FARCES ET ATTRAPES

    L’histoire se répète toujours au moins deux fois, écrivait Karl Marx. La première comme une tragédie. La seconde comme une farce. 

   Une illustration dans l’histoire politique belge avec le social-chrétien Wilfried Martens, revenu neuf fois comme premier ministre en treize ans (entre 1979 et 1992), ses gouvernements tombant les uns après les autres comme un château de cartes, donnant l’impression d’assister à la répétition sans fin d’un spectacle de Guignol.

   S’il réussit mardi prochain son come-back, Donald Trump va-t-il faire mentir Karl Marx ? Lui dont le rêve est de réincarner Ronald Reagan, le président qui garde dans l’imaginaire américain l’image d’avoir fait s’écrouler l’Union soviétique. Si Trump est réélu, on peut s’attendre à ce que des manifestants défilent à Washington en criant « Brejnev revient ! Trump est devenu fou ! » 

   On comprend que, dans cette époque troublée, malmenée, de moins en moins compréhensible, où l’on a perdu la plupart des repères, les gens ont soif de découvrir du neuf, à repartir d’une page blanche. Puisque ceux qui nous ont gouvernés jusqu’ici n’ont pu empêcher le chaos, tentons autre chose – sans être arrêtés par l’idée que cette équipe soi-disant neuve peut se révéler pire.

   C’est une des explications par exemple du renversement des alliances en Afrique ex-française, où l’ancien colonisateur, désormais honni, est chassé pour accueillir à bras ouverts la soi-disant efficacité des troupes venues de Russie. 

   Cette Russie qui, elle, remplace sur le front ukrainien ses soldats épuisés, blessés, démoralisés par des bataillons tout frais venus de Corée du Nord. Allez comprendre ce jeu de chaises musicales.  

   Plus près de nous, cette réaction aveugle de se jeter dans les bras de dirigeants qui n’ont jamais participé au pouvoir explique aussi le succès, par les urnes, de l’extrême droite. Une extrême droite ravalée de frais, propre sur elle, qui caresse les micros au lieu de hurler dedans, mais qui n’a rien perdu de ses idées outrancières, mortifères. En France, en Hollande, en Italie, en Hongrie, en Flandre, waw ! 

   Ce qui est piquant c’est qu’on a oublié que l’extrême droite a été au pouvoir dans ces pays et qu’elle a mené à la catastrophe. Mais c’est si loin, oublié. Plus personne ne fait le rapprochement entre le Vlaams Belang et le VNV, collaborateur des nazis, entre Le Pen et Pétain ou entre Mussolini et Meloni (dont le parti est pourtant l’héritier avoué du MSI). 

   Ce qui s’est terminé en tragédie au siècle dernier se transformera-t-il en farce quatre-vingts ans plus tard ? Alphonse Allais écrivait : « les poubelles de l’histoire sont remplies de tendances prolongées ». Si l’on aspire à du neuf, cherchons vraiment du neuf, pas des vieilleries ripolinées pour l’occasion…        

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LES APPRENTIS SORCIERS

Pauvre Walt Disney mort trop tôt, lui qui rêvait d’être embaumé pour renaître dans quelques siècles et retrouver l’oncle Picsou. On a eu tort de ricaner. Près de cinquante ans plus tard, chapeau ! Le papa de Mickey avait vu juste. La cryogénisation est devenue une réalité. Ne boudons pas notre plaisir. C’est en Belgique que cette technique a été mise au point pour la première fois, que les premiers morts ont été ressuscités. Charles Michel-Bart De Wever, futurs prix Nobel de physique ? Pourquoi pas ?

Le retour des morts est le seul scoop de la déclaration gouvernementale mais, pardon, quel scoop ! Si Laurette Onkelinx avait pris la peine d’écouter notre nouveau premier ministre et certains de ses ministres au lieu de pérorer, soutenue par son chœur de groupies, si Benoit Lutgen n’était pas si obsédé de réduire en miettes les libéraux, ils auraient compris que la Wallonie, qui cherche désespérément une industrie de pointe pour relancer son anémique plan Marshall, venait enfin de décrocher la timbale. La cryogénisation. La science fiction devenue réalité. Mes amis, cessez de vous moquer de Charles Michel et de le comparer à Agnan, le premier de classe à lunettes du Petit Nicolas, toujours collé aux basques de sa maîtresse d’école. Cette fois, ça suffit. Il a démontré sa maîtrise. Avec son compère, le bourgmestre d’Anvers, il a réussi l’exploit extraordinaire de rendre vie à des zombies. En faisant défiler, en primeur à la tribune de la Chambre, ses premiers cobayes, revenus vivants du monde des ténèbres. Jan Jambon, qui a pourtant dépassé la date de péremption depuis 1945 ; Theo Francken, qui a l’air d’un jeune homme tout frais, alors qu’il dit avoir appartenu à la VNV, le mouvement fasciste flamand pourtant dissout à la fin de la deuxième guerre mondiale. A nouveaux parmi nous ! Et prêts à servir la soupe vert de gris.

Cessez de chipoter, socialo-ecolo-humanistes ! D’étaler votre rancœur parce que vous avez perdu le pouvoir. Quand on est succédé par de si grands savants, on s’incline et on se tait.

L’arrivée de la cryogénisation est-elle vraiment une surprise ? On savait depuis longtemps que Bart De Wever, son co-découvreur, y travaillait activement dans son labo. En 2007, son prédécesseur à l’hôtel de ville d’Anvers, Patrick Janssens avait présenté les excuses du collège communal pour l’implication de l’administration communale dans la déportation des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Bart De Wever avait réagi en estimant ces excuses « gratuites ». On comprend mieux ses propos, qui à l’époque, ont choqué la plupart des hommes politiques flamands, aujourd’hui ses partenaires. Ils n’avaient pas compris la subtilité de cette énigmatique déclaration. De Wever avait ses raisons. On commence à les entrevoir.

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