CRIMEE CHÂTIMENT

Qui n’a remarqué que le front anti-russe commençait à se fissurer ? La tentative de paix en Syrie (oubliant les désastres « collatéraux »), les gémissements de nos industriels et agriculteurs touchés par l’embargo poussent quelques hommes d’état occidentaux (ou futurs dirigeants) à nuancer leurs critiques contre Vladimir le Brutal. Et même à comprendre sinon à justifier l’annexion vite fait, bien fait, de la Crimée. Après tout, Vlad a été élu démocratiquement, soulignent-ils, il est soutenu par son peuple (d’après les excellents instituts de sondage russes) et un référendum a approuvé l’annexion de la Crimée (comme vient de le souligner Marine Le Pen).

Crimée Châtiment, disaient déjà les kremlinologues Pierre Dac et Francis Blanche. De là, à revoir l’image de l’Ukraine, jusqu’ici, pauvre oiseau pour le chat, il n’y a qu’un pas.

Pourtant, s’il y a bien une nation martyre en Europe, c’est l’Ukraine. Une pauvre république, tout juste sortie de siècles de domination russe puis soviétique, dont Staline a massacré la population : des millions de morts dans les années trente (auxquels s’ajoutent les millions de victimes des nazis).

Depuis son indépendance en 1991, cette nation s’efforce de répondre aux critères de la démocratie en chassant à plusieurs reprises ses dirigeants corrompus (et soumis sinon vendus à leur puissant voisin), sans parvenir à établir il est vrai un régime et des institutions stables et en s’accommodant de mouvements fascistes qui rendent jaloux les nervis du FN.

La dernière initiative du parlement de Kiev devrait faire taire les critiques. Depuis une loi du 30 décembre, sont interdits les livres donnant une image positive de la Russie.

Au lieu de crier à la censure, il faut se réjouir de voir enfin un gouvernement qui se veut européen accorder une telle importance à la culture. Y a-t-il chez nous un seul politicien qui pense qu’un livre peut influencer les citoyens, leur ouvrir l’esprit et peser sur l’opinion publique ? A Kiev au contraire (comme à Téhéran et dans quelques autres capitales éclairées), on craint le pouvoir du livre, la force du talent et l’insidieux pouvoir de la culture. Les dirigeants occidentaux et les technocrates européens devraient en prendre de la graine, eux qui n’ont que mépris pour la culture et le livre. Bravo !

Hélas, l’effet de cette mesure sera mince : en effet, personne n’a jugé plus sévèrement la Russie que les auteurs russes eux-mêmes, de Dostoïevski à Soljenitsyne en passant par Grossman et Pasternak. L’image de l’Ukraine n’est pas plus « positive » sous la plume des auteurs ukrainiens ! Lisez ce chef d’œuvre, « Compagnons de route » de Friedrich Gorenstein avant de vous promener dans les rues d’Odessa.

Bonnes lectures !

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L’ ÂGE DE GLACE

On nous parlait tant du réchauffement climatique qu’on avait failli par y croire. Mais Trump et Poutine viennent de nous prouver qu’on avait tort d’écouter les Cassandre. On ne vogue pas vers les douces chaleurs tropicales; on replonge dans l’âge glaciaire. Alep, c’est l’âge des cavernes, avant que les hommes ne se mettent à couvrir les grottes de dessins, premières marques de la civilisation. La Syrie, c’est le mammifère avant Lascaux. Avant le développement du cerveau.

Seule consolation : si les glaces reviennent, on va échapper à la guerre froide. Russes et Américains sont d’accord pour se faire des tongkus à la mode soviétique de jadis. A cette époque, les chefs des deux grandes puissances avaient installé un téléphone rouge entre leurs capitales pour éviter tout malentendu.

« Allo ? Excusez-moi, tovaritch, je préfère vous avertir. Un pilote militaire américain devenu fou va jeter une bombe nucléaire sur Moscou et je ne suis pas capable de l’arrêter.

– Merci de m’avoir appelé, camarade Président. Mais j’ai vu le film « Docteur Folamour » et je sais que vous aimez plaisan… Oh ! Mon Dieu ! »

Cette fois, Trump a fait mieux. Il a nommé à ses côtés, à la tête des Affaires étrangères, Rex Tillerson, un représentant personnel du président russe qui pourra lui dire, chaque fois qu’il aura une décision à prendre, si elle convient ou non au président Vlad. Mieux vaut prendre les devants que d’essuyer les dégâts après coup dans une désagréable conversation téléphonique qui vous donne mal à l’estomac et vous gâche votre soirée au coin du feu.

« Dites-moi, mon cher Rex, que pensez-vous de ça : les Estoniens me supplient d’envoyer une des petites brigades de l’OTAN vagabonder sur les plages de la Baltique, du côté de Tallinn ?

– Vlad ne sera pas content, président. Pas content du tout. Si nos soldats ont des fourmis dans les jambes et rêvent du bord de mer, pourquoi ne pas leur proposer un séjour dans une île du Pacifique ? Il y fait beaucoup plus chaud.

– Justement, Rex. Avec la montée des océans, ne risquent-ils pas d’avoir bientôt de l’eau jusqu’aux épaules ?

–  Mais, avec votre arrivée à la Maison blanche, monsieur le Président, la planète a arrêté de se réchauffer.

– Bon sang ! C’est vrai ! Où avais-je la tête ? »

Le bon Rex n’aura d’ailleurs pas d’autre activité que d’assurer la liaison entre Moscou et Washington. Dans un souci de simplification qui rend la politique beaucoup plus compréhensible aux Américains moyens, le président élu a décidé de se partager les tâches avec son homologue russe. A lui la politique intérieure. A Poutine, la politique extérieure. S’il n’y a plus qu’un seul maître du monde, comment pourrait-il encore y avoir des conflits ? Alléluia !

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