On s’est beaucoup moqué du côté ringard de la proposition de Paul Magnette d’interdire le commerce en ligne. Comment peut-il imaginer que les consommateurs vont renoncer à acheter des sous-vêtements, aspirateurs, matériel de bricolage et d’informatique ou sacs pour déjection canine sur Amazone ?
Les commentateurs ne l’ont pas épargné. D’autant que les 3 Suisses et La Redoute font ça depuis cent ans… Mais, comme on sait l’homme intelligent, on se dit que s’il a formulé une suggestion aussi grotesque, c’est qu’il avait une idée derrière la tête, qu’il dissimulait derrière cette soi-disant défense du petit commerce un coup politique beaucoup plus subtil.
Après plusieurs nuits de réflexion, j’ai enfin saisi ses intentions. Les sondages mettant le parti socialiste en mauvaise posture, Magnette a décidé de ramener de nouveaux électeurs en mobilisant la catégorie la plus nombreuse des Belges, les fraudeurs. Il a parié faire carton plein en jouant sur notre amour pour la contrebande. Sur cette vieille tradition qui fait chez nous du smokeleir un héros national. Si l’on est prêt à abattre les statues de Léopold II et de quelques généraux qui ont joué les matamores dans la colonie, jamais on ne cassera celle du roi des fraudeurs.
Avec la disparition des frontières en Europe et la fin des contrôles douaniers, on a perdu la meilleure raison de se rendre à la mer du nord : à l’époque, on y allait pour se glisser à Sluis et en ramener du beurre, de la viande et du Bols puis passer la marchandise, habilement dissimulée, sous le nez des gabelous. Une fois le commerce en ligne mis hors-la-loi, nous allons retrouver cette émotion disparue, ce plaisir de défier les interdits. Tous égaux dans la fraude, bourgeois et ouvriers, enfin un vrai projet socialiste, camarades !
Avec un peu d’imagination, on devrait arriver sans trop de mal à mettre sur pied des trucs qui vont permettre d’échapper à la police. Mr Magnette n’ayant pas prévu de liquider B-Post ou de lui interdire de livrer des colis (pourtant la seule façon d’appliquer sa fameuse loi), les vendeurs feront assaut d’imagination pour maquiller leurs paquets envoyés en Belgique. Les marques caractéristiques d’Amazone seront effacées et remplacées par une grande étiquette portant la sobre mention « Fragile. Bibles » ou « Don des Témoins de Jéhovah ».
On verra aussi des livreurs Uber se glisser la nuit jusqu’à Bray-Dunes puis repasser la frontière à Risquons-tout, avant d’emmener les colis dans l’ancien bowling abandonné de Mouscron, où sera installé un centre de distribution clandestin pour desservir les autres villes du pays.
Tout ceci annonce des jobs, un trafic intense et de joyeuses fiestas, qui nous manquent tant depuis l’effacement des carnavals. On dit merci qui ?
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