ZUHAL, REVEILLE TOI, ILS SONT DEVENUS FOUS !

On l’ignore souvent mais s’évader n’est pas un délit en droit belge. Avec beaucoup de bon sens, le législateur du dix-neuvième siècle avait compris que le mouvement naturel d’un prisonnier était de se faire la malle.

Pourquoi s’étonner alors qu’une camionnette transportant des migrants ne s’arrête pas en voyant des policiers mais qu’elle essaye de leur échapper ? Le chauffeur a réagi aussi naturellement qu’un détenu qui a l’occasion de prendre la fille de l’air…

Puisqu’on évoque ici les réactions naturelles d’un être humain, que penser de celle d’un policier qui sort son arme et décide de tirer sur une camionnette pleine de gens qui n’ont commis d’autre crime que de pénétrer sur notre territoire sacré mais sans papiers ?

Ce ne sont pas des terroristes, ni des assassins, ni des trafiquants, même pas des voleurs. Juste des familles qui ont fui l’enfer. L’Irak (comme les parents de Mawda), la Syrie ou la Turquie, où ils sont menacés, parfois massacrés, simplement en raison de leur origine.

L’année dernière, la secrétaire d’état à l’égalité des Chances, Zuhal Demir avait entamé, a-t-elle dit, une procédure pour se défaire de la nationalité turque : « la place de l’islam, la démocratie, la place de la femme, et les minorités : tout va dans la mauvaise direction » dans cette Turquie lancée dans une véritable guerre contre sa minorité kurde. On aurait aimé que la secrétaire d’état rappelle le sort des Kurdes à quelques-uns de ses collègues. Qui, mieux qu’elle peut l’évoquer ?

Les Kurdes d’Irak n’ont guère été plus gâtés que ceux qu’écrase le président Erdogan, d’abord par les islamistes de Daesh, ensuite par le gouvernement central irakien qui a entrepris de remettre au pas cette minorité décidément très encombrante.

Le policier qui a tiré sur la petite Mawda s’est trompé de cible, paraît-il. Il visait le chauffeur. La belle affaire ! Faire sauter la cervelle du conducteur n’aurait donc pas été un crime (sans compter la mort ou les blessures des occupants de la camionnette à la dérive) ?

Que pouvait-il faire ? Les instructions données aux policiers chargés d’intercepter un véhicule sont absentes ou confuses. En bref, débrouillez-vous !

Tout a été honteux dans ce drame : le procureur de Mons racontant n’importe quoi puis son contraire d’un air gêné semblait le fantôme du porte-parole du parti communiste à l’époque de Staline.

Le Comité P, prêt à classer ce dossier trop embarrassant, les parents de Mawda mis en prison et empêchés de suivre l’ambulance où s’éteignait leur petite fille avant de se voir notifiés un ordre de quitter le territoire. Ce qui est peut-être la seule chose qui ait un sens dans cette histoire : comment laisser parmi nous les témoins d’un acte aussi odieux ?

Monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, sachez-le : vous n’agissez pas en notre nom !

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CASSEZ LA VOIE

On ne remerciera jamais assez les agents des TEC. Voilà des Belges respectueux de la régionalisation du pays et qui prennent bien soin, à chacune de leurs grèves, de n’emmerder que les Wallons. Tous les Wallons. Mais rien que les Wallons.

Ce sont bien les seuls de toute l’Europe, de toute la planète, qui ne descendent jamais à Bruxelles pour crier, casser et pire si affinités. Même leurs bus ne viennent pas polluer nos rues vu qu’ils restent la plus grande partie de l’année sagement rangés au garage.

Alors que les indépendantistes catalans, les ex-sidérurgistes lorrains, les agriculteurs allemands et français, les fans de foot marocain, les enragés du R.S.C. d’Anderlecht, les Kurdes, les opposants russes, les groupies de Vargass 92, la star de Snapchat (vous suivez ?) sont attirés par la capitale belgo-européano-flamande comme les rats par le fromage. Même les Anonymous s’en viennent protester bras dessus, bras dessous dans les rues de la capitale, ce qui est un peu paradoxal. Mais est-ce plus logique de casser les vitrines de la place de la Monnaie pour faire la fête à une vedette des réseaux sociaux ? A Bruxelles, la différence entre réel et virtuel tend à s’estomper. Façon de prouver qu’elle est une ville high tech, une cité du futur. Même si les embouteillages, les tunnels en ruines et les chantiers de travaux interminables nous font heureusement bien vite retomber sur terre.

Il faut vraiment être coincé pour ne pas venir casser sa voix à Bruxelles. Les habitants de Bali ont renoncé à défiler dans le quartier européen pour dénoncer le réveil du volcan Agung à cause de la fermeture de l’aéroport. Les astronautes de la Station Spatiale Internationale n’ont pas réussi à décrocher l’autorisation d’atterrir pour avertir Jan Jambon de l’invasion imminente des Martiens tant que les négociations entre le fédéral et les trois régions sur le survol de Bruxelles ne sont pas clôturées, que le Conseil d’Etat n’a pas donné son avis, ceci sous réserve des recours des habitants devant les tribunaux.

Quant aux fans de Johnny Halliday, assommés par la disparition de leur idole, ils sabotent le voyage à Bruxelles parce que le père du chanteur qui l’avait abandonné à sa naissance y est enterré.

Tout le monde défile à Bruxelles sauf les Bruxellois. Quelle que soit leur origine, ils sont les seuls à ne pas arpenter la ville au pas de Loi. Eux, ils préfèrent flâner et admirer les facettes extravagantes de cette cité folle, mal foutue et délirante qu’ils aiment tant.

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Ps : Allez plutôt défiler devant la magnifique et hilarante collection de cartoons de nos meilleurs artistes réunie sous le titre « Belgium Art Cetera » qui revisite l’histoire de l’art belge. Jusque fin janvier au Musée Belvue.