Anvers est loin de Vérone. Sous le balcon de Juliette, l’histoire d’amour était dramatique mais simple. Dans la métropole pluvieuse, la tragédie a tourné au Grand-Guignol. La Belgique est une terre de marionnettes.
Il l’aime. Elle l’aime. Mais leurs parents ne sont pas d’accord. Un homme et une femme ? Shakespeare revu par Lelouch ? Pitié ! C’est trop banal pour l’é-lecteur blasé du vingt et unième siècle. Alors, on va pimenter l’intrigue. Cette fois, ils sont trois à s’aimer. Deux hommes et une femme. Et en cachette.
D’abord, il y a Wouter, le kabouter vert. C’est lui qui a déclaré sa flamme au grand Tom, le rouge, l’homme des docks, le remake de Marlon Brando dans « Sur les Quais ».
Depuis leur coup de foudre, Wouter et Tom se voient dans les bistrots du port. Loin des regards du roi Bart et de ses sbires, croient-ils. Ils se partagent déjà les perles de la couronne pour le jour prochain où ce sont eux qui deviendront roi et reine de la cité après avoir coupé la main de Bart et l’avoir lancée de l’autre côté de l’Escaut.
Les Groen de Wouter se frottent les mains. Ils n’ont jamais connu les ors des palais. Les Rouges sont tout excités à l’idée de retrouver leur gloire ancienne car, depuis qu’ils l’ont perdue, beaucoup d’eau est passée sous les ponts, emportant tout ce que leur famille avait accumulé.
Mais ils ne se sont pas assez méfiés du redoutable monarque qui, grâce à ses espions, sait tout des ambitions du kabouter et du docker. C’est un malin, un sournois. Un manœuvrier qui connaît Shakespeare. Il a lu « Richard II » et « Roméo et Juliette » et il va leur faire un pot-pourri (très pourri) des deux.
Bart 1er a une fille, la belle Liesbeth, aux cheveux de Lys. C’est la chérie de son cœur. Pour la garder auprès de lui, il a écarté tous les prétendants. Mais la politique a des raisons que le cœur ne connaît pas. Alors, il lui murmure à l’oreille : Liesbeth, choeke lieve, j’ai été trop dur avec toi. Trop égoïste. J’ai dit non à tous les amoureux que tu m’as présentés. Tu sa le droit d’être heureuse. Va voir le beau Tom. Je sais que tu l’aimes. (Par la femme de chambre de Liesbeth qui lui raconte tout, il sait que sa fifille a les yeux collés sur l’écran à chaque apparition de Tom et qu’elle est verte de jalousie depuis que son Marlon Brando fait les yeux doux à Wouter).
« C’est vrai, Poupa ? »
« Nihil obstat, choeke lieve ».
Alors, Liesbeth tisse rapidement sa toile et crac, le grand Tom tombe dans ses bras.
Comme prévu, dès qu’il a connaissance de l’idylle, Wouter s’écrie : « Mon gendre, tout est rompu ! » (c’est du Labiche, mais c’est bien aussi). Et il déchire le contrat de mariage avec Tom.
Adieu veau, vache, cochon, couvée et hôtel de ville d’Anvers.
Le forfait accompli, Liesbeth retourne chez son poupa. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits électeurs…
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