SALAUD DE PAUVRES

Contrairement à ce que de méchants artistes affirment haut et fort, la ministre de la culture, Fadila Laanan a des lettres.

En se moquant dans un tweet du « combat de pauvres » auquel se livrent les artistes de théâtre, n’a-t-elle pas fait référence à l’une des plus belles nouvelles de Marcel Aymé, « La Traversée de Paris » ? « Salauds de pauvres ! » lance un des personnages (incarné à l’écran par Jean Gabin) aux clients d’un bistrot où il s’est réfugié pour échapper à une patrouille allemande dans le Paris de l’Occupation.

D’accord, madame Laanan ignorait sans doute la réplique fameuse de Marcel Aymé. Mais n’est-ce pas encore plus beau qu’une ministre connaisse l’œuvre d’un grand écrivain sans le savoir et même sans l’avoir lu ? Quel exemple pour la jeunesse, qui a tant de mal avec les classiques de la littérature. Ne vous fatiguez plus, jeunes gens, les grands écrivains parviennent désormais à faire entendre leur voix via vos tweets sans que vous soyez obligés d’ouvrir leurs livres.

Les pauvres ont la cote décidément dans notre pays. Mais tous ne sont pas tous traités de la même façon. Il y a les pauvres riches et les pauvres pauvres.

La banque Dexia, dont le déficit est plus grand que toutes les taxes que le père Fouettard nous apporte cette année dans son panier, doit paraît-il garder belle allure parce qu’elle représente ce que la Belgique fait de mieux. Cadeau : quelques milliards.

Les artistes en revanche dont la ministre de la culture n’a jamais très bien compris à quoi ils servent sont bons pour se serrer la ceinture : les fonctionnaires sont tellement plus utiles pour représenter la culture de la communauté française et tellement plus simples à mettre en scène : il ne faut ni les maquiller ni les habiller. Et ils répètent parfaitement les textes qu’on leur donne sans discuter les répliques.

Les poivrots aussi ont des soucis à se faire. Quand le gouvernement ne se met pas d’accord sur les recettes nouvelles, c’est toujours eux qui trinquent…

Imaginez alors la situation d’un artiste poivrot. Sa vie est devenue impossible. D’autant que,  pour se consoler, il n’aura même plus de quoi se payer un paquet de cigarettes. Vu leur prix, il n’y a plus que les ministres qui pourront en acheter, les exilés fiscaux français. Et les dirigeants de Dexia.

Ajoutons à la liste des pauvres pauvres les chômeurs, condamnés à devenir mendiants s’ils refusant les nombreuses offres de boulot que leur proposent les  entreprises de leur région, Ford, Mittal, Duferco, Philips, etc.

S’ils veulent éviter de faire la manche, on ne peut que leur conseiller de devenir artiste. C’est plus chic d’être insulté par une ministre que par un bête passant.

 

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