalypse, pétrole » (décidément, une obsession), mais là, on attend toujours. Ou alors mon garagiste a oublié de répercuter le prix du baril. 

  Scénario catastrophe donc. On se retrouve brutalement revenu au temps de l’homme des cavernes. Toutes les avancées de la civilisation ont disparu, électricité, industries, Internet, avions, trains, bagnoles, Trump, Erdogan et même les gouvernements Jambon et Di Rupo – encore que, connaissant ce dernier, il aura réussi à se recaser comme chef de la réserve de dinosaures. 

Cette vision de l’avenir explique peut-être pourquoi Trump pousse la NASA à envoyer fissa une expédition sur Mars. Certains experts pensent que la planète rouge a ressemblé à la Terre avant d’être balayée par un cataclysme qui l’a privée de son atmosphère, vidée de son eau, et de tous ceux qui trempaient leurs petits pieds dans ses canaux. 

   Bref, on reconnaît là un des « pitch » favoris des écrivains de science-fiction -dans les années cinquante, c’était généralement la conséquence d’une guerre atomique (au hasard « Malevil » de Robert Merle, « Un cantique pour Leibowitz » de Walter Miller ou « La Planète des singes » de Pierre Boulle). 

Mais l’angoisse apocalyptique remonte bien plus loin. Aux débuts de l’histoire de l’humanité. Les tornades qui ravageaient déjà la terre étaient racontées par des tas de Mr Météo bien avant notre ère : Noé dans la Bible, et auparavant, dans des récits sumériens (-1700 AC), plus tard dans l’Apocalypse de Jean de Patmos, qui clôture en feu d’artifices le Nouveau Testament. A la fin du XIX ème siècle, chez Wells, Poe, Shelley, Rosny aîné.  

  Je ne sais pas si Cauchet entrera dans la bibliothèque de l’honnête homme dans quelques siècles aux côtés de tous ces célèbres collègues mais j’ai l’impression qu’il y aura toujours des lecteurs, un canapé et une lampe de chevet (ou au moins une bougie) en 2.320. Ainsi que des écrivains qui joueront sur nos peurs !  

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RETOUR VERS LE FUTUR

Cette semaine, le monde du cinéma célèbre l’anniversaire de la sortie de « Retour vers le Futur » de Robert Zemeckis. D’accord, ce n’est pas « 2001, l’Odyssée de l’Espace » (un film un peu surfait) mais son mélange de rigolade, de nostalgie et de kitsch apporte à ce film, beaucoup moins prétentieux que le SF de Kubrick, une pérennité que personne n’imaginait lors de sa sortie. Et surtout, le ressort de son intrigue reste des plus excitants. Le mérite en revient à H.G. Wells et à sa « Machine à remonter le temps » (un roman indémodable, paru en 1895).

Ici, un ado, Marty Mc Fly, remonte vingt ans en arrière où il se rend compte qu’avant de repartir vers son époque, il doit réparer toutes les complications que son arrivée a provoquées pour éviter d’être effacé de l’Histoire.

En nos temps troublés, où la planète est malade de ses guerres interminables, de ses violences, de sa pollution, où la crise inscrit « no future » sur le front des nouvelles générations, la tentation est grande de se plonger vers le passé, vingt ans en arrière comme Marty, pour voir sur place comment prolonger cette « belle époque » et éviter qu’elle conduise aux dérapages de la nôtre.

1995, la « belle époque », vraiment ?

A l’est de l’Europe, l’Ukraine est tranquille. Mais la Bosnie est à feu et à sang. Il faut le massacre de Srebrenica pour que les Occidentaux sortent enfin de leur léthargie et obligent les parties à arrêter cette abominable guerre civile. Une guerre dont la folie est évoquée cette année-là par le cinéaste serbo-bosniaque E. Kusturica dans « Underground »

En France, à peine éteints les lampions fêtant l’élection à la présidence de Jacques Chirac,  une vague d’attentats islamistes (inaugurée par celui du RER Saint-Michel) entraîne la suspension des accords de Schengen. Pendant ce temps, le nouveau président décide de reprendre les essais nucléaires…

En Afrique, on ne connaît pas encore ces joyeux drilles de Boko-Haram. Mais on compte le million de morts du génocide au Rwanda qui vient de se terminer, en attendant les premières inculpations du TPR.

Au Japon, pas de tsunami cette année-là mais des attaques terroristes au gaz sarin dans le métro de Tokyo commis par la secte Aum (racontées avec émotion par Murakami dans son livre intitulé, coïncidence, « Underground »).

Je préfère vous éviter le pire de l’actualité de cette année-là : l’entrée en fonction du gouvernement Dehaene-Di Rupo, qui eut à gérer aussi mal qu’il soit possible l’affaire Dutroux (Julie et Melissa ont été enlevés en juin) et la crise de la dioxine.

Si Marty remontait en 1995 pour recoller les morceaux de l’Histoire et éviter les drames à venir, il ne saurait où donner de la tête ! « C’était mieux avant », oublions ce slogan qui fait le succès de tous ceux qui veulent effacer notre mémoire.

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