LE MECHANT DE L’HISTOIRE

   Le pouvoir a besoin d’ennemis. Un bon ennemi de préférence, facile à identifier, à caricaturer, à dézinguer. 

  Macron ne serait pas président sans Marine Le Pen. Boris Johnson avait Jeremy Corbyn, dans le rôle du détestable faire-valoir, Trump pouvait compter sur Hillary Clinton pour décrocher la couronne.

  Le mauvais de l’histoire n’est pas nécessairement un être humain. Une météorite, des extra-terrestres, des gisements de schistes font aussi l’affaire. Ainsi que la Covid, une ennemie parfaite. Meurtrière sournoise, elle tue ceux qu’elle embrasse. Pas étonnant que la très mâle Académie française l’ait immédiatement classée dans le genre féminin, aux côtés de la mante religieuse et de l’huile de ricin. 

Grâce à cette ennemie ombrageuse, les gouvernements de la planète ont pu prendre d’extraordinaires libertés avec nos libertés, inimaginables encore l’hiver dernier, sans susciter trop de protestations. 

En Belgique, cette brave bébête a permis de laisser à la gestion du royaume des ministres qui gouvernent tout seuls, sans oser demander aux députés de voter la confiance, des projets ou des budgets. Roulez, jeunesse !

 Face à son adversaire, l’homme ou la femme politique n’a pas de mots assez durs pour arracher la victoire. Mais un fois élu, le gagnant peut abandonner la lutte sauvage contre son challenger comme l’acteur ôte son déguisement et efface son maquillage en quittant la scène. Chez nous, les choses se passent autrement comme toujours. Lorsque les membres ont décidé des partenaires qui vont former la nouvelle équipe, tout le monde s’installe derrière la mitrailleuse et on se sulfate allègrement avant même que l’encre de l’accord ne soit sèche. 

Nationalistes et socialistes envisagent de gouverner ensemble ? Aussitôt, chaque associé s’empresse d’expliquer à ses électeurs combien le futur partenaire est fourbe, imbuvable, un fasciste, un bolchévique. Une fois les nationalistes lessivés, le même scénario recommence avec les nouveaux complices. Dès qu’ils ont trouvé les camarades avec lesquels ils vont décrocher le pouvoir, ra-ta-ta-ta-ta ! Ca explose dans tous les coins. Et on s’étonne que les hôpitaux soient surchargés ? Dans le rôle de l’affreux Jojo, G.L. Bouchez fait un méchant idéal mais ses copains de future majorité font aussi, chacun dans leur genre, d’excellents égorgeurs.  

   Dans un gouvernement belge, l’ennemi est plus souvent dedans que dehors. Les ministres qui descendent de leur voiture blindée devant le 16 rue de la loi ont intérêt à se faire accompagner par des démineurs. On comprend mieux pourquoi l’OTAN apprécie tellement l’expertise de ce corps renommé de notre armée de terre.

 « Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film » disait Hitchcock. Un artiste qui manque beaucoup aux politiciens belges.   

www.berenboom.com

BAIN DE BULLES

  Dans “le monde d’avant”, les bulles évoquaient la fête, la liberté, le plaisir. 

  Depuis l’épidémie et son très prudent « déconfinement », la bulle a changé de signification. Elle est devenue synonyme de bunker.

  Dans les écoles, on coince les enfants dans des bulles pour qu’ils ne se mélangent pas. Dans certains restos, les tables sont séparées par des panneaux en plexi, où les convives dînent comme dans une ancienne cabine téléphonique – on  a eu tort de les détruire; elles auraient été drôlement utiles. La bulle, qui nous faisait respirer, s’est refermée sur nous. 

   Dans la vie normale, quand deux bulles se rencontrent, elles explosent. Exemple : quand la bulle socialiste se cogne à la bulle nationaliste, paf ! Depuis le passage de SM Covid XIX, on croyait qu’on n’aurait plus besoin d’informateur, de cascadeur ou de démineur. Qu’il suffirait d’un bon respirateur et hop ! Dans une belle unanimité, comme les citoyens à leurs fenêtres applaudissaient ensemble médecins et infirmières, les politichiens et politichiennes allaient se mettre autour de la table, se retrousser les manches et oublier leurs petits jeux pour sauver l‘économie, la santé, la culture.

  Eh non, évidemment, socialistes, nationalistes, libéraux, chrétiens et écolos, ils sont tous restés dans leur bulle, rentrés dans leur petite maison à la manière d’escargots craintifs. La société peut se transformer, les entreprises s’effondrer, les travailleurs se retrouver au chômage, hommes et femmes politiques, eux, n’ont pas changé. Est-ce pour nous rassurer qu’ils se sont lancés dans leur petite ronde « d’avant » en chantant « je te tire, tu me tires par la barbichette, … » ?

   Remarquez. La société non plus n’a pas donné beaucoup de signes d’évolution vers un autre monde – on veut dire un monde meilleur. 

   Après une fiesta devant le palais de justice – où l’on a célébré surtout la liberté soi-disant retrouvée de crier ensemble – chacun s’est empressé de se réfugier dans sa bulle. Ceux qui prétendent qu’il faut effacer l’histoire en supprimant les cicatrices laissées par le temps contre ceux qui disent qu’il faut enseigner l’histoire plutôt que la réécrire. Ceux qui prétendent qu’«il suffit de gueuler très fort» pour changer le monde et ceux qui pensent que c’est un tout petit peu plus compliqué.

   Ce n’est pas parce que dix mille manifestants ont dénoncé le racisme que le racisme a disparu. On a au contraire l’impression que les bons vieux discours racistes et machistes ressortent aussi débèquetant que les bulles multicolores qui s’échappent de la bouche des Dupondt après qu’ils aient ingurgité de la chloroquine…  

  « Cela a été trop facile de rester dans nos propres bulles », a déclaré Obama dans son discours d’adieu… Il est temps de crever l’abcès. 

     www.berenboom.com

LE VERT EST DANS LE FRUIT

  Le pangolin, une race menacée d’extinction par la chasse que lui livrent frénétiquement les amateurs de ses étranges écailles, a trouvé la parade : le coronavirus. Brave petit mammifère qui serait à l’origine de l’épidémie. 

  De son côté, la tomate elle aussi en a marre que les humains la mettent à toutes les sauces. En réaction, elle a développé elle aussi un virus, le BRFV, qui décolore les fruits, les déforme et les couvre de marbrure. Ce germe ne serait pas transmissible à l’homme. Mais qui aurait envie de croquer dans une tomate qui a l’aspect d’un zombie ? 

  Dans les forêts, les scolytes (espèces de coléoptères) sont à leur tour devenus fous. Eux qui ne s’attaquaient qu’au bois mort s’en prennent désormais aux arbres vivants – notamment aux épicéas wallons- réaction, paraît-il, au réchauffement climatique. 

 La nature devient folle, voilà enfin une explication scientifique au mal qui a atteint aussi les démocraties et les détruit de l’intérieur. Elections à répétition en Espagne, en Israël – bientôt sans doute en Belgique. Montée des extrêmes. Impossibilité de former un gouvernement. La faute aux désordres causés à l’environnement, à une maladie devenue épidémique ?  

  C’est aux sciences exactes qu’il faut demander un remède à notre blocage institutionnel, à l’anémie du compromis à la belge, plus aux sciences humaines. 

  En le regardant au microscope, on comprend mieux l’étrange rigidité du CD&V qui rappelle la dégradation des tomates infectées par le BRFV ou la propagation du COVID- 9. 

  L’ancien parti dominant de la vie politique belge a fondu comme neige au soleil (déjà un effet du réchauffement climatique ?) et ses membres se mangent entre eux, comme pris de folie anthropophage. De plus, ils se collent à leur principal concurrent, qui leur a pourtant piqué l’essentiel de leurs électeurs, telle une plante parasite, comme s’ils essayaient de sucer leur ami-ennemi pour se redonner une bouffée de tonus. Sans aucune précaution contre les virus du parti séparatiste.

  Et comment expliquer les inimitiés des ex-partis frères libéraux et socialistes autrement que par le désordre climatique et l’apparition de nouveaux virus ?

  Le socialiste flamand qui oserait prendre la défense de Paul Magnette après qu’il ait dit simplement non à la N-VA serait considéré comme dangereusement infecté par les bactéries wallonnes. Et gare au libéral flamand qui ne prendrait pas ses distances avec les déclarations d’amour à une Belgique plus unitaire de Georges-Louis Bouchez. Il serait aussitôt placé en quarantaine, un masque sur la bouche, le temps d’être soigné ou de périr.  

   C’est une chance que les soins de santé soient restés compétence fédérale. Le même remède de cheval aux politiciens du nord comme du sud, cela va peut-être sauver le pays mais gare aux dérapages budgétaires !

www.berenboom.com

SEARCH AND DESTROY

   Le problème avec la Saint Valentin c’est que cette sacrée fête ne se célèbre jamais dans la discrétion. Ce jour-là, les amoureux se sentent obligés de s’afficher, de se faire des mamours au resto qu’ils étalent immédiatement sur Facebook, façon que tous les amis et assimilés sachent bien que le couple est solide, uni jusqu’à la fonte des glaces. 

Mais que font les couples discrets ce jour-là ? Ces duos qui se tournent autour sans être certains de s’aimer mais qui sentent monter les affinités entre eux ? Et ceux qui préfèrent ne pas se mettre sous les spots pour ne pas croiser le regard d’un autre partenaire, pas très heureux de les surprendre ?  

Exemples au hasard ? Bart De Wever et Paul Magnette doivent s’enfoncer dans les épaisses fumées du sauna du Calypso pour se rencontrer et se tâter à tâtons. 

Koen Geens et son président Daniël Coens sont obligés de danser le tango dans le parloir de la prison de Forest le vendredi, jour de grève des gardiens. 

Le problème de beaucoup de couples amoureux, c’est la famille. On s’aime mais quel boulet de supporter les parents, cousins et tontons qui se collent à vous justement les jours de fête. Bart et Paul, entre eux ça baigne. Jusqu’à ce que survienne le cousin Théo Francken avec ses grands pieds et sa grande gueule. Et la soirée est fichue. Et que faire du vieil oncle Siegfried ? Ce pauvre Bracke, qui n’a plus tout à fait sa tête, dont il faut supporter les grognements et les grands discours alors que les deux soupirants veulent juste se tenir la main en silence en regardant Philippe les bénir à la télé.  

   « Famille, je vous hais ! » écrivait André Gide, qui connaissait décidément bien la Belgique. Chez nous, inutile de brandir une composition de famille. On ne connait que la décomposition de famille. Pas une qui ne se déchire. Les sociaux chrétiens du Nord ne parlent plus à ceux du Sud (lesquels ont préféré changer de nom pour éviter toute confusion), les libéraux itou qui se font des mamours avant de se répandre en propos venimeux. Quant aux socialistes flamands, ils sont honteux quand on leur rappelle les affinités qu’ils ont osé entretenir jadis avec les socialistes wallons – avec le diable ! Reste les écolos qui sont encore trop verts pour se disputer. Mais attendez quelques années. Ils feront comme leurs vieux et glorieux aînés. 

  Dire que quelques audacieux ont imaginé de marier cinq, six, voire sept partis, en accompagnant la nouba par la musique des Quatre Saisons et en plaidant que plus on est de fous, plus on s’amuse. Je peux vous prédire comment se terminera ce genre de fête. Sur l’air de « Search and destroy » d’Iggy Pop. Un bon qualificatif, tiens, pour notre prochain gouvernement. La coalition Search and Destroy. Autrement plus sexy que la Vivaldi !   

www.berenboom.com

A TABLE !

Quelle sera la grande affaire de ce week-end ? Pour les uns, les festivals de jazz de Liège et de Liberchies. Pour les autres, la composition du premier gouvernement Macron. Tout Paris bruisse de rumeurs contradictoires. Et le café du commerce fait le plein. Dès qu’un homme ou une femme politique annonce ces jours-ci qu’il envisage un nouveau plan de carrière, paf !, on lui colle un ministère. Le maire de Nice, Christian Estrosi n’a pas eu le temps de démissionner de la présidence de sa région qu’il est bombardé par les medias ministre d’état. Et Marion Maréchal-Le Pen, très en froid avec la Marine française, pourquoi lâche-t-elle le FN ? Pour un secrétariat d’état ? Aux Anciens combattants, peut-être ?

Le président Macron, qui n’a pas fini de nous étonner, a bien d’autres idées explosives dans son sac à malices. Plus audacieuses que le reclassement de quelques politiciens en déshérence.

Pour former son équipe, au lieu de picorer comme d’habitude parmi les vieux birbes socialistes et Républicains, il voit large, bien au-delà des étroites frontières hexagonales : il envisage de nommer ministres français quelques-uns des plus charismatiques dirigeants des autres pays européens. De quoi mettre d’avance ses partenaires dans la poche et prendre à revers une opinion publique française d’avance indocile.

D’après ce qu’on sait, son casting pourrait rassembler Mario Renzi aux relations avec le parlement, un spécialiste pour déclencher une zizanie permanente entre tous les partis représentés à l’assemblée nationale. Angela Merkel à la Coopération au Développement gérera la question des réfugiés en conservant la confiance de l’opinion publique. Et Jarosław Kaczyński sera aux Affaires étrangères pour être certain de se fâcher avec le reste de la planète.

Jean-Claude Juncker, pressenti aux Finances, a promis d’apporter au nouveau président tous les secrets et ficelles permettant à la France de devenir un paradis fiscal aussi intouchable que le Luxembourg. Et le Hongrois Orban, le mode d’emploi pour fabriquer un état fort où opposition et institutions seront muselées pendant des années avec l’appui enthousiaste des citoyens.

Reste le casse-tête belge. Qui choisir parmi l’élite de notre nation ? Car il n’y a qu’une place pour notre pays. Charles Michel, Bart De Wever, Paul Magnette, Stéphane Moreau ?

De Wever l’intéresse. Il a réussi comme lui à s’emparer en deux coups de cuillère à pot de l’appareil d’état mais il met comme condition à sa participation, le rattachement de Lille à la Flandre. Charles Michel hésite. Il ne peut décider qu’avec l’approbation unanime des sept parlements du pays. Finalement, Macron a choisi Raoul Hedebouw. Il aura ainsi son mini-Mélenchon.

www.berenboom.com

FÊTE DES MERES

 

Les diablesses rouges pas championnes du monde ? Allons ! Les mamans belges sont les meilleures du monde. Et pas seulement au classement Pizzas. N’est-ce pas madame Reynders qui a donné à son fils cette intelligence et cette délicatesse qui font le charme de ses discours ? C’est elle aussi qui lui a enseigné l’histoire de notre pays. Ce qui a permis à son fiston de secouer le ronron d’un duel radiophonique pâteux avec un Elio manifestement pas réveillé (une grosse insomnie à cause du raffut infernal des avions ?)

Après coup, on appelle ça un dérapage, une gaffe. Alors que Didier, voyant le débat sombrer dans l’ennui, avait trouvé cette excellente réplique sur l’incompétence des socialistes dans les années nonante pour réveiller l’auditeur, entre temps rendormi, et l’envoyer au boulot. Illustration grandeur nature que les libéraux pensent aux travailleurs. Quoi que disent perfidement les socialistes.

Et la maman Wathelet ? Célébrons-la aussi. C’est elle qui a poussé Melchior junior à se mettre au néerlandais dès son plus jeune âge. Bien sûr, on ne connaît jamais aussi bien une langue apprise qu’une langue maternelle. Devenu chef, Melchiortje n’a pas saisi tous les détails du mode d’emploi du mouvement des avions à Zaventem que lui ont soumis ses excellents conseillers. Mais il a compris l’essentiel. Eviter que les zincs n’arrachent, au décollage ou à l’atterrissage, les patates des champs autour de l’aéroport. Illustration grandeur nature que les C.D.H. ne pensent pas seulement aux humains mais aussi à la nature. Quoi que disent perfidement les écologistes.

Et la maman d’Elio. Ah ! Cette fameuse mama, déjà si souvent mise en vedette par son fiston chéri, qui lui a transmis aussi toutes ses qualités, notamment sa grande modestie. Sur le modèle de la mère de Napoléon, qui n’avait de cesse de rappeler à son rejeton que la Roche Tarpéienne n’est pas loin du Capitole, comme disait son tonton, resté en Italie. Et qu’elle avait si bien résumé dans la formule : « Pourvou que ça doure ! »

Pour que ça doure encore cinq ans au moins, Elio s’est dépensé sans compter. Il a dépouillé l’état fédéral de quelques-unes des compétences qui lui restait, il a serré le cou des chômeurs et laissé la bride sur le cou des banques. Illustration grandeur nature que les socialistes ne pensent pas seulement à leurs camarades mais qu’ils mettent aussi en œuvre le programme de leurs adversaires. Quoi que disent perfidement ceux-ci.

Bart de Wever a aussi une maman. C’est elle qui lui a appris comment se bourrer de gaufres et de frites tout en gardant une taille mannequin. On préfère ne pas vous donner la recette ici car je vois que vous êtes à table. C’est la même recette qu’appliquera son parti lorsqu’il arrivera au pouvoir pour absorber toute la richesse du pays tout en restant aussi maigre que la Flandre.

 

 

www.berenboom.com