ÊTRE HUMAIN, ÊTRE OTAGE

Avec le temps de la guerre, vient le temps des otages. Des civils, des quidams, vous et moi, peuvent brusquement, brutalement devenir otages par le caprice de ces dictateurs qui se sont multipliés tout autour de la planète. Et qui prennent les êtres humains pour de simples pions dans leurs parties d’échecs. Comme au moyen âge. L’Histoire patine méchamment…

  Il y a Poutine s’emparant d’enfants ukrainiens, ce qui lui vaut un mandat d’arrêt international par la CPI depuis mars 2023. Est-ce cela empêchera Trump de lui serrer la pince et plus car affinités ?

Il y a le gouvernement iranien emprisonnant les Occidentaux qui passent à sa portée comme Olivier Vandecasteele condamné à quarante ans de prison pour servir de monnaie d’échange afin de récupérer un criminel que les Iraniens avaient envoyé dans nos contrées. Il reste encore à Téhéran notamment trois Français, Cécile Kohler, Jacques Paris et Olivier Grondeau (accusés évidemment d’espionnage) et tant d’otages iraniens qui ont le tort d’être des hommes et des femmes libres, telle l’avocate Nasrin Sotoudeh condamnée à 38 ans de prison et 148 coups de fouet. Rien de tel que le fouet pour mater une femme qui agite des idées sous son foulard. 

Non loin de là, les terroristes du Hamas se sont emparés lors du raid du 7 octobre 2023 de deux cent cinquante Israéliens dont beaucoup de civils, enfants, femmes, vieillards. Tous ces êtres vivants à l’époque sont devenus de simples objets entre leurs mains pour monnayer leurs revendications. Même le corps des s otages morts depuis leur enlèvement ne sont restitués que moyennant une contrepartie. Glaçant.

Dans un pays qui n’est pas en guerre, l’Algérie, on se lance aussi dans ce marché odieux pour tenter de maintenir l’ordre imposé à la population qui avait tenté dans un grand mouvement populaire, l’Hirak, en 2019, de se débarrasser du régime autoritaire et militaire qui enserre le pays depuis son indépendance. Depuis, les manifestants civils ont été matés par les militaires éternellement au pouvoir et leurs affidés. Voilà que le régime s’est lancé à son tour dans la politique de la prise d’otage. En arrêtant et en emprisonnant l’une de ses plus belles plumes, Boualem Samsal. Pour faire taire la voix de ce grand écrivain à la fois poétique et engagé. 

  Dans son roman « Dis-moi le paradis », il dresse un portrait au picrate de l’Algérie post-coloniale, de la corruption et du danger de l’islamisme qui menace l’âme de son pays. Dans « le Village de l’Allemand », à travers le portrait d’un SS qui s’est mis après la guerre au service de l’Armée de Libération algérienne, il fait un parallèle entre islamisme et nazisme. 

Comme il l’écrit dans « La Fin du Monde »: « La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n’est plus fort qu’elle pour faire détester l’homme et haïr l’humanité. » Honte à ses geôliers.

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ADAM & EVE – LE RETOUR

  Semaine noire pour les femmes. Pas seulement pour Kamala Harris. Je pense à une autre femme en détresse cette semaine, Ahou Daryaei, étudiante en littérature française à l’Université Azad de Téhéran.

    Estimant qu’elle portait des vêtements inappropriés (voile noir, vêtements amples, le code vestimentaire des étudiantes est terriblement et atrocement codé en Iran), les agents de sécurité les ont déchirés. Réaction d’Ahou Daryaei. Elle s’est complètement déshabillée puis a tranquillement arpenté les escaliers de l’université en sous-vêtements, soutien-gorge et petite culotte. Ce spectacle insolite a été immortalisé par une vidéo amateur, de même que son arrestation musclée quelques minutes plus tard. 

Elle aurait été rouée de coups et gravement blessée. Ce qui rappelle la mort d’une autre étudiante en septembre 2022, Mahsa Amini, emmenée et tuée dans les locaux de la police sous prétexte d’un voile mal ajusté. 

  Etrangement, en visionnant la courte vidéo, on a l’impression que personne ne parait remarquer la déambulation de cette femme presque nue. Des étudiants et étudiantes continuent à discuter entre eux, d’autres passent sans se retourner. Personne ne va au-devant d’elle, ne l’entoure, ne l’interroge. La peur, la peur, voilà comment survit ce régime.     

   On s’étonne que tant de beaux esprits qui chez nous s’offusquent, au nom de la liberté et des droits humains, que le port du voile soit limité dans certaines fonctions publiques n’ont jamais émis la moindre critique à propos du sort des femmes en Iran, Afghanistan (et d’autres pays musulmans comme l’Arabie saoudite) ni ne se solidarisent avec celles qui ont l’audace de se révolter contre l’obligation de se déguiser sous des chasubles noires. Au risque de leur vie.

   Quelles femmes, pourtant ! Parmi elles, Nasrine Sotoudeh, avocate arrêtée à plusieurs reprises depuis une dizaine d’années sous l’accusation grotesque notamment de complicités avec les services secrets étrangers ou d’atteinte à la sûreté de l’état iranien, prix Sakharov. Elle qui avait défendu devant les tribunaux plusieurs femmes qui refusaient de porter le voile. 

Ou Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix l’an dernier, qui purge une peine de seize ans de prison à la terrible prison d’Evin. Pour avoir lutté contre l’abolition de la peine de mort. Celle-ci vient justement de saluer Ahou Daryaei, qui a, écrit-elle, « utilisé son corps comme symbole de rébellion contre la misogynie » du régime iranien. « Je demande sa libération et la fin de l’oppression et du harcèlement des femmes » a-t-elle ajouté. 

   Adam et Eve ont quitté bras dessus bras dessous le jardin d’Eden, payant le prix de la malbouffe. Des siècles plus tard, Adam se venge sur Eve de tous ses propres péchés. 

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CITES SANS VOILES

En France, ce sont les gilets jaunes qui se pavanent sur les ronds-points. Avant de passer le week-end dans la grande ville voisine ou dans la capitale pour casser quelques vitrines, histoire de se faire entendre des téléspectateurs distraits qui ont raté le récit de leurs passionnantes prestations sur une voirie provinciale.
En Iran, ce sont des femmes cheveux au vent qui osent s’afficher sur des ronds-points de Téhéran pour dénoncer l’obligation de porter le voile. Là, aucune télévision ne relaye leurs revendications. Et ces femmes ne mettent rien en danger ni personne, sinon leur propre vie. Pour sauver celles des autres. Et la civilisation iranienne.
Chez nous, certains luttent pour la « liberté » des femmes (jamais des hommes) de porter le voile. On aimerait les entendre de temps en temps dénoncer la situation faite aux femmes en Iran et soutenir leur droit de dire non. Tiens, pourquoi pas une grande protestation internationale pour saluer Me Nasrine Sotoudeh, l’avocate emblématique de plusieurs de ces femmes, qui vient d’être condamnée en audience secrète, où elle n’était pas présente et à une date inconnue à près de quarante ans de prison ainsi qu’à 148 coups de fouet ?
Rêvons un peu. Et si les femmes décidaient de se dévoiler pendant un mois et de défiler en agitant leur voile ôtée en solidarité avec N. Sotoudeh ?
Ca aurait une autre gueule que de voir les troupeaux de gilets jaune moutonner dans les rues le samedi. Et autrement plus de signification.
En Iran, avoir défendu ces femmes qui ont osé montrer leur chevelure a été considéré comme une « incitation à la débauche ». Protester comme elle l’a fait pour l’abolition de la peine de mort comme une « atteinte à l’ordre public ».
Le métier d’avocat y est drôlement plus périlleux qu’en Belgique où un avocat peut impunément menacer le jury d’assises chargé de juger un terroriste avant de passer tranquillement et impunément à l’affaire suivante. Il paraît qu’on appelle ça la liberté d’expression de l’avocat. Décidément, on ne peut s’empêcher de trouver cette notion parfois fourre-tout…
« Il y a en Iran des forces ouvertes vers le progrès et nous en tenons compte » disait sans rire notre premier ministre Charles Michel après un entretien avec le président iranien Rohani il y a quelques mois. On se frotte les yeux après avoir cherché où et qui sont ces mystérieuses « forces ouvertes vers le progrès » qui se promèneraient encore en liberté dans les rues de Téhéran. Peut-être notre premier ministre pourrait-il se rendre à la prison d’Evin pour recueillir le témoignage de Madame Sotoudeh ? Ce serait assurément un excellent prétexte pour un voyage à Téhéran.

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