LE CHOC DES TITANS 2.0

   L’Union a vaincu Anderlecht. Il y a peu d’années encore, on se serait frotté les yeux. Mais à présent, le choc des titans c’est ça : l’Union contre Anderlecht, rappelant l’époque mythique où les Saint Gillois se battaient contre le Daring. Combat au sommet immortalisé peu avant la guerre dans « Bossemans et Coppenolle », la pièce de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck, immortalisée à l’écran par Gaston Schoukens. Amaï !! 

   L’Union a battu Anderlecht. Il y a donc moyen de régler ses comptes à Bruxelles, de se mettre d’accord puis de faire la fête. Plutôt que de jeter l’éponge comme l’éternel formateur David Leisterh en disant discrètement, sans même s’expliquer devant les citoyens, qu’il se retire sur ses terres boitsfortoises, à un jet de pierre de la forest de Soignes, dans laquelle il peut s’empresser de disparaître si les socialistes viennent rugir sous ses fenêtres… Och’erme !

   L’Union s’est joué d’Anderlecht. Comme devraient le faire les informateurs succédant au formateur disparu en espérant qu’on puisse éviter la vieille panoplie d’intermédiaires, conciliateur, médiateur, raccommodeur, chiropracteur et autre chipoteur. Leisterh, vainqueur des élections mais incapable de transformer l’essai, Laaouej seul rescapé socialiste francophone mais paralysé à l’idée de gouverner en coalition sans être le leader màximo. Les écologistes boudent d’être mal aimés, Défi recompte désespérément ses électeurs. Comme le dit avec sagesse Pitje Schramouille dans une de ses fables : « Quansqu’on veuïe   yet’ trop malin et mett’ les autt’ dedans hein, ha bien on est soi même souvent vu ». 

   A l’Union comme à Anderlecht, on est bilingue, monsieur, et même plus, on cause ossi brusseleir. On n’a pas besoin d’établir des quotas entre francophones et flamands ni chez les joueurs ni chez les supporters. On forme une seule équipe et on chante les mêmes chansons même quand on perd ! 

Pardon, chers amis francophones, mais les flamands de Bruxelles vous ont donné un bel exemple. Une chef de file Ecolo a pu assez rapidement se mettre d’accord avec des forces tout aussi antagonistes que chez les francophones, socialistes, libéraux et conservateurs, parce qu’il s’agit de sauver cette pauvre ville du désastre, de la mal-gouvernance, des dettes et de la tentation des deux autres régions de la gérer selon leurs intérêts. Tout en écartant ces poisons, l’extrême droite du Vlaams Belang et le communautarisme démagogique de la liste Fouad Ahidar. Bande de snotneus ! Ravalez votre morgue une fois, les franskiljlons ! Pitje Schramouille nous donne une ôt’ leçon de sagesse : « Te faut pas fair’ trop d’l’embarras/car on a très souvent/In plis petit que swai/Busoin ». 

. Allez, bande de zievereirs !  

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ZWANZE ? NON, PEUT-ÊTRE !

   La faillite et la disparition du Palais des Cotillons à Bruxelles mérite une oraison funèbre. Car elle s’inscrit dans le cours d’un inéluctable destin, celui de l’évaporation de l’humour bruxellois. La zwanze est morte, on doit fermer chez Eugène. 

   Une tradition autrefois drôlement vivante pas seulement dans les rues (dans la cour de récréation de mon école à Schaerbeek on nous criait dessus quand on s’invectivait en bruxellois, ce qui nous encourageait à persévérer) mais aussi présente dans des théâtres, des cabarets. Elle avait ses vedettes (dont Simone Max et Marcel Roels), sa littérature (notamment les fables de Pitje Schramouille signées Roger Kervyn de Marcke ten Driessche ou les dialogues et le théâtre de Virgile) et même son cinéma (Gaston Schoukens qui a notamment filmé l’inoubliable Bossemans et Coppenolle, la pièce de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck, qui a assuré l’immortalité de Madame Chapeau mais aussi de l’Union Saint-Gilloise). 

Il ne reste guère que Toone pour garder vivante la tradition de ce délicieux sabir, véritable photographie du Bruxellois moyen, moqueur et grognon à la fois, un peu anar et méfiant envers le pouvoir et l’autorité. Dans une ville où coexistent plusieurs dizaines de langues, où un habitant sur quatre est de nationalité étrangère, la seule langue qu’on ne babele plus est le bruxellois. Och’erme ! C’est d’autant plus paradoxal que le bruxellois est justement une langue cosmopolite, un zinneke de jargons divers qui ont mieux arrosé Bruxelles que la Senne.  

   Les autorités régionales, c’est tout un symbole, avaient déjà chassé le Palais du Cotillon des locaux qu’il occupait au pied du Parlement bruxellois considérant que ça ne faisait pas assez sérieux d’afficher sous ses fenêtres des masques hilares, farces et attrapes, déguisements, fusées et autres pouêt-pouêt et même des squelettes (dont la maison garantissait pourtant que ce n’était pas ceux de députés régionaux oubliés dans les couloirs.) 

Vous avez vu ce qu’ils ont collé dans les vitrines ? Des dessins et des textes sur l’activité de cette assemblée, manifestement confiés à d’anciens graphistes soviétiques. Tellement tristes que même les ketjes de la strotje ne les ont pas tagués. 

Depuis quand n’a-t-on plus ri avec le discours d’un homme ou d’une femme politique à Bruxelles ? Voyez leurs bobines sur les premières affiches électorales. Un remède contre la zwanze. Ils ont l’air tellement plus tristes que la place Rogier qu’on sait déjà qu’ils vont nous vendre toutes les promesses possibles mais qu’ils ne nous offriront pas une seule kluuterâ. 

  Si le bruxellois s’en va, on se consolera peut-être en parlant désormais syldave, la langue la plus proche de l’original. Dont la devise est le meilleur programme pour l’avenir de la capitale : « Eih bennek, eih blavek ».

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