Il y a quelques jours, la presse burundaise, connue pour la qualité de ses scoops, nous annonçait que le président mal élu Pierre Nkurunziza avait été désigné « Guide suprême éternel », ce qui laissait penser que ledit Pierre allait prolonger son règne jusqu’à ce qu’on en glisse une sur son tombeau. Une annonce faite, étrange coïncidence, au moment même où le parlement chinois confiait au président Xi Jinping les pleins pouvoirs jusqu’à la Saint Glinglin.
Hélas, il a fallu déchanter. Les journalistes burundais ne sont plus ce qu’ils étaient. La queue entre les jambes, ils ont dû corriger l’info : le président Nkurunziza ne sera élevé qu’au rang de « Visionnaire ». Ce qui change tout. Au lieu de dormir sur son trône jusqu’à la fin des temps, il est chargé de scruter dans le marc de café le nom de ses successeurs.
Peu de risques que pareille mésaventure arrive en Chine où les journalistes qui ont livré une info approximative sont rarement en mesure de la corriger.
Le voisin russe se prépare lui aussi à embaumer vivant son Guide suprême, qui a déjà fêté sa réélection en buvant une tasse de poison avec un de ses anciens agents venu s’installer en Angleterre. La vodka n’a pas réussi à faire passer la pilule. Poutine, lui, est mithridatisé. Pour éviter tout risque, il évite d’ailleurs l’alcool en société. Le résultat –connu d’avance- des élections russes ne plaide pas pour la qualité de la vodka ingurgitée par les électeurs depuis que sa fabrication échappe aux jolies kolkhoziennes du temps des Soviets.
En Occident, on gouverne toujours à l’ancienne. Avec des campagnes électorales interminables, des dimanches perdus à faire la queue devant des bureaux de vote dans lesquels il n’y a même pas moyen de boire une petite mousse (les électeurs savent pourquoi). Jadis, nos bonnes manières politiques ne posaient pas de problèmes : Berlusconi et avant lui la démocratie chrétienne étaient élus automatiquement en Italie comme les sociaux chrétiens et les socialistes chez nous. Mais, depuis quelque temps, la machine s’est enrayée. Les électeurs, pris de folie, se mettent à désigner des inconnus sortis de nulle part, des populistes et des néo-fascistes qui passeront quelques années comme députés à se faire entretenir avec l’argent des contribuables.
Il n’est pas utopique d’imaginer que, arrivé au terme de son trop court mandat, le président Trump ne trouve un amusant prétexte pour prolonger son séjour à la Maison Blanche de façon suprême et éternelle, guerre avec la Corée ou l’Iran ou le Burundi, suspension du réseau Twitter ou mort de son perruquier, toutes bonnes raison qui justifieront la suspension du processus électoral au nom de la défense nationale.
Poutine et Xi Jinping seront ravis. Plus on est de fous, plus on s’amuse entre vieux dictateurs.
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