L’échec de la Commission parlementaire sur le passé colonial de notre pays fait penser à celui des Diables rouges à la Coupe du Monde. Chacun pour soi. Les joueurs rechignant à jouer collectif pour se mettre seuls en valeur devant leurs fans. Et l’entraîneur s’intéressant davantage à la coupe de ses costumes qu’à celle du championnat de football.
Après avoir travaillé pendant de longs mois, décortiqué par le menu le système colonial, identifié ses principaux abus, ses dérives, la discrimination, le racisme endémique et l’appropriation des richesses du pays érigés en système et conclu que la Belgique affichait un passif incontestable (par rapport aux apports de la colonisation), les commissaires se sont quittés en prétendant que les conséquences de tous les pillages, massacres, humiliations ne pourront être tirées que par la prochaine génération. Demain, on présentera nos excuses, aujourd’hui, on n’a pas la tête à ça. Ou si vous êtes insistants, acceptez entretemps nos regrets.
Voilà à quoi les parlementaires ont passé leur temps, à décortiquer de façon jésuitique les différences sémantiques entre regrets et excuses, au point de recouvrir d’un voile ou d’enfermer dans un placard si on préfère tous les constats faits depuis deux ans et demi, les détails de la documentation, les apports des experts, les échos de la mémoire pour empêcher qu’elle ne se referme comme la mâchoire d’un crocodile.
Guy Verhofstadt, alors premier ministre, avait rétabli un peu la dignité de la Belgique en présentant ses excuses au Rwanda au nom du peuple belge en 2000. Le génocide s’était déroulé six ans plus tôt. Etrange qu’il soit plus difficile de reconnaître des exactions beaucoup plus anciennes.
Puisque nos législateurs ont du mal à laisser échapper de leurs lèvres sèches le mot « excuse », n’auraient-ils pas pu alors faire preuve d’imagination en exprimant leur repentance, leur repentir, leur attrition, voire leur résipiscence ?
Après avoir convoqué le ban et l’arrière-ban des experts de l’histoire du Congo, du Rwanda et du Burundi, qui ont unanimement souligné l’importe de ces excuses, notamment par rapport au racisme persistant, ils auraient pu appeler à l’aide quelques écrivains qui auraient pu les sortir de l’embarras dans lequel ils s’étaient enferrés. Evidemment, les auteurs auraient quelque raison de refuser leur assistance à des parlementaires qui ont décidé d’effacer le régime fiscal particulier des moins nantis d’entre eux et de nier leur statut pour quelques misérables deniers soi-disant utiles pour boucler le budget de l’état.
« O tempora, o mores !
Senatus haec intellegit, consul videt ; hic tamen vivit. Vivit ? »
« Quelle époque, quelles mœurs !
Le sénat sait ces choses, le consul les a vues et pourtant il vit. Il vit ? » (Cicéron, Les Catilinaires).
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