Pour sa première visite sur le vieux continent, le président Biden a choisi une seule étape. Mais doit-on se réjouir que Bruxelles s’affiche comme capitale de l’Europe ?
Cette désignation ne figure pourtant pas dans le traité de Rome de 1957. On a souvent accusé le gouvernement belge de l’époque de sa passivité et de son manque d’initiative pour expliquer cette carence dans l’acte fondateur. Ne faut-il pas plutôt se demander si le premier ministre Achille Van Acker et son ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, ont eu la prescience de ce qui attendait notre bonne ville le jour où elle paraderait comme le nombril de l’Europe.
Dans l’opinion publique, aucune ville n’a acquis plus mauvaise réputation que notre pauvre cité. Tout ce qui va mal, déplaît, ne fonctionne pas, ce n’est jamais la faute des chefs d’état réunis en Conseil ni celle de la Commission, encore moins du Parlement. C’est toujours la « faute à Bruxelles ».
Un Bruxelles imaginaire puisque ni ses habitants, ni même les autorités en surnombre qui gèrent la Région et la ville n’ont la moindre influence sur ces fameuses décisions, règlements, directives, qui pointent Bruxelles en bouc-émissaire de toutes les frustrations politiques du continent.
Pour les Bruxellois, l’Europe a le visage d’une série de citadelles inaccessibles coupées de la vraie vie dans lesquelles travaillent des fonctionnaires qui n’ont aucun lien avec les citoyens du cru et qui sont enviés ou détestés pour leurs privilèges, notamment fiscaux.
La seule image que les Bruxellois ont de ce « Bruxelles » que l’Europe maudit, ce sont ces tours sans âme, ces quartiers déserts la nuit (et les mois de covid), ces forêts de béton glauque, qui ont éliminé des quartiers entiers du Bruxelles d’avant. L’Europe, ce sont aussi les embouteillages inextricables que provoque chaque sommet ou chaque visite d’un hôte soi-disant prestigieux. (Et là, on est injuste car les responsables régionaux de la mobilité sont largement responsables de ces blocages et de la guerre entre utilisateurs des voies publiques, socialistes et verts se disputant les électeurs « doux » à coup de mesures contre l’auto et pour le vélo sans aucune coordination, sans plan de circulation, sans cohérence sinon de brandir leurs trophées : j’ai osé imposer le 30 km, j’ai fait circuler les cyclistes dans les sens uniques, j’ai fait des piétonniers, j’ai fermé des rues, fait s’écrouler des tunnels, j’ai beaucoup embêté les automobilistes, etc).
Ces visiteurs internationaux qui paradent à Bruxelles, ne croyez pas que l’on peut les voir. Il faut les protéger par des bataillons de flics de l’amour que voudraient leur manifester les Bruxellois. Idéalement, les eurocrates rêveraient que Bruxelles soit vidée de ses résidents depuis que l’Europe a décidé de l’occuper, comme les Khmers rouges ont repoussé les habitants de leur capitale dans les campagnes. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de campagne en Belgique…
Et que les artères de notre prestigieuse capitale sont tellement sous pression grâce à notre exemplaire politique de mobilité que même si des extra-terrestres hostiles débarquent à Bruxelles, évacuer la ville durera trois mois. Ce qui est sans danger, il est vrai, s’il apparaît que ces extra-terrestres n’ont envie que de bouffer des cuisses d’eurocrates…
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