Je soupçonne Maggie De Block d’avoir découvert récemment la « Modeste proposition » de Jonathan Swift et, la trouvant aussi géniale que l’œuf de Colomb, de l’appliquer pour résoudre le casse-tête de l’immigration, le tout-répressif (qui en avait jadis fait une star) ne faisant plus recette face à la détresse des réfugiés qui errent sur l’île de Lesbos après l’incendie de leur camp-prison-poubelle.
Publié il y a deux cents ans, cette « Modeste proposition » visait à apporter une suggestion originale au problème de la pauvreté en Irlande en « empêchant les enfants pauvres d’être à charge de leurs parents et de leur pays et de les rendre utiles au public ». Dans un pays ravagé par la famine et l’exclusion, Swift suggérait de supprimer les nourrissons en les vendant comme aliments.
« Un jeune Américain de ma connaissance m’a certifié à Londres qu’un jeune enfant bien sain, bien nourri, est, à l’âge d’un an, un aliment délicieux, très nourrissant et très sain, bouilli, rôti, à l’étuvée ou au four, et je ne mets pas en doute qu’il ne puisse également servir en fricassée ou en ragoût. »
On ne doute pas que l’accueil de douze réfugiés mineurs, exfiltrés de Lesbos, part d’un bon sentiment. Sous le masque du Docteur Maggie bat parfois un cœur.
Mais, comment ne pas être frappé par la ressemblance entre le raisonnement du grand écrivain anglais et celui de notre Ministre de l’Asile et de la Migration ?
Prenez le choix du nombre de réfugiés qu’est prête à accueillir notre généreuse ministre. Elle en a choisi douze – pas dix, pour ne pas être accusée de s’inspirer d’Agatha Christie, une personnalité devenue ces jours-ci politiquement incorrecte.
Douze parce que ce chiffre correspond proportionnellement au nombre d’habitants de notre pays si hospitalier et à son PIB (c’est ce qu’explique son cabinet qui a décidément bien saisi le mode d’emploi de l’humour british).
En refaisant ce savant calcul, j’ai le regret de faire part à la Ministre que ses conseillers ne connaissent pas les maths. Si elle s’en tient à la rigueur des chiffres, ce n’est pas douze petits Somaliens ou Syriens à qui la Belgique doit généreusement ouvrir les bras mais douze et demi. L’action gouvernementale ne supporte pas l’à peu près. La question est évidemment de savoir dans quel sens couper le demi-réfugié supplémentaire que l’équité nous oblige à recevoir. Et que faire de l’autre moitié ? La confier au G.D. de Luxembourg ou plutôt à Saint-Marin si on s’en tient à la règle proportionnelle liée à la grandeur de la terre d’accueil ?
Le demi-réfugié supplémentaire qui viendra en Belgique a de la chance dans son malheur : comme la ministre de la Migration est aussi celle de la santé, nul ne doute que ses blessures seront bien soignées.
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