LES ROBES RETROUSSENT LEURS MANCHES

Si tout le monde laisse tomber les bras, cheminots, gardiens de prisons, éboueurs et même Jacqueline Galant, pourquoi pas les magistrats ?

Imaginez les immenses palais de justice, aux longs couloirs sombres, aux plafonds perdus dans une nuit éternelle, tremblant sous l’effet de deux siècles de courants d’air, soudain vidés de toute présence humaine. Juges, procureurs, greffiers se croisant les bras devant les lourdes portes scellées pour l’éternité. A l’intérieur, ne resteraient que les araignées et les rats enfin libres de dévorer paisiblement les dossiers abandonnés dans les armoires qui ne ferment plus depuis longtemps.

Certains prêtent à notre premier ministre des pouvoirs magiques pour faire rouler les trains malgré les syndicats et même les bus des TEC que seuls quelques anciens se rappellent avoir vu parcourir jadis les campagnes wallonnes.

« C’est quoi les TEC, papy ? » demandent les enfants en voyant leur grand-père essuyer une larme au passage d’un mystérieux véhicule malodorant portant trois lettres rouges barrées d’une épaisse ligne jaune.

« Tu es trop jeune pour comprendre, petit », murmure l’aïeul.

Les grèves du printemps ont prouvé à ceux qui plaidaient pour la disparition des services publics qu’un état sans service public n’est plus qu’un pays en mauvais état.

Devant la statue de Themis, Charles Michel reste aveugle, les bras ballants. Ce qui oblige les magistrats à mettre les mains dans le cambouis. Heureusement, ils disposent de quelques ressources dans leur boîte à outils.

Dans les cellules surpeuplées, ils trouveront bien l’un ou l’autre hacker prêt à leur bricoler enfin un système informatique si puissant qu’il permettra d’explorer les données les plus secrètes de tous les suspects, ce qui épargnera les frais et la longueur des instructions.

Un droit d’entrée sera désormais réclamé à ceux qui entrent dans les salles d’audience, parties à la cause comme avocats, ce qui permettra d’acheter stylos à bille et cartouches d’imprimante et de couvrir les frais de nettoyage des robes et des bavettes.

Pour les impatients qui se plaignent de la lenteur de la justice, des tueurs ukrainiens et albanais seront mis à disposition, ce qui réglera en même temps un autre problème insoluble, l’encombrement des prisons.

Financés par le tax shelter, les cinéastes belges ont d’ores et déjà accepté de donner un coup de main aux magistrats en filmant les procès les plus spectaculaires qui seront vendus au profit de la caisse des pensions du personnel de la justice.

Certes, d’aussi audacieuses mesures nécessitent de profondes réformes des lois en vigueur mais le club des anarchistes a accepté avec enthousiasme de les réécrire gratis pro deo. Dieu merci, il reste des gens généreux.

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VANDALES

Nouvelles tuiles pour le patrimoine de l’humanité. La destruction de la mémoire de nos civilisations est redevenue le dernier sport à la mode. Après l’anéantissement des Bouddhas géants de Bamiyan par les talibans et celui des ruines assyriennes de Nimroud par les déments islamistes de l’EI, ce sont les restes magnifiques de la cité romaine de Palmyre que ceux-ci veulent faire disparaître, et particulièrement le splendide temple dédié au dieu suprême de la cité, le dieu Bôl (et non Brol).

La tradition de cette fureur est ancienne et les agités du bonnet qui se réclament de ce pauvre Mahomet n’en ont pas le monopole. Les fous de dizaines d’autres dieux ont avant eux manié l’explosif, le burin ou le marteau, en tout cas ce qu’ils avaient sous la main pour faire disparaître les merveilles, temples, images, totems ou sculptures dont la contemplation empêcherait les braves citoyens de sauver leurs âmes. Bel hommage soi-dit en passant à la beauté puisque c’est elle qui a toujours fait peur aux vandales de tous poils, surtout les plus longs. Ce qui signifie qu’admirer la beauté ferait oublier Dieu, ce qui en dit long sur le physique qu’ils prêtent à leur Dieu. Plus proche de celui de Jaco Van Dormael que de Michel-Ange.

Sans remonter aux innombrables destructions ordonnées au nom du Christ pendant des siècles (et déjà à l’époque romaine), bibliothèques et bûchers, puis celles des abbayes et églises chrétiennes par les révolutionnaires français (injuste retour des choses), n’oublions pas que nous avons, nous aussi, une belle place dans le panthéon des merveilles disparues. Particulièrement à Bruxelles.

La destruction sans pitié d’une grande partie du centre de la ville pendant des dizaines d’années au nom du progrès et de l’hygiène pour construire la Jonction, les folies du schieven architek Poelaert, l’anéantissement du cœur populaire du quartier nord pour y construire un clone raté de Manhattan, la démolition de quelques joyaux de l’art nouveau, dont la Maison du Peuple, le palmarès de nos plus brillants hommes politiques est remarquable en la matière.

Et voilà que notre premier ministre s’y met à son tour (un barbu, il est vrai). En poussant même le vandalisme à son point culminant. Jusqu’ici, les destructeurs s’en prenaient aux chefs d’œuvre de leurs prédécesseurs. Charles Michel fait plus fort : c’est son propre patrimoine qu’il a décidé de ravager. Son programme électoral, sa Bible, jetés aux orties devant les caméras de télévision. La protection des salaires, des pensions, détruite comme une vulgaire statue romaine. Et ses anathèmes contre ceux qu’il considérait comme les pires iconoclastes, les affreux de la N-VA, effacés des tablettes. Que fait l’UNESCO ?

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ZWANZE.COM

 

On ne va pas beaucoup rire ces jours-ci. On va trembler, hurler, parfois pleurer. Applaudir et siffler. Mais rire, non. Le foot, c’est comme la formation du gouvernement belge. Du sérieux, du crispé, comme la tronche de l’informateur devant un journaliste du « Soir ». Les Diables et De Wever ont d’ailleurs beaucoup d’autres points communs. Ils rêvent de d’écraser l’adversaire, de lui péter la gueule. Jamais de le faire rire. Et, quand ils font des passes, cela ressemble plus au billard à trois bandes qu’à la glorieuse finale de jadis, Union contre Daring. La seule différence entre les deux nobles sports, c’est la place de l’arbitre. Au foot, il a le droit de se servir de son petit sifflet et de sa collection de cartes rouges et jaunes. En politique, en revanche, l’arbitre doit être gentil avec tout le monde. Même avec les tricheurs. Sans pouvoir jamais arrêter le match.

Pour sourire, oublions donc la Copa et Bartje. Et tournons-nous comme d’habitude vers la NSA. L’agence américaine du renseignement nous avait déjà donné un hilarant numéro sur les écoutes téléphoniques d’Angela Merckel évoquant le bon temps de la RDA avec Vladimir Poutine ou de la reine d’Angleterre commandant des croquettes pour son chien.

Voilà qu’elle remet ça. On vient d’apprendre que nos super espions (inspirés davantage par les exploits de Johnny English que par ceux de James Bond) mettent au point un logiciel capable de détecter les messages ironiques. La NSA ayant compris qu’un certain nombre de mails inquiétants n’étaient que des blagues a entrepris de charger ses robots de faire le tri. Quand c’est amusant, c’est inoffensif. C’est vrai que les videos d’Al Qaida n’ont pas brillé jusqu’ici d’un humour ravageur. En revanche, la Belgique risque de faire les frais de cette application. Chez nous, tout ou à peu près se termine en zwanze. Notre pays est célèbre pour ses humoristes. Pas seulement nos excellents artistes que les Français nous pillent régulièrement. Ni nos désopilants politiciens. Mais aussi beaucoup pour le nombre de ses comiques qui s’ignorent. Tel Luc Coene, le patron de la Banque nationale. Il est vrai que depuis l’euro, son institution ne sert à rien d’autre qu’à divertir ses fonctionnaires. Jusqu’ici, ils ne plaisantaient qu’entre eux. Mais voilà qu’ils ont décidé de nous faire partager leurs meilleures farces. Et la dernière est vraiment drôle. Au lieu de faire payer les riches, faisons payer les pauvres ! Baissons les allocations de chômage et rabotons les pensions ! Ah ! Ah ! Ah !

A l’heure actuelle, on ignore si les robots de la NSA ont réussi à comprendre que ce message devait être glissé dans le panier inoffensif des histoires belges. C’est un test redoutable pour vérifier leur fiabilité.

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