LETTRES D’AMOUR

La publication des lettres d’amour de François Mitterrand à Anne P. révèle bien des choses. L’homme politique dévoré par l’ambition l’était aussi par la passion amoureuse. Caché au fond de son cœur glacé, il y avait donc un coin vivant et brûlant ? Bonne nouvelle pour les astronomes. Les mondes de pierre qui nous entourent ne sont peut-être pas aussi morts qu’il y paraît.

Que la destinataire de ces missives prenne l’initiative de les publier est aussi révélateur. La vie privée a fondu comme neige au soleil. La femme de César était aussi transparente que celles du général de Gaulle ou de Léo Tindemans. A une époque où les hommes et les femmes politiques ne sont plus capables de faire de la politique, que peuvent-ils nous proposer sinon leur jardin plus ou moins secret ? Leurs amours plutôt que leurs petites idées pour réaliser des économies dans les soins de santé ou sur les chômeurs. Charles Michel aurait dû y penser avant de se lancer dans son épuisant raout budgétaire. Une partouze au château au lieu d’un conclave. Kris Peeters n’aurait jamais pris la porte.

Des missives romantiques au lieu d’un programme ? Cette ruse machiavélique peut séduire les électeurs en mal de « nouvelles frontières » (une expression qui faisait jadis rêver mais que personne n’oserait plus utiliser depuis que la crise des réfugiés est au cœur des campagnes électorales).

François Hollande, qui n’a plus rien à perdre, pourrait peut-être tenter la manœuvre en laissant fuiter les bonnes pages de sa correspondance avec Angela Merkel.

« Meine Liebe,

J’ai bien du remords à l’idée d’arrêter la centrale nucléaire de Fessenheim. Si je ne cesse de reporter le stupide engagement que j’ai pris pour me faire élire, c’est que je ne supporte pas l’idée de voir son cœur se refroidir peu à peu alors que le mien brûle de te réchauffer et le tien de m’éclairer. »

Hélas pour Hollande, le roi de la malchance, Vladimir Poutine dont l’image en Occident est calamiteuse, vient d’envoyer à son éditeur copie des bafouilles qu’il avait adressées à l’époque où il était agent du KGB en Allemagne de l’Est à l’ardente Angela, une joyeuse époque où ils flirtaient tous les deux sous le mur de Berlin.

« Meine Liebe,

Je passe mes nuits à lire et relire ton mémoire sur l’« Influence de la corrélation spatiale sur la vitesse de réaction dans les réactions élémentaires bi-moléculaires en milieu dense ». J’en sors fiévreux, haletant. J’ai compris le message subliminal que tu m’envoies à travers ton travail. La vitesse de réaction, les réactions élémentaires. Oui, c’est de moi que tu parles. Et le milieu dense, celui dans lequel les molécules de nos corps vont fusionner. Ach ! »

De la raison politique au délire amoureux, a-t-on vraiment perdu au change ?

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