EMBALLAGE CADEAU

Saint Nicolas nous étonnera toujours. Mais est-il vraiment prudent de lui confier le soin d’apporter les étrennes de nos chers enfants ? C’est une belle idée qu’il a eu d’emmailloter la centrale nucléaire de Tchernobyl dans un immense emballage cadeau et l’avoir déposée au pied d’un sapin éternellement vert (d’un vert inquiétant soi-dit en passant) avec la mention « à n’ouvrir que dans cent ans.» Mais les enfants ukrainiens de l’an 2116 comprendront-ils l’étiquette « attention ! fragile ! » collée sur le papier ? Et sauront-ils que faire de ce beau paquet venu d’un passé lointain ? Déjà qu’avec un château-fort en pièces détachées, on se prend la tête toute la soirée et toute la nuit pour décrypter le mode d’emploi en coréen avant de balancer le tout par la fenêtre avec le gosse en pleurs. Avec le dôme de confinement, le démontage par les petites mains de nos arrière-arrière-arrière petits enfants va être explosif.

L’idée de Saint Nicolas pourrait cependant connaître un certain succès en cette époque où il y a bien des choses qu’on a envie de glisser sous le tapis. En se disant que nos descendants auront peut-être plus d’imagination que nous pour régler les questions qui nous paraissent insolubles. Le nouveau président américain et la politique de cauchemar qu’il annonce ? Hop ! Sous cloche ! Poutine, Assad, coulés dans un bloc de béton. L’état islamique ? Enterré, de préférence pas trop loin de Tchernobyl. Avec quelques potentats corrompus, qui monopolisent éternellement le pouvoir.

On pourrait aussi dans la foulée glisser les centrales nucléaires belges sous cloche puisqu’on ne sait plus qu’en faire pour éviter qu’elles nous pètent à la gueule. Mais, dans cent ans, y aura-t-il encore quelqu’un dans le coin pour soulever le dôme et voir ce qui reste et dans quel état tout ce bazar a vieilli ? Une solution serait de mettre en même temps toute la Belgique sous cloche. Ce qui promet un bel amusement le siècle prochain aux occupants de la planète. Ils pourront transformer en parc d’attraction notre patrie, figée une fois pour toute en l’an 2016. Comme il sera pittoresque de retrouver nos six gouvernements toujours en état de marche, nos autoroutes éternellement saturées et nos vieux trains à une ère où autos et locos auront disparu depuis longtemps. Ce sera comme retrouver un morceau d’époque victorienne en visitant l’appartement de Sherlock Holmes au 221 B, Baker street. Restée accrochée à ses chères centrales, madame Marghem sera toujours là, bon pied, bon œil pour faire visiter ses antiques centrales, Charles Michel et Elio Di Rupo amuseront les enfants. Et Bart De Wever fera à la demande des touristes des discours dans une langue aussi oubliée qu’aujourd’hui l’araméen ou le sanskrit.

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UBER ALLES !

Merci madame la Poste ! Une fois de plus, en avance sur l’histoire.

Après avoir remplacé les facteurs par des livreurs de pizza et les buralistes par des caissières de Delhaize, voilà une nouvelle trouvaille pour remplir ses obligations de service public : faire livrer les colis par les citoyens eux-mêmes plutôt que par les facteurs. Ils coûtent chers, les facteurs, ils sont syndiqués et se plaignent sans arrêt.

L’Uberisation va remplacer désormais toutes ces bêtes règles du droit du travail qui rendent nos entreprises si peu compétitives. En utilisant les voisins ou les voisins de nos voisins des villes voisines, c’est juste un p’tit coup de mains entre amis. Plus de rémunération minimum, de retenues sociales et fiscales, de préavis impayables, de congés payés. Fini, toutes ces absurdités d’un autre temps.

Et, si le voisin est trop pris par le football pour rendre un petit service à la poste, jouer taxi ou remplacer la comptable, il enverra ses lardons. Quoi le travail des enfants ? Encore une invention des socialistes pour contrarier le développement de nos industries.

Le foot, parlons-en. Nos clubs ne sont plus en mesure d’assumer les salaires vertigineux de stars bling-bling aux pieds cousus d’or sans faire appel à la maffia russe ou aux cheiks arabes ? Il y a un autre moyen. Remplaçons-les par les supporters. Ils seront peut-être moins efficaces que les pros de l’équipe adverse mais ils seront beaucoup plus nombreux sur le terrain. Surtout, ils ne coûtent pas chers et ils ont plein de copains pour les encourager au lieu de passer leur temps à critiquer joueurs et coach.

Les gardiens de prison s’entêtent à se croiser les bras ? Remplaçons-les par les détenus eux-mêmes. Vous verrez quelle discipline ils feront régner à Lantin et à Andenne.

Les chauffeurs des TEC laissent leurs véhicules rouiller dans les dépôts ? Quelques camionneurs polonais sont tout prêts à les remplacer entre deux livraisons.

La politique aussi a tout à gagner à la culture Uber. Fatigués d’une classe politique empêtrée dans ses querelles byzantines et incapable de nous faire rêver, les citoyens prendront avantageusement la place de nos excellences démodées.

Un barbecue à la centrale de Doel pour profiter des fuites, c’est tout de même plus drôle, plus rentable et plus utile qu’un discours de madame Marghem.

Pour soulager les policiers et les soldats accablés de fatigue après des mois de corvées, les artistes de cirque sont prêts à les suppléer. Un dresseur de lions face à un terroriste, c’est autrement plus sûr qu’un pauvre trouffion. Autant qu’un prestidigitateur pour faire disparaître en deux tours un colis suspect. Et, pour contenir des manifestants hostiles, qui sera plus efficace, des flics ou des clowns ?

Reste Charles Michel, irremplaçable dans le rôle de l’équilibriste.

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TRES, TRES CHERE NOBILE

D’après les experts, Tchernobyl et ses environs seront totalement décontaminés dans cent mille ans. On est heureux de cette bonne nouvelle pour l’Ukraine et la Biélorussie qui redeviendront bientôt de belles terres de tourisme et de gastronomie rurale. Les plus optimistes d’entre nous prennent déjà leurs réservations chez Neckermann.

Et chez nous ? Doel sur Escaut et Tihange sur Meuse demeurent de magnifiques destinations de vacances grâce à nos dirigeants avisés qui ont tiré les enseignements des catastrophes voisines et pris toutes les précautions. Dormez tranquilles, braves gens, une malheureuse contamination nucléaire, si elle devait survenir, sera inodore, incolore et insipide, promis, juré – s’ils mentent, Charles Michel et Marie-Christine Marghem iront en enfer : le gouvernement vient d’ordonner la distribution de petites pastilles d’iode. Ouf ! Une petite pastille suffit pour traverser les flammes tel Superman. Garantie du fabricant.

L’agence fédérale du contrôle nucléaire veille au grain. D’accord, on l’accuse de s’endormir quand Electrabel lui chante une berceuse, de regarder ailleurs quand apparaissent une petite fissure ou deux ou trois ou mille mais personne ne court chez Carglass à chaque éclat dans le pare-brise, n’est-ce pas ?

A force de critiquer le nucléaire, on en oublierait ses énormes avantages. Son prix d’abord. Il ne coûte rien ou presque. Sauf évidemment pour fabriquer la centrale et ensuite quand elle explose mais, bon, ça n’arrive pas sous chaque législature.

Ajoutons ses conséquences positives sur l’environnement. Nos amis français ne se proclament-ils  les meilleurs élèves de la classe verte en soulignant sans rire que les centrales n’émettent pas de CO2 ? Non, mais elles laissent des déchets. Très difficiles à éliminer depuis que la ministre des Poubelles a décidé de faire des économies en n’assurant plus qu’une tournée sur deux. Et j’ai beau chercher, elle a oublié de préciser dans quel sac on les fourre, les déchets nucléaires.

Quoique prétendent de mauvais esprits, les arguments pour prolonger la vie de nos chères centrales sont très sérieux. On critique leur âge ? D’abord, ce n’est pas très poli. De plus, voyez une seule bonne raison de les mettre à la retraite plus tôt que nous ? L’âge de la pension a été porté à 67 ans. Pourquoi Tihange et Doel bénéficieraient-elles d’un traitement de faveur ? Elles ont à peine quarante ans. D’accord, elles font une petite crise ces jours-ci. Mais, la crise de la quarantaine est un phénomène bien connu. Montée d’hormones et micro-fissures sont les bobos classiques des quadragénaires qu’on soigne avec un peu de patience et beaucoup d’amour. En espérant évidemment qu’il n’y ait pas de nouveaux hoquets, ce qui donnerait à cette chronique une chute malheureusement apocalyptique.

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