QUAND ON JOUE CONTRE LA MONTRE…

   « Le temps, c’est de l’argent ». Prenant cette bonne vieille sentence au pied de la lettre, la présidente du Pérou, Dina Bolluarte se retrouve sonnée par le gong. Plus d’un tiers de ses ministres ont démissionné et la polémique risque de l’emporter à son tour. La cause de cette affaire qui ébranle une fois de plus la fragile démocratie andine ? Une montre Rolex. Ou plutôt toute une bête collection de ces tocantes hors de prix que collectionne la présidente, plutôt que des bagues de cigares cubains ou des vieux timbres belges, qui lui auraient permis de gouverner en paix. Perquisitions, instruction pénale, sa montre s’est transformée en monstre. Sa Rolex démontre ses prévarications, dit-on à Lima. Sous l’horloge, son or ! Le temps, c’est de l’argent ! Si la polémique continue, la présidente risque de couler dans le lac Titicaca. Ce qui présente un seul petit avantage : de vérifier au passage si sa tocante est vraiment waterproof.  

« A cinquante ans, si on a pas une Rolex, on a raté sa vie » s’écriait Jacques Séguéla, le publicitaire qui a fabriqué la victoire de Mitterrand avant de devenir le meilleur copain de Sarkozy. Prenant ce conseil au pied de la lettre, Madame Bolluarte n’a pas compris que l’époque a changé. Et qu’on ne montre plus ses montres. Autre temps, autres mœurs, prévenait déjà Pindare.  

La présidente du Pérou aurait mieux fait d’écouter d’autres voix en France que celles d’un fils de pub, qui l’auraient mieux mise en garde. Léo Ferré : « avec le temps, tout s’en va » ou Rastignac : « la vie humaine se compose de deux parties : on tue le temps et le temps vous tue ».

Mais, quelle idée aussi d’acheter une Rolex … Faut-il manquer de goût ! Puis de l’exhiber devant les photographes ! Croyait-elle qu’il vaut mieux faire envie que pitié ?

Est-ce qu’on pardonne plus facilement à un homme qu’à une femme de jouer avec le bling-bling ? Alors que Dina Bolluarte sent sa dernière heure sonner, Donald Trump fait assaut de mauvais goût jusqu’à l’écœurement pour récupérer les clés de la Maison Blanche. Ce qui éblouit sur les hauteurs des tours de Manhattan fait horreur sur les hauteurs des Andes… 

Les montres n’ont jamais été à la mode au Pérou. Rappelez-vous des derniers Incas réfugiés dans « Le Temple du Soleil ». Ils possédaient plein d’or mais pas la moindre horloge, ce qui a permis à Tintin de faire croire qu’il commandait au soleil de disparaître alors qu’il connaissait tout simplement l’heure exacte de l’éclipse. 

Une éclipse qui semble éliminer un à un tous les dirigeants de ce pays, l’un des plus pauvres d’Amérique latine. Trois d’entre eux sont déjà derrière les barreaux. Et pour l’actuelle présidente, il est moins une… 

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HEURE D’ETE

Tous les six mois, c’est la même rengaine à propos du changement d’heure. Et les mêmes plaintes. Faut-il avancer ou pas sa montre ? Il n’y a que les gilets jaunes et Alain Destexhe qui n’ont pas encore pris position. Pourtant, une heure en plus, une heure en moins, est-ce vraiment important ? Plutôt que cet ajustement rikiki, on aurait pu profiter du passage à l’heure d’été pour réaliser une vraie métamorphose. Les citoyens ont envie d’une révolution, d’un grand chamboulement ? C’est l’occasion ou jamais.
Ainsi, au lieu de reculer de soixante secondes à peine l’aiguille de l’horloge ce week-end, si l’on s’offrait d’un coup douze heures en plus ?
Vous vous réveillez à sept heures du matin ? Il est sept heures du soir. Cadeau d’une journée. Plus besoin de prendre le bus ou le métro, de vous farcir votre chef de bureau, de vous abîmer les yeux devant votre écran, il est sept heures du soir, vous dis-je. Déjà presque l’heure de « Demain nous appartient » sur TF1. Justement, demain, même programme : douze heures de bonus.
Car tant qu’à changer d’heure, pourquoi ne pas le faire tous les jours ?
Vivre sa vie à partir de sept heures du soir, ça trouble sérieusement les perspectives. Les magasins sont fermés, c’est vrai. Mais pas les bars. En sortant de l’établissement, la vie semble soudain tellement plus rose, la lune plus proche. Et les emmerdes, abandonnées sur le comptoir.
Au bureau, c’est calme plat. Seules quelques femmes de ménage s’agitent un peu, bercées par le doux ronronnement des aspirateurs. Dieu que c’est reposant ! Plus de mails, de portes qui claquent, d’urgence. Rien à faire sinon aider une débutante à changer le sac de l’aspirateur.
Faites l’essai : dans la nuit, tout ce qui paraît en journée si important, si agaçant, si essentiel, se fond dans l’obscurité. Le temps dilaté étire ce que vous faites ou dites.
Le parlement wallon ne peut plus siéger ? Pendant la journée, c’est un coup de tonnerre, un événement historique. La nuit, juste une économie d’énergie.
Quand, emporté par son discours, le patron du MR qualifie ses adversaires de « national-socialistes », on sacre, on peste, on met en cause le soleil qui lui a donné un sacré coup sur le cerveau. La nuit, ce n’est juste qu’un cauchemar.
L’avantage de la nuit, c’est qu’il n’existe pas de plans foireux – l’expression favorite de votre patron chaque fois que vous lui présentez un nouveau projet. A l’heure du rêve, tout est possible. Vous avez le droit de vivre enfin toutes ces vies dont un bête quotidien, une stupide routine vous ont privés. Vous êtes beau ou belle, séduisant.
Et si vous êtes politicien, vous pouvez, en attendant l’aube, vous prendre pour Lincoln ou J.F. Kennedy.
C’est vrai qu’ils ont fini brutalement mais ça, c’était après que le soleil se soit levé. Il suffit de prolonger la nuit définitivement.

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