ELOGE DE LA LENTEUR

La Pâque juive célèbre la longue traversée du désert du Sinaï par le peuple juif qui s’est défait de ses chaînes pour rejoindre la terre promise après un désagréable séjour comme esclaves en Egypte.
Quarante ans qu’ils ont erré au milieu des sables alors qu’aujourd’hui, en bus, de Charm el-Cheik à Tel Aviv, le voyage dure environ 10 heures par la route 90. Avec restauration aux étapes et musique de votre choix dans les écouteurs. Où l’on voit la supériorité du GPS sur la Bible et de la technologie moderne sur les vieux papiers.
Pour mettre tant d’années à parcourir ces quelques centaines de kilomètres, Moïse a dû tourner en rond comme égaré dans un labyrinthe et pas un peu. N’est-il pas étonnant que personne parmi les voyageurs qui le suivaient ne se soit rendu compte que leur guide était absolument nul ? Quel charisme devait avoir ce chef pour éviter la moindre rébellion. Vous me direz qu’à voir la longueur de certains règnes récents, ceux des présidents algérien et soudanais par exemple, on s’aperçoit que même au vingt et unième siècle, on peut mener les citoyens en bateau et à la dérive pendant longtemps.
Et Dieu, que faisait-il pendant tout ce temps ? Il n’aurait pas pu donner un petit coup de mains à ce troupeau en détresse qui ne cessait de le célébrer ? Une fois débarrassé des tables de la loi, Il a abandonné son peuple à son triste sort aussi sec et coupé la ligne. Considérant qu’il avait de la lecture pour les longues soirées d’hiver dans le désert. C’est fou que, tout au long de l’Histoire, Il soit systématiquement occupé ailleurs quand on a besoin de Lui.
D’un autre côté, qu’aurait gagné au change le peuple élu si Moïse avait eu le sens de l’orientation ? S’il avait débarqué à bon port quelques jours après que la troupe ait quitté les terres du pharaon plutôt que quarante ans plus tard ? Dans ce cas, personne n’aurait parlé de cette épopée, jamais elle ne serait devenue un mythe. Elle n’aurait pas été le ciment de plusieurs civilisations. Inspiré penseurs, artistes, philosophes.
A son arrivée en Canaan, Moïse aurait été remplacé par un jeune ambitieux comme l’a été Churchill, désavoué par les électeurs une fois la guerre gagnée. Les Tables de la loi auraient été vite oubliées dans un coin. Et personne n’aurait entendu parler de la Bible ! Un bouquin qui reste un tel best-seller tant de milliers d’années après avoir été écrit, dites-moi si ça ne valait pas quarante ans d’errance ?
De plus, personne n’aurait songé à fêter ce voyage dément. Il n’y aurait jamais eu ni Pâque ni Pâques, pas d’œufs en chocolat, pas de congés scolaires pour célébrer cette errance survenue il y a près de trois mille cinq cents ans.
Comme quoi, la lenteur parfois, ça a du bon !

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L’ETRANGE VOYAGE DE C.P.

L’étrange voyage de M. Puidgemont alimentera encore bien des spéculations.

Que diable le président de l’éphémère république catalane est-il venu faire à Bruxelles pendant que la paëlla commençait à carboniser à Barcelone ?

Selon les uns, intoxiqué par son ami Théo Francken, il croyait débarquer en star dans la capitale de la république flamande et il se retrouvait à Zaventem au milieu de la foule des touristes revenus de la Costa Brava en charter Neckermann.

Selon les autres, il était venu refaçonner sa choucroute avant de passer chez les juges madrilènes, sur la foi d’un ami qui lui avait vanté l’art des coiffeurs belges. Après s’être rendu compte qu’il est difficile de passer dans les media pour un héros, type Che Guevara, ou un martyr sur le modèle de Jésus Christ, sans une barbe virile et surtout avec un nid d’oiseau sur la tête.

Quelle déception, il n’a trouvé dans la capitale belge ni Théo ni figaro.

D’une façon comme d’une autre, ce déplacement a paru absurde. Vu de Barcelone, le président auto-proclamé a donné l’impression de déserter sa république mort-née et d’abandonner ses compatriotes et ses militants à leur mélancolie. De l’autre, il a bousculé le pauvre Charles Michel qui se voyait déjà obligé par son plus puissant partenaire de délivrer un statut de réfugié politique à l’homme le plus honni des Castillans.

Carles Puidgemont a surtout montré une étourderie et une impréparation qui doivent faire grincer bien des dents à la N-VA car l’avortement de la république catalane sous les ricanements de toutes les chancelleries du monde et au grand soulagement des gouvernements européens augure mal de la déclaration d’indépendance de la Flandre.

Le visage du chevalier C.P. à la triste figure n’ornera pas les T-shirts des ados révoltés à Noël. Celui de son challenger Mariano Rajoy non plus qui aura eu la peau de son pathétique adversaire grâce à la violence de ses forces de l’ordre et son intransigeance hautaine, balayant d’un revers de la main toute tentative de négociation et niant les revendications de la moitié des Catalans. Prenant le risque d’une réaction violente plus tard. Bel exemple de cette gestion politique au jour le jour qui est décidément le propre de notre époque.

Toute cette affaire paraît vraiment insensée d’un côté comme de l’autre. George Orwell, l’auteur génial de 1984, qui a combattu dans les dernières années de la guerre civile en Catalogne, a raconté cette terrible expérience dans un récit au titre très actuel, « La Catalogne libre ».  Dans sa dédicace liminaire, il cite ces proverbes bibliques : « Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie, de peur de lui ressembler toi-même. Réponds à l’insensé selon sa folie afin qu’il ne s’imagine pas être sage. »

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