SECRET D’ALCÔVE

   J’ai commencé l’écriture de mon nouveau roman en juin dernier, sacrée coïncidence le jour où Bart De Wever a lui aussi ouvert son cahier Atoma pour entamer l’écriture du récit de la législature qui va le faire entrer dans l’Histoire. 

  Il a terminé son travail bien avant moi, le dernier jour de janvier alors que moi, je n’en vois pas encore l’issue. Bravo ! Ce qui me rend très indulgent sur la qualité finale de son œuvre. Mais je reconnais aux derniers rebondissements, aux coups de gueule des ultimes nuits fiévreuses où l’on avait du mal à inscrire le mot « fin », la main d’un véritable auteur de fiction. Son texte offre un fil rouge apparent mais aussi plusieurs intrigues entremêlées, des sous-intrigues secrètes, des rebondissements inattendus qui ne demandent qu’à exploser à la face du lecteur. 

On ne pourra apprécier la qualité de l’ouvrage qu’en découvrant le dénouement. C’est la règle d’un vrai thriller. Or, on ne le connaîtra que dans cinq ans. En attendant, le lecteur ne peut que spéculer sur les différentes voies qui vont y mener au climax libérateur. 

On le sait, le diable est dans les détails. Or, en 236 jours, il n’y a que Simenon qui pouvait boucler une affaire parfaite. Mais il était seul maître à bord et avait déjà une liste de repères et d’automatismes. Alors que Bart De Wever s’est cru malin de faire intervenir des co-auteurs. Et de laisser, comme Alexandre Dumas, à cette équipe de « ghost writers » le soin de peaufiner des intrigues parallèles, des développements secondaires et quelques figurants. Qu’il ne s’étonne pas alors que son bazar ne tienne pas tout à fait ensemble. 

Sans doute Bart a-t-il mal distribué le rôle de ses co-auteurs. Ainsi, le chapitre Plus-value, quelle idée lui a pris de le confier à Conner Rousseau ! Il fallait le laisser à Maxime Prévôt. Formé par l’Institut Saint Berthuin de Malonne (porté sur les fonds baptismaux par les évêques de Namur et de Liège) frère Maxime aurait réussi à faire passer tout et son contraire sans vagues selon une vieille tradition social-chrétienne. Tandis que Conner Rousseau, avec ses manières brutales et son langage de charretier, il aurait dû écrire le chapitre Immigration où il se serait montré encore plus efficace que Donald Trump.

Puisqu’il a choisi comme maître Alexandre Dumas et son team (il n’y a pas mieux quand on veut produire du feuilleton), qu’il fasse attention où il met les pieds. Au train où ça va, Bart n’est pas encore prêt à écrire « Vingt ans après ». Quinze jours après serait un titre plus approprié pour décrire les dernières péripéties de ses héros. 

Et surtout qu’il se garde d’utiliser la devise des mousquetaires « un pour tous, tous pour un ». « Sauve qui peut et chacun pour soi » paraît plus approprié…

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THEO RAME MAIS NE SE REND PAS

C’est le milieu de la nuit. Une silhouette furtive se faufile dans les rues silencieuses de Bastogne. Soudain, elle se fige, surprise par la lumière violente d’un bar dont la porte vient de s’ouvrir. Un bref écho de musique. Christine and the Queen. L’homme fait la grimace. The Queen, il n’aime pas. The King non plus. Il regrette les chants patriotiques flamands. On n’en trouve pas en Wallonie ou si difficilement. Avant que la porte ne se referme, on a pu distinguer son visage, blême, les yeux rouges. Un lapin surpris par les phares d’une auto. Son cœur bat la chamade (il déteste ce mot, tellement français, le titre d’un roman de Françoise Sagan que son prof l’a obligé à lire. Il les hait, son prof, cette Sagan, les livres en général et le roi, la reine, la Belgique, trop cosmopolite comme cette musique de pays qui n’apportent aucune plus-value à la Flandre). La porte se referme et il reprend sa route. Il se retrouve devant une petite mare. L’eau est noire comme l’enfer, aussi tentante que les bras de cette jolie Tyrolienne à la culotte de peau dont il admirait la blancheur l’été dernier. La chair blonde, l’eau noire. Il est perturbé. Mais il résiste à son appel. La maison qu’il cherche n’est plus très loin.

Ah ! La voilà ! Il sonne. Une dame enveloppée dans un peignoir, mal réveillée, entrouvre la porte. « C’est pour Benoît » dit-il. Elle le laisse entrer, le conduit dans le salon. Le président des humanistes le rejoint en pyjama.

« Théo ? s’écrie Lutgen. On te croyait en fuite.

  • J’ai entendu ça, ricane Théo Francken. On a même raconté que j’ai filé en Syrie. Moi, chez les Islamistes ?

  • Que fais-tu ici ?

L’ancien secrétaire d’état déchu baisse la tête.

  • J’ai été chassé de mon parti parce que je n’étais pas assez dur avec les migrants et du gouvernement parce que j’étais trop dur… Faut savoir ! …

  • Pas les migrants, les réfugiés, corrige Lutgen.

  • Le réfugié c’est moi ! Bart m’a coupé la tête, Charles Michel a eu ma peau. Et Laurette veut… je ne te dis pas ce qu’elle veut… Le Vlaams Belang m’invective parce ma politique menace la pureté de la race flamande. Moi, qui suis membre de l’Amicale des anciens Kollaborateurs. Après un soupir, il ajoute à mi-voix : eux aussi m’ont exclu. Et Bob Maes m’a renvoyé mon cadeau d’anniversaire. (Il ne peut retenir ses larmes) Ma vie est un chaos. Être obligé de fuir mon vaderland tant aimé. Le monde est devenu fou.

  • Comment as-tu réussi à arriver à Bastogne ?

  • Un passeur m’a fait cracher une fortune pour m’emmener jusqu’en Wallonie et un autre pour me conduire jusqu’à l’entrée de ta ville. Peux-tu peux me loger en attendant ma régularisation ?

  • Logé ? Il faut t’offrir l’hôtel, peut-être ?

  • Non, non. Une petite tente plutôt. Paraît que c’est le comble du confort.

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