ELYSEE-MOI !

La découverte miraculeuse à Arles d’un cahier de croquis de Vincent Van Gogh pose l’excitante question du faux. Pour certains experts, ces dessins sont (je cite) des OMG (« Oh ! My God ! ») Pour le Musée d’Amsterdam, en revanche, de simples imitations. Comment distinguer un vrai d’un faux ? Et si les experts les plus pointus eux-mêmes se mélangent les pinceaux, pourquoi considérer un artiste comme un génie et son clone comme un criminel ?

L’arrivée surprise d’Emmanuel Macron dans la campagne présidentielle française ressemble furieusement à l’apparition d’Arles. Et suscite à peu près les mêmes réactions passionnées.

A commencer par celle de l’artiste copié, toujours plus ou moins vivant : François Hollande (encore un point commun avec Van Gogh). Macron, prétend-il, n’est qu’une pâle copie, d’ailleurs mal faite, de moi-même. Personne ne s’y trompera. S’il passe devant moi au premier tour des élections, j’en fais le serment,  je me coupe l’oreille gauche –et la sienne.

Macron ne pensait pas, en se lançant dans la course à l’Elysée, passer de l’impressionnisme au fauvisme.

Lorsqu’on entend les spécialistes d’un peintre juger de l’authenticité d’une œuvre, ce qui distingue l’original d’une contrefaçon, c’est « l’âme ». La copie même admirablement fabriquée ne reflèterait pas « l’âme de l’artiste ».

Si on applique ce critère à M. Macron, c’est sûr, il ne réussira jamais l’épreuve. On a rarement vu un homme politique écraser ceux qui lui ont offert un marchepied avec si peu d’état d’âme. Il rappelle le Chirac de 1974 qui avait trahi le candidat de son camp, Jacques Chaban Delmas, pour Giscard d’Estaing en échange d’une place de premier ministre. Un Giscard auquel Macron s’efforce de ressembler (les cheveux en plus et la diction ridicule en moins) : jeune, libéral, rassembleur (ce qui signifie qu’il est d’accord sur tout et son contraire). Prêt à peindre l’avenir de la France sous les couleurs les plus chatoyantes. Et à se faire photographier en compagnie de tous ceux que l’illustre peintre hollandais a immortalisés : mangeurs de pommes de terre, mineurs, paysans travaillant la terre, et même avec des jeunes filles sur la plage de Scheveningen, façon sympathique de montrer son amour de l’Europe.

Quant à ses autoportraits, en voici, en voilà, autant que vous en voulez. L’oreille coupée à gauche ou à droite, à votre choix.

Si à gauche, on dénonce le faussaire, à droite, on n’est pas en reste. Il est adroit mais pas à droite, persifle Juppé. Ne vous y trumpez pas, fulmine Marine Le Pen, brusquement ringardisée. Et son programme c’est « Carré blanc sur fond blanc » de Malevitch, ajoute NKM qui se pique de culture.

Macron ferait peut-être mieux de s’installer en Belgique où le surréalisme survit à tout.

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OETTINGER EPAIS

Jadis, beaucoup de gouvernements envoyaient à la commission européenne les politiciens dont ils ne voulaient plus ou auxquels ils étaient obligés d’offrir un bâton de maréchal. Dans le lot, il y avait donc souvent pas mal de fins de série et de soldes à prix cassé. A chaque nouvelle commission, on nous promet que cette époque est révolue. Mais chaque fois, on dirait que c’est pire.

Pouvait-il y avoir plus poussiéreux rossignol à offrir à la clientèle européenne que le « président» Barroso ? Cireur de pompes infatigable des chefs d’état puissants et véritable fossoyeur de la politique européenne dont il symbolisait tous les défauts : technocratie incompréhensible, opaque et inhumaine. Auxquels on peut ajouter, depuis son reclassement chez les brigands de Goldman Sachs, l’amour immodéré du pognon et le mépris des citoyens au service desquels il  prétendait œuvrer.

Avec Jean-Claude Juncker, on croyait cette page tournée. Mais non, la liquidation continue pendant les travaux. Bien sûr, après sa défaite électorale de 2013, le nouveau gouvernement luxembourgeois a été heureux de le refiler vite fait à Bruxelles mais ses déclarations musclées au début de son mandat laissaient croire que lui et ses compères avaient enfin compris la nécessité d’un rebond. On allait voir ce qu’on allait voir. Une Europe vent debout, nettoyant ses placards et liquidant ses momies.

Las ! On a vu des dirigeants assommés par la sortie de la Grande-Bretagne, incapables de se présenter devant le Parlement avec une feuille de route offrant une vision et des perspectives aux citoyens de l’Europe continentale.

Le président Juncker semble aussi aveugle et sourd à propos de la perfidie de son prédécesseur qu’il l’avait été quand les services de renseignement de son pays avaient constitué des fichiers illégaux (ce qui avait provoqué sa démission), ou lors de la publication des Panama Papers qui montraient les liens entre son pays et le paradis fiscal bananier. Il n’avait pas prévu non plus que l’opacité et les à peu près du Traité CETA allaient lui péter à la figure.

Et le voilà maintenant même incapable de remonter les bretelles de son commissaire Günther Oettinger. Le commissaire à l’économie et à la société numérique a un langage très châtié. Traitant « nos amis Chinois » de types « peignés de gauche à droite avec du cirage noir », l’Allemagne de pays qui s’occupe de « rendre le mariage homosexuel obligatoire » et la Wallonie de « micro-région dirigée par des communistes».

En remerciement de ce langage « vrai » et « viril », M. Oettinger reçoit en prime le portefeuille du budget et des ressources humaines avant peut-être de devenir vice-président de la Commission.

Ne reste-t-il donc que Trump, devenu président des Etats-Unis, pour lui écraser la gueule ?

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HOMMAGE BÊTE ET MECHANT

On dirait qu’ils s’y sont tous mis en ce début d’année pour rendre hommage aux dessinateurs assassinés de « Charlie-Hebdo ». La fiesta est universelle. Jugez plutôt. La Corée du Nord donne des leçons à Bruxelles en organisant un super feu d’artifices à faire pâlir d’envie Chinois et Japonais. En Arabie saoudite, la fête des rois se célèbre en vidant les prisons devant des pelotons d’exécution. Cherchez la fève ! En Iran, en jetant dans le feu tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Wahabite. Chef d’états occidentaux cherchent dans la région islamistes modérés. Prière de s’adresser à la rédaction de « Charlie-Hebdo »…

Un peu plus loin, les Syriens s’enfuient de leur terre ravagée par leur président dément et ses fous furieux d’adversaires pour se réfugier à Molenbeek en bateau pendant que les Molenbeekois s’enfuient de Belgique, fuyant les menaces d’explosion du pays annoncées par une ministre flamande délirante, pour se réfugier en Syrie et en armoire. De l’autre côté de l’Atlantique, des fous de la gâchette terrorisent les Etats-Unis alors que les représentants des survivants au Congrès proclament qu’il faut protéger le sacré port d’armes. Président cherche sénateurs sains d’esprit. S’adresser à…

Vous imaginez comme Cabu, Charb ou Honorez auraient mouillé leurs feutres pour croquer pareils sujets ! Ils ne sauraient pas où donner du crayon…

Ajoutez-y le procès intenté par le grand mamamouchi turc, Recep Erdogan, le plus modéré  des Islamistes, à l’imam, tout aussi moderato cantabile, Fethullah Gülen. Population locale cherche Kemal Atatürk désespérément…

Comme toujours, il ne faut pas aller très loin pour alimenter les humoristes. Un petit pays d’Europe suffit à lui tout seul à remplir le quota quand le reste du monde s’assoupit. En Belgique, on n’a que l’embarras du choix. Au hasard, pour se mettre en train, il suffit d’essayer d’expliquer comment se déroule chez nous une grève du rail. De suivre sur une carte le parcours d’un train en grève autour de Bruxelles alors que les voies passent tous les quelques kilomètres la frontière linguistique, d’une région à l’autre. On tentera de raconter dans la foulée comment les syndicats qui sont face au gouvernement le plus à droite depuis cinquante ans réussissent à se faire eux-mêmes imploser. La maladie du kamikaze, décidément, est gravement contagieuse même loin des mosquées. On épinglera aussi cette « bonne idée » d’un ministre N-VA qui veut donner des cours aux réfugiés pour leur apprendre à respecter les femmes de chez nous. Et quid des Belges pur-jus-pur-souche ? Sont-ils donc tous féministes, galants et délicats ? Pour avoir une réponse objective et illustrée consultez votre collection de journaux bêtes et méchants…

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UNE HEROÏNE A DOUBLE NATIONALITE

Il est des moments où les hommes politiques ne brillent que s’ils ferment leur gueule. Mais, pour la plupart d’entre eux, c’est un effort insurmontable.

En comparant la déchéance de la nationalité belge de terroristes reconnus comme criminels à la déchéance de la nationalité française des Juifs par l’Allemagne nazie et le régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale, Rudi Vervoort n’a pas seulement fait preuve d’une stupide maladresse. Il est surtout tombé dans le panneau tendu par les Djihadistes : se faire passer pour des victimes.

C’est cette confusion qui est peut-être le plus insupportable dans les propos du président de Bruxelles : confondre le sort de vraies victimes de régimes fascistes avec celles de criminels condamnés par les tribunaux d’une démocratie.

Le bourreau repeint en victime, cette confusion hélas est à la mode. Le kamikaze qui se fait exploser au milieu de civils, dans un bus ou un marché, est célébré par certains comme un martyr, son nom honoré sur les réseaux sociaux, sa photo portée comme un trophée par des foules égarées. Tandis que ses victimes, surtout si elles sont nombreuses, forment une masse floue, indistincte, qu’on enterre discrètement comme si on devait être honteux de leur sort.

Dans la même veine, les assassins de Paris, de Toulouse ou de Bruxelles sont transformés en héros par quelques débiles qui se croient « radicaux » parce qu’ils affichent leurs effigies sur le T-shirt.

Jadis, les méchants assumaient leurs desseins diaboliques. On imagine mal Staline, Hitler ou Milosevic invoquer leur enfance difficile. Aujourd’hui, c’est la société elle-même qui paraît excuser les pires dérives. Comme si elle s’étouffait dans un sentiment de culpabilité. Le bourreau a par définition été élevé par une vilaine famille d’accueil, le coupeur de tête n’a pas vu son génie récompensé par son instituteur.

Si tous les laissés pour compte de la Terre devenaient assassins, il ne nous resterait plus qu’à filer dare-dare dans la fusée Rosetta pour finir des jours ensoleillés sur la comète 67P.

Autre solution, pour ceux qui ont le mal de l’air, lire toutes affaires cessantes, « Americanah », portrait d’une jeune femme qui explore ses deux nationalités avec gourmandise et dérision, malgré les énormes difficultés de naître noire et africaine sur une planète dominée par les Blancs. Son appétit de vivre, malgré sa situation précaire, sa personnalité de vraie combattante, quel remède de choc aux gémissements ambiants ! Passant du Nigeria à l’Amérique d’Obama avant de revenir dans sa terre natale, plus forte, plus drôle et plus incisive que jamais. Ce roman est signé Chimamanda Ngozi Adichie, un nom plus difficile à prononcer que celui de Rudi Vervoort mais que vous n’oublierez jamais.

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SARKO’S CIRCUS

Il était temps ! Sarkozy ayant maudit Bruxelles, le voilà enfin propulsé au sommet des sondages. La crise, le chômage, les immigrés, l’euro qui monte ou qui descend, les parachutes dorés ou pas assez, Allah lui-même, tout est la faute à l’Europe ! Quelques imprécations, et hop ! Il passe en tête au premier tour ! Encore quelques diatribes anti bruxelloises, la poupée en cire de Van Rompuy transpercée de coups d’épingle devant les militants en délire et il sera président.

Au cirque, chaque artiste a sa spécialité. Nicolas Sarkozy, lui, est capable de jouer tous les rôles. Acrobate, dompteur, prestidigitateur, clown et Mr Loyal à la fois. Un président capable de remplir tout seul tous les jobs, quelle économie pour les finances de l’état!

En parfait équilibriste, il nous a offert cette semaine un joli numéro sans filet. Tous les malheurs de la France lui ont été imposés par l’Europe, dit-il à ses électeurs à qui il annonçait depuis cinq ans que l’Europe, c’est lui. Et la mère Merkel ? Ne l’embêtez pas avec cette dame. Elle joue aussi un – petit – rôle dans le Sarko’s circus. A la fois l’assistante qui passe les accessoires et le lion dans la gueule duquel le super-président met la tête. Et à l’entracte, c’est elle encore qui vend les chocos glacés qu’elle garde au froid d’un seul regard. Mais la vedette, c’est Sarko et personne d’autre. C’est lui et lui seul qui a sauvé la Grèce et l’Italie, la Géorgie et la Lybie. Lui qui a régulé le flot d’immigrés fuyant la fièvre des révolutions arabes, lui encore qui a inspiré les rues de Tripoli, de Tunis et du Caire. La France n’a-t-elle pas l’exclusivité de l’exploitation mondiale de l’appellation « droits de l’homme » (marque déposée) ?

Et si les électeurs arabes votent en faveur des barbus ? Sarko respectera la liberté de vote, bien entendu. Mais, «quelles sont les limites que nous mettons à l’islam ? Notre formation politique, puis le Parlement doivent s’occuper de ces sujets» » déclarait-il, jouant à la fois le clown blanc et l’auguste. Si la Tunisie ou la Lybie deviennent des états démocratiques, c’est à Nicolas S. qu’ils le doivent. S’ils se choisissent des chefs radicaux, gare à N. Sarko !

«Lorsqu’on a la chance pendant six mois de connaître et d’avoir à trancher des problèmes de 27 pays, on gagne en tolérance, on gagne en ouverture d’esprit» avait-il déclaré dans le discours qui clôturait sa présidence du conseil des ministres il y a trois ans. Il suffit d’entendre ses propos récents sur la viande hallal ou l’interdiction du regroupement familial pour en juger. Ou alors, il existe une conception de la tolérance dans le quartier de l’Elysée (et du FN) différente de celle du reste du monde.

 

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