Comme tout le monde et comme le roi et le premier ministre, je me suis vivement réjoui cette semaine d’apprendre qu’un Belge, le professeur Englert, a décroché le jackpot de l’euromillion. Il était temps. Depuis le temps qu’il achetait ses petits bulletins de la Loterie, toujours perdants, les budgets de la recherche en Belgique avaient fondu comme neige au soleil. Et mon collègue de l’ULB (ça fait chic, hein ?) n’avait presque plus les moyens de se payer son ticket pour faire comme chaque dimanche un petit tour dans la machine à remonter le temps. Un rituel auquel il n’a jamais renoncé malgré son âge. Il adore ça, monsieur Englert, retourner au moment zéro de l’histoire de l’univers pour observer le bing bang par le hublot avant de revenir chez lui juste à l’heure du poulet-compote. Merci, monsieur Einstein – c’est lui qui a inventé l’attraction.
Discours, gâteaux, champagne, l’ULB en fête, très bien tout ça. On a même réussi à écarter discrètement son ex-collègue, Chichah et son groupe de clowns, qui auraient voulu intervenir pour rappeler en chantant – burqa ! blabla! – qu’Einstein, Englert, c’était que des imposteurs. Que le big bang, Adam et Eve et tout le reste, même l’ULB, c’était une idée du prophète…
Enfin, ce qui a surtout fait sauter les bouchons, ce fut le chèque. Un petit papier plein de zéros venu de Suède et tiré sur la succession de monsieur Nobel, le type qui a inventé nitro et dynamite, les produits qui ont ouvert l’âge des armes de destruction massive (dont Einstein, toujours lui, a complété la panoplie quelques années plus tard avec l’inconscience du professeur Tournesol).
Résumons-nous : le professeur Englert a réussi à expliquer comment s’est formée la planète Terre et son mécène, Alfred Nobel, comment la faire sauter. Etonnant raccourci !
Quel Belge succédera à F. Englert au palmarès de Stockholm? En éducation physique, peut-être. Mais en physique, aucun. Pourquoi ? Inutile de faire appel à la théorie des quanta. Comparez le salaire d’un footballeur ou d’un cycliste à celui d’un chercheur en Belgique. Et vous aurez la réponse.
Evidemment, en échange de leurs plantureux émoluments, nos génies du sport acceptent de s’exhiber en petites culottes et maillots en lycra, portant le nom de leur sponsor en lettres fluo. Et de se soumettre à des tests humiliants pour vérifier qu’ils ne sont pas dopés. Mais, si cela ouvrait les cordons de la bourse, je parie que la plupart des émules d’Englert seraient prêts à travailler avec la photo de Didier Bellens sur leurs T-shirts et même à faire pipi dans une éprouvette chaque fois qu’ils entrent et qu’ils sortent de leur labo.
Un prix Nobel, un pays se le fabrique dès l’école primaire…
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