JOINDRE JUIN A L’AGREABLE

Ca aurait dû être le plus beau mois de l’année, celui des nuits chaudes et longues où l’on goûte à la vie, en se laissant enfin aller à la paresse et au farniente. Celui où l’on renvoie à plus tard, à l’hiver, les emmerdes et les emmerdeurs. Le mois du joint et des délices interdits. Le mois des femmes et de la célébration de la féminité, hommage à la déesse Junon, mère du mois de juin et de ses plaisirs.

Mais, chez nous, on ne sait pas profiter de la vie, on n’aime pas, on n’ose pas. N’est-ce pas de la provocation ? C’est dans le seul bon mois de l’année qu’on a choisi de nous fourrer à la fois la déclaration d’impôts et les examens des petits (c’est-à-dire du stress de leurs parents).

La déclaration d’impôt, c’est l’examen obligatoire annuel pendant toute notre vie d’une matière qu’on n’a jamais apprise. Sous peine d’amendes, vous voilà tenu de décoder des mentions plus hermétiques qu’un poème de Mallarmé, plus amphigourique qu’une directive européenne rédigée à la suite d’un compromis entre les experts des vingt-sept états de l’Union, travaillant en traduction simultanée sur base d’un texte de base finno-maltais.

Si vous avez un appartement, on vous demande de préciser dans la rubrique 1106-58 s’il est donné en location à des personnes morales autres que des sociétés en vue de les mettre à la disposition de personnes physiques qui ne les affectent pas à l’exercice de leur profession.

La description de votre situation personnelle n’est pas plus facile. « Connais-toi toi-même » (Gnôthi seauton), la plus célèbre référence des pages roses du petit Larousse, prend tout son sens. Je n’avais jamais saisi la pertinence de la devise de Socrate et la difficulté de s’y conformer jusqu’au jour où j’ai découvert le cadre II de la déclaration, celui où l’on est prié de donner au fisc les « renseignements d’ordre personnel ».

Êtes-vous marié, veuf, cohabitant légal, séparé de corps, etc ? Bon, ça ne regarde pas ma contrôleuse avec laquelle je n’ai jamais vécu même une nuit d’amour mais je ne vais pas discuter. En revanche, comment répondre à : « êtes-vous le cohabitant légal d’un fonctionnaire etc. (oui il est mis « etc ») d’une organisation internationale visé sous a, qui a recueilli en 2012 des revenus professionnels supérieurs à 9.810 € qui sont exonérés par convention et ne sont pas pris en considération pour le calcul de l’impôt afférent à ses autres revenus ? » (cadre 1062-05)

On comprend mieux qu’au moment où le gouvernement oblige le roi à remplir désormais une déclaration d’impôt comme tous ses sujets, certains considèrent qu’il faut absolument alléger sa charge et notamment le dispenser de ce travail de titan, désigner le premier ministre.

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