Quel éclat de rire aurait salué l’annonce par Fernand Reynaud, Fernandel ou Bourvil de leur candidature à l’élection présidentielle française ! Et, imaginez Jerry Lewis ou Laurel et Hardy briguer le bureau ovale.
Avec Coluche, les choses ont changé. D’abord simple provoc, sa candidature en 1981 s’est révélée si sérieuse que Mitterrand a tout fait, dit-on, pour se débarrasser de ce clown qui risquait de le faire éliminer au 1er tour.
Depuis, la frontière entre le roi et son fou est devenue de plus en plus floue. Les rôles ont commencé à s’inverser.
Ayant quitté la Maison Blanche, Clinton s’est lancé dans le polar. Son dernier successeur, Donald Trump, a fait la route inverse : fou du roi à la télé, il est devenu roi du monde, oubliant au passage de se démaquiller, d’enlever son habit de gugusse et de remplacer le texte de ses numéros par des discours politiques.
Pendant ce temps, en Italie, Beppe Grillo, héritier de la commedia dell’arte, a quitté son habit de Guignol pour battre les estrades des meetings politiques.
Avec pour résultat que, dépassé par la machine folle qu’il a mis en mouvement, son parti de joyeux anarchistes, devenu le premier d’Italie, s’est transformé en marchepied du parti fascisant, La Ligue, et lui a pratiquement remis les rênes du pouvoir. Fini de rire !
Pourquoi les rôles se sont-ils inversés ? Pourquoi le fou s’est-il emparé du trône ?
D’abord parce qu’on rit de moins en moins ces temps-ci. Le métier de bouffon ne paye plus. Le Cirque Hipparque ne cherche plus de clowns. Désolé les Dupondt !
Peut-être aussi parce que les rois n’ont plus besoin de fou puisque leurs sujets ont compris qu’ils ont perdu l’essentiel de leur pouvoir. Compression budgétaire, économie de personnel, le fou est bon pour le chômage depuis que les hommes et les femmes politiques ont décidé d’exercer eux-mêmes les deux fonctions.
Mais, en s’emparant du répertoire de leur fou, ils ont remplacé l’ironie par le sarcasme puis par la promesse électorale simpliste, favorisée par la mode du Tweet et la communication par punchline. Théo Francken en est l’exemple qui multiplie les numéros de music hall à l’approche des échéances électorales.
On confond désormais l’humour, qui explore mine de rien la complexité de l’âme humaine, par le « bon mot » qui n’est qu’une façon de flatter les plus bas instincts de l’être humain.
Il ne faut pas s’y tromper. Le puissant ne se moque pas de lui-même – cela lui est tout simplement impossible, n’est-ce pas docteur Freud ? C’était ça tout l’art du bouffon. Mais il se moque de ses sujets sans que ceux-ci n’en soient conscients. Autrement dit, au lieu de viser le « stoeffer », la tarte à la crème s’écrase sur les petits et les sans grades.
Puisque la loi limite à présent le cumul en politique, il serait urgent d’interdire aux rois de se prendre pour leur fou…
www.berenboom.com