L’INFORMATURC ROYAL

   Depuis la disparition de Laurel & Hardy puis de Jerry Lewis & Dean Martin, les duos n’ont plus la cote. Ceux d’aujourd’hui ont perdu la recette magique qui assurait le succès de leurs glorieux prédécesseurs. 

   Trois trios d’informateurs royaux sans le moindre applaudissement. Et, avait-on jamais vu ça : des acteurs qui demandent eux-mêmes des bis et des prolongations et non le public ? 

  Certains songent pourtant à prolonger l’expérience en lançant le couple De Wever-Magnette. Inutile. Il ne fera pas plus recette que leurs collègues même si ces deux-là ont plus de gags à leur répertoire. 

   Les temps ont changé. On est à l’ère du stand-up. Un homme seul pour assurer le spectacle. Ca tombe bien, on en a un justement sous la main, qui présente toutes les qualités requises, plein de surprises, indépendant de tous et surtout de son parti qui vient de le lâcher. Un esprit libre, qui préfère regarder au-delà de nos frontières ; jusqu’au bout de la Méditerranée plutôt que de se racrapoter sur nos misérables hameaux. Voilà qui nous changera de tous ces politiciens, englués dans leurs petites phrases, leurs tabous et leurs totems. Vous l’avez deviné, Emir Kir, voilà le prochain informateur idéal. 

   A poor lonesome cowboy far away from home.  

  Très ferré dans les innombrables qualités du Mamamouchi d’Ankara, Emir pourra suggérer, pour redresser le pays, quelques-unes des belles réformes qu’Erdogan a apportées à la Turquie, un gouvernement inamovible pour des années sinon des siècles, un chef de gouvernement respecté –sous peine d’emprisonnement-, une presse aux ordres. 

  Evidemment, les qualités de la Turquie de l’AKP s’accompagnent de quelques inconvénients collatéraux. La Turquie accueille quatre millions de réfugiés (nous avions en décembre, 2243 demandeurs de protection internationale), la Belgique compte trente-cinq prisons, la Turquie près de quatre cents. Mais, elles sont sans doute mieux fréquentées car il y entre plus d’intellectuels, de profs et de journalistes qu’il n’en reste en liberté. 

   Il ne faut pas se cacher aussi qu’en Turquie erre un nombre considérable de loups gris, que là-bas tout le monde, dit-on, peut fréquenter sans se faire contaminer (est-ce possible ?) De toute façon, il suffit pour s’en prémunir chez nous de suivre les prescriptions du bourgmestre d’Ixelles, Christos Doulkeridis, qui déconseille vivement aux écoles de laisser les enfants s’approcher des bêtes sauvages. Evidemment, l’homme n’est peut-être pas très objectif puisque sa famille, d’origine grecque, a fui jadis les Ottomans…

   Sorti par la porte de la Maison du Peuple, Emir Kir pourrait ainsi rentrer par la cheminée (du Palais). 

www.berenboom.com

MURMURES

Ce que l’on criait en 1989 est devenu murmure trente ans plus tard. Et ce que l’on crie aujourd’hui était à peine balbutiant à la fin des années quatre-vingts.  

 A l’époque, l’Europe aspirait plus que tout aux droits de l’homme. Plus qu’aux revendications sociales et économiques, plus qu’aux exigences éthiques. Liberté ! clamaient les manifestants de Berlin, Prague, Varsovie, Budapest, Bucarest, qui ont réussi l’impensable, la disparition du communisme en trois coups de cuiller à pot ! (Tandis que leurs camarades chinois se faisaient tailler menu sur la place Tienanmen.)  

 A présent, les droits de l’homme semblent passés de mode. Il est même de bon ton chez certains de faire la fine bouche devant ceux qu’ils qualifient de « droit-de-l’hommistes », expression dégueulasse qui justifie le cynisme au nom du soi-disant réalisme. Parmi ces beaux esprits, on trouve pêle-mêle des hommes de droite comme Zemmour ou Nicolas Sarkozy, autant que de gauche tels Badiou, Védrine ou Chevènement. 

   Même notre Ligue des Droits de l’Homme a choisi de masquer ce concept devenu honteux. Elle s’est transformée l’an dernier en Ligue des « Droits humains » (oubliant l’étymologie latine du mot homo, qui n’est pas le mâle, qu’on désignait par le mot vir ! O tempora ! O mores ! ) 

 Ah ! Le mur du politiquement correct, voilà la notion en vogue trente ans après la victoire de la liberté. On doit cacher « Tintin au Congo », effacer la cigarette du portait de Malraux sur les timbres français, fabriquer une orthographe masc.fém. grotesque, éviter toute référence aux vraies merveilles de la civilisation européenne sur les billets d’euros pour ne froisser personne et ne pas remuer l’histoire. 

La caricature est aussi passée au purgatoire. Elle doit éviter d’être « trop », sous peine de ne plus être publiée (le New York Times a supprimé le dessin politique) ou même sous peine de mort. « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » disait Pierre Desproges – juste avant la chute du mur, tiens. Trente ans plus tard, n’importe qui peut vous empêcher de rire tout simplement. 

  Le mur de Berlin est tombé, hourrah ! Mais, ne vous en êtes-vous pas aperçu, vous qui faites la fiesta ? il a été reconstruit un peu plus loin, aux frontières de l’Europe. Lorsque l’Union s’est ouverte à la plupart des pays libérés du joug soviétique, on a accueilli leurs citoyens à bras ouverts. Depuis, leurs dirigeants sont parmi les plus acharnés à repousser ceux d’ailleurs, chassés vers notre paradis par la guerre, la barbarie ou la misère. Voilà la seule politique pour laquelle les Européens sont unis : fermer nos frontières.

   L’argent qui servait à réunifier notre continent il y a trente ans sert maintenant à entretenir des prisons. 

www.berenboom.com      

REVENANTS

Que faire de tous ces voyageurs belges perdus en Syrie et qui commencent à revenir chez nous avec armes et enfants (les femmes suivent derrière avec les bagages) puisque le président Assad a sifflé la fin de la récréation ?
Je vous résume les propositions les plus intéressantes que j’ai relevées.
Avec la perspective d’un Brexit difficile, certains suggèrent que, dès leur retour, nos compatriotes soient engagés comme douaniers. Justement, on doit en recruter en masse pour empêcher les immigrés britanniques de prendre la place des réfugiés libyens ou somaliens au parc Maximilien. Les « revenants » ont toutes les qualités pour remplir cette mission difficile. Ils savent tirer. Ne se laisseront pas attendrir par le récit des malheurs des pauvres Ecossais. Et ils n’auront pas peur des fantômes qu’ils auront emportés dans leurs bagages. Les « revenants » en ont eux-mêmes ramenés tant avec eux qu’ils savent comment les dresser.
Autre offre, venue cette fois de l’Agence spatiale européenne. Pourquoi ne pas envoyer les « revenants » dans l’espace ? Ils viennent de l’enfer ; on les renvoie au paradis.
L’ASE qui prépare depuis des années des vols habités a bien du mal à recruter des candidats. Dès que l’Agence leur promettra un passeport et un engin direction le ciel, qui peut douter que les « revenants » n’accueillent cette proposition avec ferveur ? Les 72 vierges ? Oui, elles attendent là-haut, promis, juré. Mais, l’Agence ne garantira pas qu’elles seront déjà prêtes pour accueillir les voyageurs du premier voyage. Restons sérieux.
Les transports semblent beaucoup inspirer ceux qui veulent recaser les « revenants ». S’ils ne peuvent tous embarquer dans les capsules spatiales, ils trouveront un job dans les bus. Un des dirigeants des TEC m’a glissé à l’oreille que sa société pourrait charger les meilleurs d’entre eux de remplacer les chauffeurs des TEC les jours de grève. Soit pratiquement un boulot plein temps garanti. Ceux qui ont eu l’expérience des chemins de Syrie ne seront guère surpris par l’état des routes wallonnes.
Une dernière idée imaginée à l’occasion de la Foire du Libre de Bruxelles qui s’ouvre dans quelques jours. Beaucoup de parents se dévouent pour lire des livres aux petits dans les écoles. Les « revenants » pourraient les aider. Qui mieux qu’eux pourraient leur lire avec un accent de vérité et des sanglots dans la voix des extraits de livres dont l’action se déroule au Moyen Orient ? « Tintin au Pays de l’Or noir », « Salut aux coureurs d’aventures » de John Buchan ou les récits des « Mille et une nuits ».
On peut discuter mais il faut reconnaître que ces « travaux d’intérêt général » seraient autrement plus utiles pour les « revenants » – et moins inquiétants pour nous- que de bourrer les prisons et de les laisser convertir les autres détenus aux idées radicales…

www.berenboom.com