SIFFLER EN TRAVAILLANT

Adolescent, j’adorais siffloter Brassens. Mais comme je chantais faux, une vraie horreur, personne n’aurait pu reconnaître « Hécatombe » sauf…

En passant à la hauteur de deux gendarmes en train de verbaliser, m’entendant siffler, un des flics se tourna vers moi et enchaîna, avec un accent flamand à couper au couteau,

« Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C’est un usage bien établi,
Dès qu’il s’agit d’rosser les cognes
Tout l’monde se réconcilie.
Ces furies, perdant toute mesure,
Se ruèrent sur les guignols,
Et donnèrent, je vous l’assure,
Un spectacle assez croquignol. »

Apprends donc à chanter juste, menneke ! reprit le pandore. C’est en chantant que j’ai appris le français ! Si t’es aussi mauvais la prochaine fois, podverdomme ! je te colle une contredanse pour trouble à l’ordre public !

Revenu de ma surprise, je lui demandai si Brassens était au programme de la gendarmerie. Il se tourna vers son collègue en rigolant puis me dit : évidemment non, menneke. C’est mon dernier jour de service. Demain je prends ma pension ! Alors, je chante ! Moi, j’en ai encore pour sept ans, ajouta l’autre poulet d’un ton funèbre.

Qui peut se réjouir du relèvement de l’âge de la pension ? Si les projets du gouvernement sont adoptés, vous n’entendrez plus dans les rues de sémillants pandores, la cinquantaine à peine passée, chanter Brassens ou Stromae. Dix ans plus tard, qui d’entre eux, croyez-vous, aura encore le coffre, le souffle et le cœur à chanter ?

Et à écrire ? C’est aussi à près de cinquante ans qu’Anthony Burgess arrêta son boulot pour se lancer à corps perdu dans l’écriture, son médecin lui ayant annoncé qu’il était sur le point de mourir d’un cancer du cerveau (il lui faudra encore trente ans). Sans sa prépension, on n’aurait jamais eu « L’Orange mécanique », portrait avant l’heure d’une certaine jeunesse ultra-violente et déchaînée. Ce sont les écrivains, messieurs et mesdames les ministres, qui nous racontent à quelle sauce on va être mangés dans le futur. Certainement pas vous. Alors, libérez-les, prépensionnez-les et laissez-les écrire ! Vous en apprendrez bien des choses. Surtout sur vous !

D’ailleurs, vous aussi, vous méritez une deuxième vie. Un exemple au hasard. Si Bart De Wever part à l’âge de mon gendarme de jadis, dans dix ans, c’est fini, il aura cessé de scier la branche sur laquelle ses ministres sont assis. En revanche, avec la nouvelle loi, vous en avez encore pour vingt et un ans à boire chaque matin son venin. Nul évidemment n’est tenu à s’arrêter. Dans vingt et un ans, à la petite fête donnée en l’honneur de la fin de carrière de Bart, le co-premier ministre de l’époque, Elio XVII, lèvera en son honneur le verre de l’amitié, en lui offrant une médaille noire-jaune-rouge vintage, un objet devenu très recherché. Il n’aura jamais que quatre-vingt cinq ans.

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VIEUX ET COURTISANES

   On a longtemps prétendu que le parti socialiste vivait dans l’ombre du PS français, en lui empruntant ses slogans, ses programmes et même son célèbre logo, le poing et la rose.

Ce n’est plus vrai. Plusieurs signes prouvent que le boulevard de l’Empereur a cessé de lorgner du côté de la rue de Solferino. Et cela, au moment où, pour la première fois, un socialiste préside aux destinées du gouvernement dans les deux pays.

Le premier signe de divergence concerne les vieux.

Le candidat Hollande avait fait campagne en dénonçant la remise en question de la retraite à soixante ans. Ce slogan (devenu à géométrie variable depuis qu’il a été élu) vient d’être abandonné par notre PS. Le prochain congrès du parti va supprimer la limite d’âge des élus, que les statuts fixaient depuis quelques années à soixante-cinq ans.

Retour au bon temps où Kamiel Huysmans siégeait à la Chambre en soufflant ses nonante-quatre bougies.

Guy Coeme pourra faire son éternel retour. Philippe Moureaux fêter son come-back et amuser ses camarades pendant longtemps encore. Il n’aura nonante-quatre ans qu’en 2033. Et Stéphane Moreau continuer à tisser sa toile jusqu’en 2058.

Paul Magnette, qui se voyait déjà définitivement calife à la place du calife, a dû avoir un hoquet en apprenant que la fonction de président du parti va elle aussi être prolongée. Elio Di Rupo – soixante deux ans – pourra donc lui reprendre son fauteuil tout chaud, dans un an, dans dix ans, peu importe, quand on aime (la politique), on ne compte pas, comme le chante Berlusconi.

Une autre mesure spectaculaire indique la rupture avec les camarades d’Outre–Quiévrain. L’annonce officielle par le très socialiste Alain Mathot de l’ouverture en fanfare du premier Eros center de Wallonie dans la commune de son papa, Seraing.

Waw ! Encore une décision de gauche, qui montre que le PS francophone est resté fidèle aux principes révolutionnaires de la charte de Quaregnon alors que les roses français s’enfoncent dans le mollo-centrisme.

L’appel à l’immigration à Seraing de nouvelles prostituées (des emplois d’avenir subventionnées par le plan Marshall ?) tombe vingt-quatre heures après la conférence de presse de la ministre française du Droit des Femmes, madame Vallaud Belkacem, venue à Bruxelles réclamer le renforcement des mesures contre la prostitution et l’accélération de la lutte contre ce fléau.

Qui croira à une coïncidence de la part du leader auto-proclamé des socialistes liégeois ?

Erreur de casting ? La porte-parole du gouvernement français siégeait aux côté de la ministre Joëlle Milquet et de la reine Mathilde. Fâcheux oubli, elle avait oublié d’inviter Alain Mathot…

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