Grâce soit rendue au Brexit ! Les Anglais retrouvent leur jeu favori, qui consiste à rendre tout ce qui est british aussi incompréhensible et bavard qu’une enquête de Blake et Mortimer. Ah ! Ce bon temps où le penny valait 1/12e de shilling, le shilling 1/20e de livre et la couronne cinq shillings. Et on s’étonne que les parlementaires britanniques ne raisonnent pas exactement comme leurs collègues continentaux ?
Je vous parie un souverain qu’en quittant l’Europe, le Royaume Uni va abandonner la décimalisation et revenir au système monétaire d’avant 1971.
Lorsqu’on veut comprendre l’imbroglio anglais, il faut cesser de réfléchir avec l’esprit de Descartes et accepter d’entrer dans un monde régi par d’autres règles, qui nous paraissent absurdes mais pas aux Anglais, celles qui mènent Alice de l’autre côté du miroir ou Tristram Shandy, sous la plume de Sterne, dans des digressions sans cesse plus délirantes. Alors, on saisit mieux comment les parlementaires britanniques peuvent en même temps voter contre l’accord de sortie de l’Union et contre une sortie sans accord. Vous prendrez bien encore une tasse de thé ?
Avec le Brexit, tous les insulaires qui se sentent mal à l’aise dans le nouveau siècle vont pouvoir agiter la nostalgie d’un temps où la Reine régnait sur la moitié de la planète. Et imaginer revivre dans l’Angleterre de jadis, avant qu’elle ne s’allie avec les mangeurs de grenouille, pizzas, paellas et choucroute. Ah ! Ce bon temps où l’on pouvait faire travailler les enfants, les femmes ne votaient pas et l’on se chauffait au charbon. En réoccupant l’Irlande, les Anglais vont aussi régler cet insoluble problème de frontière physique entre les deux pays. Et s’épargner l’engagement de douaniers. Faudra juste quelques milliers de soldats pour mater le Sinn Fein.
Poussant cette logique jusqu’au bout, les Anglais tenteront de ranimer le Commonwealth pour compenser la perte des échanges avec le continent. Mais Pakistanais, Indiens, Nigérians ou Kenyans sont-ils prêts à consommer les produits british juste par nostalgie de l’ancien colonisateur ? Sans obtenir en échange que leurs citoyens puissent circuler dans l’ancienne métropole ?
Ne restera alors à Madame May qu’à négocier avec Walt Disney pour transformer l’île en un gigantesque parc d’attraction avec comme thème l’Angleterre rêvée des livres pour enfants. On visitera le manoir des Baskerville dans les brumes du Devonshire en compagnie de Sherlock Holmes, les campagnes avec le Peter Rabbit de Béatrix Potter, les bas-fonds de Londres avec Dickens ou l’école des magiciens de Harry Potter.
A moins que Disney ne propose d’adapter plutôt « 1984 » de George Orwell et s’emploie à déployer le contrôle de Big Brother sur tout le Royaume Uni. Ce qui ressemblera davantage au décor qui nous attend tous dans les années à venir…
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