Farniente et lectures, le cocktail voluptueux des vacances. Si vous hésitez devant le menu, trois étoiles à signaler.
« Seul » de John Mulgan, première parution en français de ce livre culte de la littérature néo-zélandaise. Bravo aux éditions (belges) l’Esperluète d’avoir traduit ce formidable roman, paru en 1939.
C’est l’épopée d’un jeune homme, rescapé des tranchées, qui parcourt la Nouvelle-Zélande, chassé d’un boulot à l’autre, puis poursuivi par la police avant de rejoindre les brigades internationales en Espagne. Avec en arrière fond, l’écho de plus en plus écrasant de la crise des années trente.
Vingt ans avant Kerouac, cette odyssée de la route est aussi passionnante et brûlante qu’un roman de James Cain malgré une écriture d’une grande simplicité et un personnage central omniprésent, dont on effleure à peine la psychologie.
Le destin de l’écrivain est aussi romanesque que celui de son personnage. Après des exploits héroïques pendant la seconde guerre, notamment la coordination de la résistance en Grèce, John Mulgan se suicide en 1945 au Caire, à l’âge de 33 ans.
Rien dans son roman ne laisse percer le désespoir qui devait ronger son auteur. Au contraire, les épreuves très dures que doit surmonter son personnage semblent glisser sur lui comme la pluie qui tombe sans cesse.
Deuxième régal à déguster à l’ombre, « Le Manoir de Tyneford » de Natasha Solomons (Calmann-Lévy). La toute jeune romancière britannique situe, elle aussi, son roman à la veille de la seconde guerre mondiale. Une jeune fille d’une famille bourgeoise autrichienne débarque de Vienne sur le chemin, espère-t-elle, des Etats-Unis. Rattrapée par la guerre, elle devient domestique au service d’un aristocrate. On pourrait y entendre l’écho des « Vestiges du Jour » d’Ishiguro mais le propos est bien différent. Et les personnages infiniment plus humains et attachants. La dégradation sociale de l’héroïne parallèlement à celle de la situation politique et sociale de ses maîtres forment une toile de fond très riche pour un roman remarquablement tourné.
Il est encore question de la guerre 40-45 dans le premier roman de Michael Freund, « La Disparition de Deborah L. » (Le Seuil). Le narrateur cherche à comprendre le sort d’une jeune ethnologue, Deborah L., une des premières à étudier l’Ethiopie puis le peuple Dogon. Dans quelle condition a-t-elle disparu pendant la guerre alors qu’elle ne figure pas au mémorial des Juifs de France déportés dans les camps ? A-t-elle été dénoncée par une de ses collègues ?
Ce très beau livre, qui mêle de façon troublante réalité et fiction, ethnologie et technique policière, provoque une émotion rendue plus forte encore par l’écriture quasi clinique de cet écrivain prometteur de près de septante ans…
Que la fiction vous protège des coups de soleil…
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