MANNEKEN PIS ET AUTRES DELICES DE LA RENTREE

  Si l’on reconstitue la soirée d’anniversaire du ministre de la Justice, la première pièce du dossier est un combi de policiers stationné devant son domicile pour le protéger des trafiquants de drogue. 

  Ensuite, des invités apparemment tous mâles triés sur le volet par le jubilaire pour souffler ses cinquante bougies. 

  A propos de Jupiler, les fameux invités en ayant manifestement abusé par casiers entiers, les voilà déversant leurs larmes de joie sur le fameux combi. Qu’ils découvrent vide. Ils auraient préféré sans doute exprimer leur griserie contre la jambe des policiers mais ceux-ci sont aux abonnés absents. Ce qui soulève une question de taille : où sont donc passés les pandores censés protéger le ministre ?

 Soit, ils courent derrière les innombrables trafiquants dont la Belgique est devenue le nid, soit ils sont partis mendier quelques pièces en ville, ce qu’ils font désormais tous les soirs, vu l’état des finances de la police fédérale. Ou alors ils sont enfermés dans les toilettes de la villa du jubilaire, ce qui explique que ses invités, trouvant porte close, sont obligés de se soulager sur leur véhicule. 

 On imagine en passant ce qui se serait passé si les joyeux Manneken Pis étaient des demandeurs d’asile en goguette ou des ados plus ou moins colorés plutôt que d’éminents notables de Courtrai…

 A quelques jours de l’attentat urinaire des amis du Vice-Premier, un autre jet se déroule à environ 200 km de là, à Liège. Une tarte à la crème contre le président du MR venu signer le premier tome de ses œuvres complètes. Comme en écho aux attentats pâtissiers de jadis du Gloupier (qui avait également entarté quelques politiciens dont Karel Dillen, président du Vlaams Blok). Jean-Luc Godard, entarté au festival de Cannes, aurait réagi en disant : « c’est la revanche du cinéma muet sur le cinéma parlant. » 

 Moins inspiré et comme soudain en mal de mots, Georges-Louis Bouchez s’est contenté d’entarter à son tour son agresseur maintenu à terre par le service de sécurité… 

Lorsque notre quotidien favori a interrogé les présidents de partis francophones sur l’état de notre démocratie, aucun d’eux ne s’est demandé si le comportement de certains collègues n’expliquait pas au moins en partie le désenchantement de beaucoup de citoyens. 

 On notera l’absence du président du PS à cette fiesta. Que craignait-il ? Une tarte à la crème d’un de ses collègues ? Ou pensait-il que notre journal, ayant prévu une collation, il allait se retrouver aussi coincé que Van Quickenborne face à ses invités ? A moins qu’il n’ait pas voulu diviser son électorat en se rappelant cette phrase de Jacques Prévert : « La différence entre un ouvrier et un intellectuel ? L’ouvrier se lave les mains avant de pisser, l’intellectuel après. »

www.berenboom.com

FAITES CONFIANCE A PHILEAS FOGG

Je vous fiche mon billet que Georges Louis Bouchez ne renoncera jamais aux jeux de hasard tant qu’il n’aura pas gagné son pari : devenir premier ministre d’une Belgique réunifiée, président de l’Europe, secrétaire général de l’ONU ou, à défaut, à tout le moins que son équipe de foot, les Francs Borains, aient battu l’Union St Gilloise une fois dans sa carrière. 

   Donc dans longtemps… Quelle mouche a piqué un autre libéral, Vincent Van Quickenborne, de décider un matin qu’il allait supprimer la publicité pour les jeux de hasard d’un trait de plume ? Et dans la foulée, que les sites étrangers de jeux en ligne sur internet auraient l’obligeance de ne pas franchir la frontière belge. Croyait-il ainsi décourager Poutine ? Ou les électeurs flamands d’extrême droite de voter pour le Vlaams Belang ? Non ? Alors, on se perd en conjecture sur ses motivations. 

  En tout cas, l’idée est ridicule. Arrêtons de voter des lois qui empêchent les gens de jeter leur argent par la fenêtre s’ils en ont envie en échange d’un bref moment de rêve. Le rêve de devenir scandaleusement riche ou roi de l’Ukraine ou premier ministre français à la tête d’une coalition de bric et de broc ou président du CD&V. Vous préférez, monsieur le Ministre, laisser les Belges sombrer dans la mélancolie parce que rien ne les fera plus vibrer. Car ce n’est pas la perspective d’une poussée libérale, démocrate-chrétienne ou socialiste qui va les enthousiasmer. Même pas celle de voir les communistes obligés de diriger le prochain gouvernement après une inattendue victoire électorale. Quick n’a donc pas saisi qu’il est interdit d’interdire aux gens de rêver ?  

   Certains prétendent que le pari n’est qu’un jeu. Grave erreur. C’est un art de vivre, l’expression de la foi dans l’avenir, d’un lendemain qui chante. En ces temps où l’on broie du noir et où on tremble devant la panoplie d’apocalypses qu’on nous annonce, autoriser, que dis-je, encourager les jeux et paris est une nécessité sociale et politique, un traitement psycho-thérapeutique, seul à même de sauver notre société malade et traumatisé. 

Miser sur un cheval, acheter un billet de loterie, deviner le chiffre absurde qui sortira de la machine ou l’alignement d’une série de jetons qui feront de vous un héros, c’est aussi romantique qu’être persuadé que demain, en traversant la rue, on tombera enfin sur l’homme ou la femme de sa vie. 

   Autrement dit, c’est drôlement sérieux un pari. Jules Verne l’a parfaitement noté dans « Le Tour du Monde en quatre-vingts jours » : « Un Anglais ne plaisante jamais quand il s’agit d’une chose aussi importante qu’un pari » fait remarquer Phileas Fogg. Qu’il a gagné, remarquez-le au passage, de quelques secondes. 

www.berenboom.com

CHAMPAGNE OU KIDI-BUL ?

  Tout le monde se prépare aux fêtes mais pas tous de la même façon. Petit tour chez les puissants du royaume.  

Chez Elio D., on se frotte les mains. Le fils prodige a jeté l’éponge. C’est pas demain la veille qu’on effacera des tablettes le joli nom du dernier premier ministre socialiste wallon. Le dernier et peut-être l’ultime comme le lui a promis Père Noël – dont les promesses n’engagent que ceux qui y croient. 

Chez Paul M., on débouche aussi le Kidi-Bul. Pendant un mois de mission royale, le fiston a prouvé, à défaut de mettre sur pied un gouvernement, qu’il était désormais le seul chef rouge et même qu’il occupait tout l’espace francophone. 

Rue de Naples, avec l’arrivée du fils prodigue, on se prépare à tuer le veau gras. Grâce à lui, les Bleus ont retrouvé leurs couleurs. Président, informateur, tout s’emballe. Dans la foulée, il a déjà promis au roi de glisser sous son sapin, un gouvernement pesé, emballé (cadeau) et ficelé. Georges L.B. en sera à la fois le premier, comme son papa Charles M., et le vice-premier et ministre des affaires étrangères, comme son oncle Didier. 

Il a tellement d’énergie, ce Georges, que, si on le retient pas, il est prêt à occuper tous les autres postes, puisque ses collègues font tant de manières. A moins que Théo Francken, qu’il avait si aimablement invité à Mons, soit d’accord de prendre en charge quelques maroquins (si j’ose dire). 

Il faut cependant préciser que, comme le prévoient les règles de la vente par correspondance, si le cadeau ne lui convient pas, le roi peut le renvoyer dans les huit jours – sans frais.  

Dans les chaumières du nord, on fait grise mine. Il fait froid et on compte ses sous. Père Noël va devoir se serrer la ceinture et peut-être manger ses rennes. 

Après leurs maigres résultats de mai dernier, ce n’est la fête ni chez les Bleus ni chez les Oranges. Les dotations publiques ont fondu au soleil de la fin du printemps. Certes, quelques-uns de leurs champions peuvent redevenir des excellences – ce qui éveille des vocations. Mais le bazar fédéral ne pourra pas absorber beaucoup de ces désœuvrés. Alors, comment assurer la survie des autres ? Les faire loger provisoirement dans les villas flambant neuves du Vlaams B ? Ou dans les chambres inoccupées du parti frère ami-ennemi, la N-VA, qui n’est pas sorti non plus très sémillant du joli mois de mai et dont une partie des occupants regarde ailleurs –très à droite- pour être sûrs de décrocher un hébergement après la prochaine élection ?  

Personne n’a manifestement envie de se dévouer pour ouvrir le bal avant les douze coups de minuit. De peur de se casser une patte. Mais, qu’ils se rappellent ce film (dans lequel les personnages ne pouvaient quitter la piste de danse) au titre prémonitoire : « On achève bien les chevaux ».

www.berenboom.com