TÊTE DE TURC

   Une partie des personnels des hôpitaux (surtout francophones) ont manifesté mardi dernier contre l’obligation vaccinale. Soulagement ce jour-là pour les patients des établissements de soins : les soignants non vaccinés étaient dans la rue, pas à leur chevet. 

   Le gouvernement se demande comment éviter la disparition d’une partie des blouses blanches après le vote de la loi sur la vaccination obligatoire. C’est simple : il suffit de faire défiler les anti-vax tous les jours, ce qui évitera leur licenciement si décrié tout en préservant les malades de l’infection.  

    Peu auparavant, les syndicats défilaient pour le pouvoir d’achat et quelques jours plus tôt, c’était la maréchaussée qui battait le pavé. 

    Et demain ? Les fans frustrés par la fermeture des discothèques, les pompiers lassés d’arroser les manifestants, les taximen et uberistes à tour de rôle, les employés et fonctionnaires fatigués du télétravail, les profs dont les classes ferment un jour sur deux, les élèves qui étouffent sous le masque. Même l’association des St Nicolas proteste après l’annulation de la Party qui était prévue le week-end dernier au Sportpaleis d’Anvers et qui devait rassembler 100.000 personnes (ne vous frottez pas les yeux, il y en a autant qui se presse au marché de Noël dans le centre de Bruxelles sans que les autorités ne s’en inquiètent). 

   Les Grecs ne sont pas en reste : ils se proposent de saisir le parlement européen afin que l’on oblige tous ceux qui utilisent les lettres de leur alphabet pour désigner les nouveaux variants du Covid-19 de payer des royalties. Habile façon de renflouer le budget de leur pauvre pays. En échange, promettent-ils, ils accueilleront enfin décemment les réfugiés qui s’entassent dans des camps à côtés desquels les favelas apparaissent comme des quartiers chics. Mais, méfiance, rappelons-nous ce que faisait dire Virgile à un des personnages de l’Enéide : « Je me méfie des Grecs même lorsqu’ils promettent des cadeaux » …

   Drôle d’époque où tous les mécontents ont trouvé leur tête de Turc. Tout ce qui nous tombe dessus, c’est la faute du gouvernement ou du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, pourquoi pas du ministre du Budget wallon, en tout cas des dirigeants politiques de notre abracadabrant pays. C’est vrai que manifester dans les rues de Bruxelles contre ce sacré virus (« Covid, bas les pattes ! Tu as eu notre peau, nous aurons la tienne ! ») risque de rester sans effet vu sa compréhension limitée du français et du néerlandais.  

   De Croo et son équipe paraissent donc avoir le profil idéal pour continuer à jouer les Guignols jusqu’à ce que ce brave coronavirus veuille bien aller se promener sur une autre planète…

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L’EFFET FETE

  La fiesta à deux, c’est le bonheur. Pas besoin de jouer le Bob pour raccompagner le tonton ou le copain éméché, ou de passer la soirée à consoler la cousine qui vient d’apprendre par texto que son ex est parti aux Antilles avec une autre. Non, il est là, coincé avec la cousine, qu’il n’a pu quitter, après que son vol ait été annulé et sa nouvelle élue placée en quarantaine.  

  Allez, quoi. A deux aussi – à deux surtout-, la fête est plus joyeuse que jamais.

  Petit conseil pour rendre la soirée spéciale. Mettez deux masques, un sur la bouche et un sur les yeux. A minuit, criez : «  j’enlève le haut ! » Un quart d’heure plus tard, « j’enlève le bas ! » 

   (Vérifiez tout de même que votre partenaire est bien votre invité(e). Avec ces masques, on n’est pas à l’abri d’une surprise. Mais si c’est un(e) autre qui a pris sa place pendant que vous aviez les yeux fermés, pourquoi pas, si affinités ?)

   Précaution importante. Si on sonne à la porte et que, sur le seuil, apparaît le Père Noël, prenez garde, ce n’est pas le Père Noël. (Cette année, bulle oblige, il passe sa soirée avec le roi et les rennes). 

  Soit c’est un habile cambrioleur, soit un flic. N’ayant trouvé aucun moyen légal de visiter de force votre appartement, la police a imaginé ce truc pour pénétrer chez vous, vérifier si vous respectiez les règles et encaisser votre treizième mois en guise d’amende. Si vous l’avez reconnu, et que vous l’empêchez d’entrer, il ne vous en voudra pas. Il lèvera son verre de gel hydro-alcoolique (recommandé même pendant les heures de service), sortira par la porte et reviendra par la cheminée.  

   Pour se donner l’illusion d’être nombreux, vous pouvez sautiller sur votre chaise en faisant le tour de la table et en chantant « nous étions quatre-vingts chasseurs». Mais à deux, je vous préviens, c’est un peu fatigant. Et les voisins risquent de ne pas chanter en chœur. Car le problème, ce sont les voisins. Ils ne sont pas partis chez des amis ou au ski, comme les autres années. Et ils ne supportent généralement que leur propre raffut.

   Si vous passez la soirée à vous éclater dans un karaoké, volume à fond (seule façon de goûter vraiment à ce jeu) ou que vous vous consolez de cette fin d’année pourrie en écoutant un choix des rappeurs les plus déchaînés ou le répertoire intégral de la Castafiore, alors que vos voisins ont décidé, eux, de se taper une nuit Kant (un défi stupide qui consiste à relire toute l’œuvre de Kant en douze heures), il risque d’y avoir des courts-circuits. Evitez les bagarres, de grâce, les hôpitaux sont saturés.  

  Ah oui ! Mettez vos habits qu’on appelle du dimanche. Dans l’époque qu’on vit, mieux vaut être prêt et présentable si on a attendu 21 en vain.  

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POUR VIVRE HEUREUX, VIVEZ MASQUES!

Vous souvenez-vous de cet (excellent) film « Good-Bye, Lenin » ? Pendant que leur mère, une militante communiste, est plongée dans le coma, ses enfants fêtent la chute du Mur de Berlin et la réunification. Mais, craignant qu’à son réveil, le choc soit trop rude, ils redécorent son environnement aux couleurs de la RDA.

Certains ont ces jours-ci la nostalgie d’ « avant »,  vite repeint de couleur rose. Si « Retour vers le Futur » est chouette au cinéma, est-ce vraiment le cas dans la réalité ? Et vers à l’image de quelle époque rebâtir demain ? En remontant à 2001, 2015 ou 2016, les années de plomb du terrorisme – avec son avant-goût du lockdown? En 1989, année de la fin du communisme occidental mais aussi de Tien’ Anmen ? En 1918 où on célébrait la fin de l’abominable grande guerre en accueillant une terrifiante pandémie de grippe espagnole ?  

Et si on rebâtissait plutôt un nouvel avenir ? Où il faudra apprendre à vivre avec de nouveaux virus, nous promet-on. Et les enfants à la maison, à chaque alerte (taisez-vous, les mioches, papa termine sa chronique !)

Avec beaucoup moins d’avions et de voyages lointains (sauf en voiliers; t’as gagné, Greta !)

Mais surtout en portant systématiquement un masque à chaque sortie, au bureau, au resto, avec les amis. 

Ah ! Ce fichu masque ! Là est l’épine, il ne faut pas le cacher…

A quoi ressemblera une société où les gens vivront masqués ? Tous les jours et pas seulement le mardi-gras. 

Y avez-vous pensé ? Comment les profs pourront-ils enseigner sans rire la théorie des quanta, le naturalisme de Zola ou la table de multiplication devant trente visages dissimulés, l’un dans le tissu des vieux rideaux de mamie, les autres avec des déguisements récupérés du dernier carnaval, la tête de Trump ou de Lucky Luke ? 

Et imaginez la tête du caissier qui verra approcher de son guichet un type avec une cagoule sur le visage ? Les flics ne sauront plus où donner de la tête si tous les employés de banque affolés se précipitent sur le bouton alarme chaque fois qu’un client pousse la porte de l’agence. 

Les séances du Parlement risquent aussi d’être croquignolesques. Bonne chance aux principaux bretteurs à la tribune s’ils se lancent comme d’habitude dans un discours sérieux, type confédéralisme ou régime des pensions. Ce sera Guignol ! Peut-être que la Belgique y gagnera beaucoup. Mais pas les politiciens. Dont le masque révélera le vrai visage ! 

Et que fera-t-on à table ? Il faudra une petite ouverture pour laisser entrer la nourriture comme pour le pauvre Masque de Fer ? Et pour s’embrasser ? Une autre ouverture réservée aux câlins? Une fois, c’est amusant, mais pas longtemps ! 

 Non, décidément, cette histoire de masques est un plan foireux. D’autant qu’il se trouvera un virus qui n’aura pas de plus grand plaisir que de se coller aux tissus des gens masqués. 

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