En 1975, un Joe Dassin prémonitoire portait aux nues l’été indien. D’accord, vous n’étiez pas nés mais ça chaloupe, ça vous entraîne. Même si c’était « il y a un an, y a un siècle, y a une éternité ».
Cinquante ans après, on a l’impression que l’été indien, ce coup de chaleur de l’automne, n’a pas changé. Et pourtant. A l’époque, c’est « une saison qui n’existe que dans le Nord de l’Amérique ». Ici, on se gelait les miches. Là-bas, il ne faisait même pas 30°. Pourtant, aux demoiselles qui portaient d’affolantes robes longues transparentes déjà, Dassin lançait « Avec ta robe longue, tu ressemblais à une aquarelle de Marie Laurencin ». Maintenant, on croise des types en singlet et même torse nu dans les rues de Bruxelles en octobre. Ces rues où erre Tintin erre au début de « L’Etoile mystérieuse », arrachant ses souliers au macadam qui fond pendant qu’un illuminé en robe blanche se promène en hurlant que c’est la fin du monde. Plus lucide que Jo Dassin, Hergé aurait-il eu vent du réchauffement climatique ? On a envie de le croire. En réalité, l’histoire a été dessinée pendant l’occupation allemande et publiée dans Le Soir (volé) en octobre 1941. De quelque façon qu’on le regarde, ce mois-là ne ressemblait pas à l’été indien. Même en météo. L’épaisseur de la neige à Uccle était de 5 cm.
Mais, évitons de pleurer comme Jo Dassin les seventies. Profitons de l’été indien. Dans cinquante ans, un chanteur va célébrer avec nostalgie notre été indien de 2023. Il fredonnera « c’est une saison qui existait en Belgique », d’une voix pleine de regrets, lui qui se sera réfugié entre temps au nord du Groenland et qui émettra depuis un bunker climatisé sous la base américaine de Thulé, à une centaine de kilomètres au sud de la ville de Qaanaaq, devenue la seule cité encore vivable de la planète bleue.
« Je regarde cette vague qui n’atteindra jamais la lune » chante encore Dassin. Il ne savait pas que ce sera peut-être le cas dans quelque temps quand on ne maîtrisera plus rien.
Pendant ce temps, voyant venir les élections dans huit mois et non les désastres climatiques dans huit ans ou plus, les gouvernements européens commencent à freiner des quatre fers sur la mise en place du Pacte vert. Tant qu’il ne s’agissait que de déclarations de bonnes intentions, type discours à la tribune de la COP, tout le monde était partant. Mais maintenant qu’il faut mettre les mesures en œuvre, c’est la panique. La présidente du Parlement européen allant jusqu’à mettre en garde contre les effets d’une politique environnementale trop affirmée.
Veut-elle croire que « Toute la vie sera pareille à ce matin aux couleurs de l’été indien » ? Peut-être. Mais imaginer le futur en torpeur vénéneuse et lascive ne vous sortira pas la tête de l’eau bouillante.
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