PLAIDOYER POUR UNE FEMME VOILEE

 Ce qu’on appelle l’affaire Kate Middleton a pris des proportions planétaires. Son absence à cause d’une opération chirurgicale puis la publication d’une photo retouchée où elle pose avec ses enfants à l’occasion de la fête des mères occupe dans les médias à peu près autant de place que la situation à Gaza – et beaucoup plus que le sort des otages du Hamas. Entraînant des réactions hystériques que même sa position dans le cirque royal britannique n’explique pas. 

  La voilà obligée à présent de révéler qu’elle subit un traitement contre le cancer et laisser reproduire des photos où elle apparaît marquée par la maladie. Comme une façon de s’excuser d’être apparue trop belle, maquillée et sereine sur un précédent cliché.  

 Faudra-t-il, pour contenir la curiosité malsaine des lecteurs et des abonnés convulsifs des réseaux sociaux, qu’elle s’offre chaque semaine en victime expiatoire des voyeurs de tous poils ? 

  On comprend que sa vie privée, comme celle de toutes les personnalités publiques, ne reste pas cachée derrière les hauts murs d’un manoir du Norfolk. Mais, on semble oublier que même un personnage public, un acteur du monde politique ou une star de l’écran, de la scène ou du sport ont le droit à un jardin secret. Un jardin moins épais que celui d’un quidam anonyme mais pas réduit à une peau de chagrin comme on les médias le réclament progressivement ces dernières années. 

   Kate Middleton a le droit de jeter un voile sur des événements aussi intimes que le traitement ou les soins qu’elle reçoit, l’évolution de sa santé, l’humeur plus ou moins joyeuse qu’elle affiche à ses enfants dans ces moments si pénibles mais si personnels. 

  On a l’impression que les pulsations de l’info permanente, le besoin d’une excitation fiévreuse en temps réel, la monstrueuse gloutonnerie des réseaux sociaux toujours incontrôlés effacent les aspects les plus secrets de la vie des citoyens et pas seulement celle des « gens connus ». 

Ce n’est pas cacher une info que de laisser dans l’ombre des éléments intimes de la vie privée des personnalités publiques mais rappeler qu’elles sont des êtres humains, de chair et de sang, de douleurs et de peines, et pas seulement des images d’êtres virtuels, de vagues clones à la disposition des internautes pour combler leur ennui. 

La liberté de la presse est un droit essentiel. Il faut sans cesse se battre pour le préserver dans cette époque où des officines russes ou chinoises la mettent à mal mais aussi dans nos démocraties des partisans de vérités « alternatives ». Mais elle sert à diffuser l’information, à alimenter les débats d’idées pas à balayer ce qu’il reste de la vie privée. Laissons tomber le voile sur la vie privée d’une jeune femme qui lutte en silence comme elle en a le droit pour sa santé et l’équilibre de ses enfants.   

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LETTRES D’AMOUR

La publication des lettres d’amour de François Mitterrand à Anne P. révèle bien des choses. L’homme politique dévoré par l’ambition l’était aussi par la passion amoureuse. Caché au fond de son cœur glacé, il y avait donc un coin vivant et brûlant ? Bonne nouvelle pour les astronomes. Les mondes de pierre qui nous entourent ne sont peut-être pas aussi morts qu’il y paraît.

Que la destinataire de ces missives prenne l’initiative de les publier est aussi révélateur. La vie privée a fondu comme neige au soleil. La femme de César était aussi transparente que celles du général de Gaulle ou de Léo Tindemans. A une époque où les hommes et les femmes politiques ne sont plus capables de faire de la politique, que peuvent-ils nous proposer sinon leur jardin plus ou moins secret ? Leurs amours plutôt que leurs petites idées pour réaliser des économies dans les soins de santé ou sur les chômeurs. Charles Michel aurait dû y penser avant de se lancer dans son épuisant raout budgétaire. Une partouze au château au lieu d’un conclave. Kris Peeters n’aurait jamais pris la porte.

Des missives romantiques au lieu d’un programme ? Cette ruse machiavélique peut séduire les électeurs en mal de « nouvelles frontières » (une expression qui faisait jadis rêver mais que personne n’oserait plus utiliser depuis que la crise des réfugiés est au cœur des campagnes électorales).

François Hollande, qui n’a plus rien à perdre, pourrait peut-être tenter la manœuvre en laissant fuiter les bonnes pages de sa correspondance avec Angela Merkel.

« Meine Liebe,

J’ai bien du remords à l’idée d’arrêter la centrale nucléaire de Fessenheim. Si je ne cesse de reporter le stupide engagement que j’ai pris pour me faire élire, c’est que je ne supporte pas l’idée de voir son cœur se refroidir peu à peu alors que le mien brûle de te réchauffer et le tien de m’éclairer. »

Hélas pour Hollande, le roi de la malchance, Vladimir Poutine dont l’image en Occident est calamiteuse, vient d’envoyer à son éditeur copie des bafouilles qu’il avait adressées à l’époque où il était agent du KGB en Allemagne de l’Est à l’ardente Angela, une joyeuse époque où ils flirtaient tous les deux sous le mur de Berlin.

« Meine Liebe,

Je passe mes nuits à lire et relire ton mémoire sur l’« Influence de la corrélation spatiale sur la vitesse de réaction dans les réactions élémentaires bi-moléculaires en milieu dense ». J’en sors fiévreux, haletant. J’ai compris le message subliminal que tu m’envoies à travers ton travail. La vitesse de réaction, les réactions élémentaires. Oui, c’est de moi que tu parles. Et le milieu dense, celui dans lequel les molécules de nos corps vont fusionner. Ach ! »

De la raison politique au délire amoureux, a-t-on vraiment perdu au change ?

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