LE COUP DE LA BAFFE

    Quel est le coût de la baffe ? Will Smith risque de payer assez cher celle qu’il a donnée en direct lors de la dernière Cérémonie des Oscars au comique régional, Chris Rock. Sa plaisanterie était d’un tel mauvais goût que, dans une société médiatique idéale, Chris Rock aurait quitté la salle pour reprendre à zéro ses cours d’Humour pour les Nuls. De là à lui flanquer une baffe ? C’est sympa quoiqu’un peu old fashion que le mâle saute de son cheval alors que c’est sa femme qui a été insultée. Adèle Haenel aurait été dans la salle, elle serait partie bruyamment. 

Reste cette histoire de gifle. Le Man in Black n’est pas le seul à qui les doigts démangent de temps en temps. Il n’y a pas qu’à Poutine qu’on aurait envie de flanquer une torgniole (mais il faut avoir le bras long vu la longueur de la table). 

Mais user de la violence pour défendre son honneur ou châtier l’imbécile est aujourd’hui inadmissible. Cela n’a pas toujours été le cas. Pour provoquer un homme en duel, on lui flanquait son gant sur la joue. A l’époque où la fessée et la gifle étaient recommandés pour l’éducation des enfants, Jules Renard prétendait qu’un « homme civilisé aime mieux recevoir un coup de poing qu’une gifle ». Et Courteline : « Il ne faut jamais gifler un sourd. Il perd la moitié du plaisir. Il la sent mais ne l’entend pas » …

Quand la gifle est-elle passée de mode ? Peut-être après cette déclaration d’Elizabeth Taylor : « Si vous m’entendez un jour parler projets de mariage, giflez-moi ! » 

Comme elle s’est mariée huit fois, on peut sans crainte de se tromper dater l’abandon officiel du système de la gifle du 6 mai 1950 lorsqu’elle a épousé l’héritier Hilton. 

Reste que l’histoire du cinéma adore les gifles et autres tartes à la crème envoyés à la figure. De Laurel et Hardy, champions merveilleux et indépassables de la tarte à la crème à la solide gifle de Jean Gabin à Pierre Brasseur dans « Quai des Brumes », on ne compte pas le nombre de gifles administrés même après le mariage de Liz Taylor. James Bond en est un grand amateur y compris à des dames (des méchantes évidement). Il y a aussi Lino Ventura, Richard Widmark à plusieurs reprises, notamment sur la pauvre Donna Reed dans « Coup de fouet en retour » (ah ! on savait gifler en ce temps-là ! Et sans état d’âme.) Il y a aussi Al Pacino dans Le Parrain, à Marlon Brando (qui ne l’avait pas volée) et à Diane Keaton. On entrait dans l’époque de l’égalité hommes-femmes. Ou encore la cascade de baffes la plus célèbre du cinéma, celle de Terence Hill dans « Mon nom est personne ».

Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que ça fait tellement de bien au spectateur. Autant que lorsque Tom reçoit une enclume sur la tête, balancée par Jerry.      

Si tout est bon dans le cochon, tout n’est pas nécessairement mauvais dans la gifle. 

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PERCE-NEIGE

   ‘On peut tout faire avec des baïonnettes sauf s’asseoir dessus’ écrivait Talleyrand. Ce qui prouve la supériorité des perce-neiges sur les armes de combat.

   Le gouvernement wallon a peut-être tort de poursuivre à tout prix les investissements et la défense du commerce de toutes ces machines de mort que nous vendons en fermant les yeux sur qui les utilisera, pourquoi et pour tuer qui, alors que l’extraordinaire richesse des Pays-Bas a longtemps été fondée sur l’exportation des tulipes. A une époque, le prix d’un bulbe était plus élevé que celui d’une maison sur un canal d’Amsterdam. On devrait y réfléchir à la F.N. – s’il existe là-bas des têtes pensantes. 

   Nous, nous avons le perce-neige, cette fleur magnifique, d’une finesse et d’une poésie sans égal, réapparait ces jours-ci, indifférente à la météo, à la pandémie, à la mélancolie ambiante, à la bouche en cul-de-poule des politiciens et même aux bruits de bottes venus de l’est. Si on reparle économie wallonne, j’ai lu que certains bulbes de perce-neige se vendent jusqu’à 1 000 €. 

  Essayez avec votre index de percer la terre glacée un petit matin de grand froid. Je vous défie d’y arriver. Alors que le perce-neige, d’apparence si fragile, jaillit en une nuit tel un oisillon qui émerge d’un œuf. Il a l’apparence fragile mais il ne faut pas être dupe. Il défie le promeneur, la nature encore en plein sommeil. Le signe émouvant que la vie reprend, que la sève circule à nouveau, quelles que soient les catastrophes qui ont endeuillé l’hiver.

   Songez aux perce-neiges qui ont salué le premier hiver de la Libération en 1945. Mais leurs grand-mères avaient fleuri avec la même indifférence au milieu du premier hiver d’occupation, quatre ans plus tôt…

   Celui qu’on appelle aussi la goutte de lait (la goutte de neige disent les Anglais) dégage une légère odeur de miel quand on le porte en bouquet à l’intérieur de la maison. Essayez. Vous serez pris de nostalgie, bercé par ce parfum d’antan, de l’enfance, effaçant soudain les tracas du jour – brièvement hélas. Mais ce moment, quel signe d’espoir…

  On comprend que Lino Ventura et son épouse ont choisi cette fleur pour baptiser leur association en faveur des enfants handicapés (ce qu’a fait aussi une ASBL namuroise).  

   Ce n’est pas de pitié dont ont besoin les enfants pas comme les autres, a déclaré Lino Ventura lorsqu’il a créé son association, mais de chaleur humaine.

   Perce-neige, fleur des temps glacés pour symboliser la chaleur humaine, magnifique paradoxe…

PS : Autre magnifique leçon de chaleur humaine, le sublime « Compartiment n°6 », film russe du finlandais Juho Kuosmanen qui réconcilie avec le voyage en train, l’hiver et les Russes ! 

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