LES RAISINS DE LA COLERE

 Publié en 1939, le superbe roman de John Steinbeck « Les Raisins de la Colère » raconte l’épopée d’une des ces innombrables familles de l’Oklahoma, chassée de ses terres par la sécheresse et les banques et qui fuit vers un improbable refuge en Californie. Il y est question (déjà) de la dégradation de l’environnement, de la cupidité des créanciers et surtout de la condition sociale des travailleurs à une époque où aucun système social ni aucune aide publique n’empêchaient de sombrer et de mourir dans l’indifférence.

La colère du vendredi, décrétée par la PTB, a, malgré son nom, peu en commun avec la situation sociale et le désespoir des laissés pour compte décrits par Steinbeck. 

Mais on comprend les craintes et les revendications de beaucoup d’entre nous face à la brutale dégradation des prix de l’énergie, le sentiment diffus et malheureusement exact que nos dirigeants ont perdu le contrôle du navire au milieu de la tempête, qu’on ne sait plus qui est aux commandes, chaque ministre fédéral et régional semblant à tour de rôle souffler la manœuvre au timonier avant de finir par en appeler, comme avant tout bon naufrage, à Dieu, je veux dire à l’Europe. Quant au capitaine, il semble aux abonnés absents. 

 Ce que Raoul Hedebouw se garde bien de rappeler c’est la cause de cette situation. Pas moyen de dénoncer cette fois les financiers ou les banquiers qui tirent profit de la misère. Même pas l’OTAN, le grand méchant loup habituel. Non. Ici, le responsable s’appelle Vladimir Poutine. L’explosion des prix du gaz et du pétrole est le résultat de cette fichue guerre que le PTB ne parvient pas à clouer au pilori.

Alors, il agite le désordre. Genre on casse tout parce qu’on n’est pas content. Mais attention, seulement un jour par semaine. Vendredi, c’est colère. Samedi, les courses. Et dimanche, foot et promenade en famille. Avant de retourner sagement au turbin pour être en forme le vendredi suivant pour aller gueuler.   

Il est dangereux de jouer ainsi avec le feu. On a vu l’impasse du mouvement des gilets jaunes en France, juste une addition d’aigreurs individuelles, de hargnes si égoïstes qu’ils ont été incapables de formaliser des revendications collectives et de choisir des représentants pour les négocier.

Le PTB a tort de parier sur la récupération de tous ces mécontents lors des prochaines élections. Ceux qu’il aura jetés dans la rue (s’ils sortent indemnes du covid qui risque de décimer à nouveau les rassemblements cet automne) vont peut-être choisir de voter « radical » comme expression aveugle de leur rage. Pour l’heure, c’est plutôt l’extrême droite qui ramasse un peu partout en Europe les frustrés de tous poils que les nostalgiques du communisme. Même Poutine lorgne plutôt du côté de Marine Le Pen que de Mélenchon. T’es plus dans le coup, Raoul ! 

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LES HABITS NEUFS DE L’ORDRE NOUVEAU

  Malgré leur grande imagination, on a l’impression que nos hommes et femmes politiques, sonnés par le dimanche électoral noir de noir, peinent cette fois à trouver leur inspiration dans les trésors du surréalisme. 

 Alors, aidons-les un peu. 

  Le plus épineux obstacle à une réconciliation des deux communautés du pays vient de ce que de part et d’autre de la frontière linguistique, chacun regarde son voisin comme un territoire ennemi. Et ses habitants comme des péquenots. Faut donc faire bouger les lignes, obliger ceux qui se regardent en chiens de faïence à quitter leurs positions. En les attirant les uns vers les autres avec des cadeaux imprévus. 

  Ainsi, pourquoi ne pas offrir la présidence de la région wallonne à Bart De Wever ou même à Dries Van Langenhove, le petit canaillou qui anime les sympathiques sauteries du mouvement facho « Schild & Vrienden » ? 

  Bart ou Dries, dans leur nouvel habit, obligé de réorganiser les intercommunales wallonnes, à mettre de l’ordre dans les TEC (l’ordre, ils connaissent ça, non ?), réparer les routes du sud du pays, à assister aux matchs du Standard en hurlant avec les supporters rouches chaque fois que les Liégeois marqueront contre l’Antwerp, la Gantoise et Bruges, à vanter lors de l’inauguration de la Foire de Libramont les vaches blanc, bleues, belges (belges !!), voilà autant d’idées audacieuses susceptibles d’apporter un souffle frais dans le sud du pays et à décoincer ce qui paralyse le développement de la Wallonie. 

Pendant ce temps, Paul Magnette, nommé à la tête du gouvernement flamand mobilisera ses concitoyens pour défier l’Oncle Sam. Et l’on rêve déjà du prochain sommet Magnette-Trump arbitré par le président nord-coréen. A l’emploi flamand, on appellera Raoul Hedebouw pour gérer l’arrivée des milliers de nouveaux immigrés destinés à pallier le manque de main d’œuvre dans la partie plate du pays. 

Seul risque de ce projet : on ne peut exclure que, comme tant de nouveaux convertis, certaines de ces personnalités « déplacées » prennent leur mandat trop à cœur. 

Ses nouvelles fonctions lui tournant la tête, on ne peut exclure que Bart De Wever demande le rattachement de la Wallonie à la France en hurlant depuis le perron de Liège « Vive la Wallonie libre ! » Et Frédéric Daerden, nommé aux Finances, organiser fiévreusement le décrochage de la Flandre de l’euro au profit d’une nouvelle monnaie noire et jaune, le « goedendag ». 

Reste le plus difficile : aérer aussi l’esprit d’un certain nombre de jeunes qui ont manifestement forcé sur les jeux vidéos et pas assez sur les cours d’histoire. Peut-être la VRT pourrait-elle repasser sa passionnante série « L’Ordre Nouveau » de Maurice De Wilde, dont le contenu a manifestement échappé à quelques jeunes votants distraits dimanche dernier.  

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A TABLE !

Quelle sera la grande affaire de ce week-end ? Pour les uns, les festivals de jazz de Liège et de Liberchies. Pour les autres, la composition du premier gouvernement Macron. Tout Paris bruisse de rumeurs contradictoires. Et le café du commerce fait le plein. Dès qu’un homme ou une femme politique annonce ces jours-ci qu’il envisage un nouveau plan de carrière, paf !, on lui colle un ministère. Le maire de Nice, Christian Estrosi n’a pas eu le temps de démissionner de la présidence de sa région qu’il est bombardé par les medias ministre d’état. Et Marion Maréchal-Le Pen, très en froid avec la Marine française, pourquoi lâche-t-elle le FN ? Pour un secrétariat d’état ? Aux Anciens combattants, peut-être ?

Le président Macron, qui n’a pas fini de nous étonner, a bien d’autres idées explosives dans son sac à malices. Plus audacieuses que le reclassement de quelques politiciens en déshérence.

Pour former son équipe, au lieu de picorer comme d’habitude parmi les vieux birbes socialistes et Républicains, il voit large, bien au-delà des étroites frontières hexagonales : il envisage de nommer ministres français quelques-uns des plus charismatiques dirigeants des autres pays européens. De quoi mettre d’avance ses partenaires dans la poche et prendre à revers une opinion publique française d’avance indocile.

D’après ce qu’on sait, son casting pourrait rassembler Mario Renzi aux relations avec le parlement, un spécialiste pour déclencher une zizanie permanente entre tous les partis représentés à l’assemblée nationale. Angela Merkel à la Coopération au Développement gérera la question des réfugiés en conservant la confiance de l’opinion publique. Et Jarosław Kaczyński sera aux Affaires étrangères pour être certain de se fâcher avec le reste de la planète.

Jean-Claude Juncker, pressenti aux Finances, a promis d’apporter au nouveau président tous les secrets et ficelles permettant à la France de devenir un paradis fiscal aussi intouchable que le Luxembourg. Et le Hongrois Orban, le mode d’emploi pour fabriquer un état fort où opposition et institutions seront muselées pendant des années avec l’appui enthousiaste des citoyens.

Reste le casse-tête belge. Qui choisir parmi l’élite de notre nation ? Car il n’y a qu’une place pour notre pays. Charles Michel, Bart De Wever, Paul Magnette, Stéphane Moreau ?

De Wever l’intéresse. Il a réussi comme lui à s’emparer en deux coups de cuillère à pot de l’appareil d’état mais il met comme condition à sa participation, le rattachement de Lille à la Flandre. Charles Michel hésite. Il ne peut décider qu’avec l’approbation unanime des sept parlements du pays. Finalement, Macron a choisi Raoul Hedebouw. Il aura ainsi son mini-Mélenchon.

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DEBOUT LES DAMNES, ETC

Goblet, reviens, ils sont devenus fous !

Depuis que Marc Goblet s’est retiré, tout va de travers: les patrons licencient à la pelle et les travailleurs, au lieu de se révolter, de défiler dans les rues de Charleroi sur les énormes engins flambant neufs qu’ils viennent de fabriquer, continuent d’aller tranquillos au turbin. Même les TEC n’ont pas connu un jour de grève. Même les TEC !

On pensait que la classe ouvrière n’avait plus que ses yeux pour pleurer et le mouchoir de Paul Magnette pour les essuyer jusqu’à l’annonce surprise de Charles Michel.

Je suis prêt, a-t-il annoncé la voix un peu tremblante tout de même, et le poing timidement levé, de reprendre le rôle du flamboyant leader syndical, après le refus cassant de Marie-Hélène Ska. La patronne de la CSC a déclaré en effet à propos de son ancien collègue, désolé, les mecs, un mâle pareil, il n’y qu’un autre mâle pour le remplacer. Imagine-t-on le Roi Lear jouée par une femme ?

Avec sa belle barbe, Charles Michel a donc senti que l’annonce de la fermeture de Caterpillar ouvrait une nouvelle page de son destin. Du ciel, une voix lui a murmuré à l’oreille : Charles, le moment est venu pour toi de changer de registre.

Fini les cocktails avec les patrons, où il est obligé de parler néerlandais pour tenir son rang face aux leaders de la N-VA, fini les voyages autour de la planète pour vanter en anglais les bienfaits des intérêts notionnels et de toutes nos autres turpitudes fiscales réservées aux capitaux lointains pour les attirer dans notre pays fatigué. Fini tout ça. Charles $ Michel est mort. Vive Charles camarade Michel !

Dans son nouvel habit, il peut crier haut et fort et en wallon sa solidarité avec le prolétariat. Debout les damnés de la terre wallonne ! Paul Magnette et Raoul Hedebouw en restent comme deux ronds de flancs, dépassés sur leur extrême gauche. Celui-là, ils ne l’avaient pas vu venir. Pas plus que son appel à faire « l’union sacrée » avec toutes les forces de Wallonie, entendez les socialistes pour « soutenir les travailleurs » contre l’abominable capitaliste américain. Tremblez, au fond de l’Illinois !

Pour un premier essai, franchement, c’est pas mal, mais pas encore tout à fait ça. Le vocabulaire est un peu pauvre, un peu plat, la voix ne porte pas très loin, certainement pas jusqu’aux Etats-Unis. On sent notre jeune Premier pas tout à fait à l’aise dans le costume, avec son foulard rouge trop neuf, un casque jaune tout juste sorti du stock américain et la photo de Raoul Hedebouw au mur.

Charles devrait peut-être potasser son Shakespeare pour monter en puissance. Dans « Le Roi Lear » justement, il trouvera une belle formule : « C’est un malheur du temps que les fous guident les aveugles ». A condition de préciser que le fou est américain et non pas le chef du gouvernement belge…

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TU VEUX MA PHOTO ?

Alors qu’il manifestait selon son habitude contre les musulmans à Anvers à la tête de sa bande de braillards, Filip Dewinter a eu la surprise de voir soudain s’approcher de lui une souriante jeune femme voilée qui a pris devant lui un selfie épatant : tous deux comme détachés du monde. Loin des violences et des éructations. Pas tout à fait, cependant. Ils n’en étaient pas encore au tongkus. Sur la photo, lui gueule dans un porte-voix et elle le regarde, coquine et ironique. Mais ils se tiennent tout près l’un de l’autre. Prêts à se toucher ? Cela ouvre des pistes comme disent les syndicats des gardiens de prison. Pour dégager un peu les voies respiratoires, très encombrées depuis quelques mois par un souffle inquiétant. Comme si les attentats de Paris et de Bruxelles avaient fait sortir une violence malsaine jusque-là contenue.

En France, le déferlement de barbarie de jeunes casseurs transforment les manifestations contre le gouvernement et sa nouvelle loi sur le travail en un terrain de destructions massives et aveugles.

En Belgique, la violence d’un gouvernement indifférent ou inconscient des dégâts que va provoquer dans toute la société sa politique d’économies automatiques qui détruit la justice, désagrège les transports, signe l’évaporation des services publics et la fin des investissements publics, symbolisée par l’effondrement théâtral des tunnels routiers de Bruxelles. Mais la violence vient aussi de certains syndiqués, qui n’hésitent pas à provoquer des grèves nombrilistes sans même respecter le deuil après les attentats, ou d’agents pénitentiaires prêts pour obtenir leurs justes revendications à soumettre les détenus à un régime indigne et dégradant.

L’exemple donné par notre sympathique jeune Anversoise donne des idées. Mais on s’aperçoit aussitôt comme il est difficile à mettre en œuvre. Imaginons-nous un gardien de la prison d’Andenne se faisant photographier dans une cellule puante et surpeuplée avec un, deux, dix détenus hilares ? Charles Michel posant avec les patrons des trois syndicats de matons, clic, clac, devant sa salle de douches au 16 rue de la loi ? Raoul Hedebouw s’affichant, une passoire de spaghettis sur la tête à la place de son T-shirt à la gloire de Staline, bras dessus bras dessous avec Elio Di Rupo et Paul Magnette ?

La jeune photographe anversoise avait raison : coincer son adversaire, son ennemi dans une photo, c’est fermer la gueule du lion. C’est plus efficace encore, s’il faut en croire Michel Tournier qui disait que la photographie est une pratique d’envoûtement qui vise à s’assurer la possession de l’être photographié.

De quoi inspirer quelques personnalités en chute libre dans les derniers sondages…

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