CHERE ZAHRA RAHNAVARD

   En France, un certain nombre de fous furieux, heureusement minoritaires mais un peu bruyants, prétendent que la santé de leurs chères petites têtes bouclées serait en danger si leurs profs leur racontaient qu’hommes et femmes, c’est pareil. Et le zizi, alors ?

Faudrait peut-être envoyer ces gaillards, qui se vantent de vivre dans la patrie des droits de l’homme, en voyage en Iran. Ces jours-ci, à l’occasion de l’anniversaire des trente-cinq ans de la révolution islamique, il doit y avoir des prix promotion. Mais, si elles les accompagnent, qu’ils n’oublient pas de couvrir leurs épouses de la tête aux pieds et de leur recommander de la fermer.

Chère Zahra, vous qui avez osé vous exprimer haut et fort à Téhéran, vous voilà enfermée et interdite de parole. Alors que vous aviez lutté contre la tyrannie du shah. Et accueilli avec soulagement un régime nouveau qui prétendait apporter enfin liberté et valeurs à un peuple opprimé pendant des dizaines d’années, sinon de siècles. Or, depuis trois ans, après avoir perdu une à une toutes vos fonctions, le droit d’exposer vos peintures, de publier vos livres, vous voilà confinée chez vous, avec interdiction de sortir, aussi muette et cloîtrée que jadis les femmes dans le harem.

Pourtant, chère Zahra, vous avez cru, et vous croyez toujours que le destin des femmes n’est pas inexorable même dans une république où la religion est au centre de l’espace public. Vous avez raison. Les artistes qui ont léché les bottes des tyrans sont tombés en poussières et leurs œuvres dispersées dans l’oubli. Le combat des vrais artistes qui ont défié les interdits stupides a sauvé l’âme de leurs peuples.

Il est tellement plus facile de crier que d’agir. Vous, chère Zahra, vous n’avez pas seulement écrit, sculpté, peint. Vous avez osé mettre la main à la pâte, à la direction de l’université Alzahra – première femme à accéder à pareille fonction-, travailler avec le président Khatami. Pire, vous avez aussi activement participé que Michèle Obama à la campagne de votre mari, M. Moussavi, pour la présidence de la république. Vous avez publiquement critiqué le système. Exigé devant la foule le droit des femmes. Mais les dés étaient pipés. Et vous voilà coincée là où les dirigeants actuels de l’Iran rêvent d’enfermer toutes les femmes.

Chère Zahra, vous est seule chez vous mais vous n’êtes pas seule. Au-delà des murs de votre maison, les femmes iraniennes portent vos espoirs, votre combat. Au-delà des murs de votre pays, les femmes du monde entier partagent votre vision.

Vous qui avez écrit un livre intitulé « La beauté de la dissimulation et la dissimulation de la beauté », vous ne pouvez que triompher…

Zahra Rahnavard est soutenue par Amnesty qui en a fait son invitée (absente et pour cause) à la Foire du Livre de Bruxelles.

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LE PRESIDENT PERSE

… Et personne pour plaindre le président Mahmoud Ahmadinejad ?
Adversaires politiques, étudiants, femmes, tous, se prétendant victimes de son élection, crient et défilent. Et lui, alors ? N’est-il pas la première, la seule victime de ce tsunami qui balaye Téhéran, ébranle son pouvoir, son autorité, sa réputation ? Faut reconnaître qu’il était un peu naïf ce pauvre Mahmoud. Pourquoi organiser des élections ? Son principal concurrent, Hussein Mussavi aurait pu lui souffler que ça n’apporte que des ennuis. Premier ministre pendant près de neuf ans sous la présidence du boss, Ali Khamenei (devenu depuis guide suprême), il sait mieux que tout le monde que la démocratie iranienne ne fonctionne que quand on ne s’en sert pas. C’est sans doute ce qui surprend le plus Ahmadinejad : dans le scénario, il était écrit : Mussavi se couche dès la première reprise. Une fois les urnes dépouillées (on veut dire : dépouillées des bulletins qui portent son nom), il reconnaît la victoire du président en place et crie : vive Mahmoud ! Au lieu de quoi, le traître proteste !
Décidément, tout part en eau de boudin. D’abord cette mauvaise querelle qu’on lui fait sur l’holocauste. Sur son ignorance des détails de la seconde guerre mondiale. Avec son diplôme en ingenerie des transports publics, il sait tout ou presque sur les trams. Qu’on l’interroge sur la STIB, soit. Mais comment pourrait-il savoir ce que les Allemands ont fait aux Juifs le siècle passé ?
Son autre dada, ce sont les femmes. Toutes des perverses, des impudentes qu’il faut mettre au pas car, comme le dit le prophète, quand le tchador, les souris dansent. Dans sa grande générosité, il leur a pourtant laissé le droit de vote (auquel s’était opposé sagement son héros, l’imam Khomeyni). Résultat, elles le narguent et réclament sa tête.
Et la bombe atomique ? Encore un reproche incompréhensible. Combien de fois doit-il jurer sur le Coran et tous les prophètes que l’énergie nucléaire iranienne ne servira qu’à faire tourner les carrousels et les machines à fabriquer la barbe à papa ? Rien d’autre. Mahmoud est le protecteur de la jeunesse. Mais personne ne le croit. On lui cherche des poux. On lui promet l’apocalypse. Pendant ce temps, Coréens, Israéliens, Indiens, Pakistanais peuvent jouer tranquilles avec leurs bombes. Même les Américains ne protestent que mollement. Preuve que tout est seulement prétexte pour le discréditer.
Seule solution, élargir sa majorité. Mais, avec les Ecolos, sa bombinette est à l’eau. Les socialistes alors ? Il a assez de problèmes comme ça sans José Happart, les amis de l’aéroport de Charleroi et les autres. Reste le MR. Mais mouvement réformateur, ça ne fait pas seulement peur en Wallonie. A Téhéran aussi.

Alain Berenboom
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