SOS BONHEUR

 Après la carte d’identité, le permis de conduire, les cartes de banque et de crédit, la carte SIS, les pass d’accès au bureau, au métro, la carte de réduction de Nopri et celles de boutiques dont j’ai même oublié l’existence, voici une carte de plus à glisser dans le portefeuille, le pass-covid ! Chouette ! Déjà que son nom donne tout de suite envie de l’emballer sous vide et de le manier avec des gants et un équipement de cosmonaute sur le modèle élégant de celui des laborantins de l’Institut de virologie de Wuhan. 

La première chose à faire pour rendre plus acceptable l’usage de ce pass serait de le baptiser d’une dénomination un peu plus appétissante. Pourquoi pas le Passe-Partout ? Clin d’œil à l’astucieux valet de Phileas Fogg, engagé au moment où Jules Verne lance le gentleman britannique dans Le Tour du monde en Quatre-vingts jours. 

D’autant que c’est justement à quoi va servir ce nouveau pass (lui-même divisés en deux, selon les usages, certificat et ticket, allez vos y retrouver !). Il faudra le Passe-Partout pour se jeter sur les routes, dans les airs, sur les mers. Tourner autour de la planète, ivres de bonheur d’arpenter les terres exotiques, le corps débordant d’antigènes étalé au soleil sur des plages de sable fin. Là où il y a de l’antigène, il y a du plaisir ! 

Le double pass va aussi être exigé au cinéma, au restaurant, à la piscine, au stade, pour suivre le Tour de France, se faire soigner, participer à une réunion, se promener en rue, même pour répondre à une annonce de rencontre ! Pas question de flirter sans avoir vérifié d’abord la puce de votre partenaire. Une piqure, un baiser, deux piqures, deux baisers et ainsi de suite…

Mais, attention aux contrefaçons ! Car, pour survivre dans le monde d’après, les rétifs au vaccin, les adeptes du non à tout et les complotistes de tout poil, devront trouver le moyen de se glisser au milieu des heureux vaccinés libres de voyager, de se cultiver et de s’aimer. Sous peine d’être condamnés au confinement le reste de leur vie. Un prix plutôt élevé pour avoir le plaisir de proclamer leur liberté d’avoir dit non aux antigènes. 

Engendrant un nouveau et juteux business. Car il se trouvera aussitôt quelques faussaires et représentants des mafias pour fournir à ces récalcitrants des faux Passe-Partout comme ils vendent déjà à qui en a les moyens des passeports trafiqués. 

Jean Van Hamme avait déjà imaginé il y a plus de trente ans dans cette remarquable bande dessinée « S.O.S. Bonheur » (éditions Dupuis) le sort de quelques malheureux citoyens devenus des parias de la société après avoir été déconnectés de leurs liens informatiques.

La fiction, cette mystérieuse belle dame, démontre une fois de plus qu’elle possède la meilleure des boules de cristal ! 

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RYANISATION

Les accros à l’actualité ont été servis ces derniers jours. Ils ont eu droit au show brutal du grand sultan d’Istanbul, aux nouvelles barbaries aveugles de l’ophtalmo sanguinaire de Damas et à la découverte du rôle des grandes oreilles d’Obama, le côté sombre de l’administration fédérale américaine. Tout cela aurait suffi à secouer les plus cyniques d’entre nous. Mais le plus terrible est venu de chez nous, du Brabant wallon. Où Walibi a instauré le ticket bling-bling. Payez plus pour entrez plus vite.

C’est ça, l’info dramatique de la semaine. Car, on le devine, Walibi n’en restera pas là. Inspiré par l’exemple de son voisin carolo, Ryan Air, le parc concocte déjà d’autres « nouveaux services », pour utiliser son vocabulaire délicat. Les enfants obèses ? Ticket à prix gonflé. Les handicapés ? Double tarif. Supplément si la maman ne porte pas un sac de dimension standard, s’il est trop lourd ou s’il contient de la bouffe et des boissons pour les petits. Tarif spécial pour l’utilisation des toilettes luxe, nettoyées après chaque passage. Photo de papa et des lardons devant le Tuf Tuf Club ou le Palais du Génie ? On passe à la caisse pour les droits d’auteur de Walibi. Sans compter des pénalités pour celles qui arpentent le beau macadam du parc en talon aiguille, pour les enfants qui jettent distraitement leur trognon de pomme dans l’herbe. Amendes encore pour les fumeurs, les enrhumés, les cracheurs et les blagueurs – car on ne rit pas à Walibi.

Coïncidence, on a appris cette semaine la privatisation des nouvelles prisons du royaume. On a oublié de le préciser mais les prisons de demain, ce n’est pas seulement un concept architectural inédit. C’est aussi un régime carcéral nouveau, sauce Ryan Air-Walibi.

La prison à plusieurs vitesses, c’est la meilleure façon de préparer les détenus à ce qui les attend une fois leur peine purgée. Avec l’idée très éducative qu’un prisonnier VIP sortant d’une prison quatre étoiles reviendra dans la société avec l’idée qu’une vie quatre étoiles nécessite des tickets « priorité ». Comme il l’aura appris sur le tas en prison.

Dans les nouvelles prisons, on pourra tout acheter. Double tarif pour éviter de faire la file à la douche ou au réfectoire. Tarif spécial pour dormir seul dans la cellule. Ticket super spécial pour dormir avec le gardien ou sa fille – pas de discrimination dans les prisons belges.

Et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ceux qui emmèneront leurs enfants serrer la pince de Saint Nicolas auront intérêt à être cousus d’or. Comme ceux qui attendent le bus ou le métro pour monter les premiers ou avoir droit à un siège réservé. Et, l’an prochain, on proposera des tickets pour voter N-VA avant les autres.

Voilà ce qu’on a trouvé de mieux-jusqu’ici- pour sortir de la crise.

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