FARCES ET ATTRAPES

    L’histoire se répète toujours au moins deux fois, écrivait Karl Marx. La première comme une tragédie. La seconde comme une farce. 

   Une illustration dans l’histoire politique belge avec le social-chrétien Wilfried Martens, revenu neuf fois comme premier ministre en treize ans (entre 1979 et 1992), ses gouvernements tombant les uns après les autres comme un château de cartes, donnant l’impression d’assister à la répétition sans fin d’un spectacle de Guignol.

   S’il réussit mardi prochain son come-back, Donald Trump va-t-il faire mentir Karl Marx ? Lui dont le rêve est de réincarner Ronald Reagan, le président qui garde dans l’imaginaire américain l’image d’avoir fait s’écrouler l’Union soviétique. Si Trump est réélu, on peut s’attendre à ce que des manifestants défilent à Washington en criant « Brejnev revient ! Trump est devenu fou ! » 

   On comprend que, dans cette époque troublée, malmenée, de moins en moins compréhensible, où l’on a perdu la plupart des repères, les gens ont soif de découvrir du neuf, à repartir d’une page blanche. Puisque ceux qui nous ont gouvernés jusqu’ici n’ont pu empêcher le chaos, tentons autre chose – sans être arrêtés par l’idée que cette équipe soi-disant neuve peut se révéler pire.

   C’est une des explications par exemple du renversement des alliances en Afrique ex-française, où l’ancien colonisateur, désormais honni, est chassé pour accueillir à bras ouverts la soi-disant efficacité des troupes venues de Russie. 

   Cette Russie qui, elle, remplace sur le front ukrainien ses soldats épuisés, blessés, démoralisés par des bataillons tout frais venus de Corée du Nord. Allez comprendre ce jeu de chaises musicales.  

   Plus près de nous, cette réaction aveugle de se jeter dans les bras de dirigeants qui n’ont jamais participé au pouvoir explique aussi le succès, par les urnes, de l’extrême droite. Une extrême droite ravalée de frais, propre sur elle, qui caresse les micros au lieu de hurler dedans, mais qui n’a rien perdu de ses idées outrancières, mortifères. En France, en Hollande, en Italie, en Hongrie, en Flandre, waw ! 

   Ce qui est piquant c’est qu’on a oublié que l’extrême droite a été au pouvoir dans ces pays et qu’elle a mené à la catastrophe. Mais c’est si loin, oublié. Plus personne ne fait le rapprochement entre le Vlaams Belang et le VNV, collaborateur des nazis, entre Le Pen et Pétain ou entre Mussolini et Meloni (dont le parti est pourtant l’héritier avoué du MSI). 

   Ce qui s’est terminé en tragédie au siècle dernier se transformera-t-il en farce quatre-vingts ans plus tard ? Alphonse Allais écrivait : « les poubelles de l’histoire sont remplies de tendances prolongées ». Si l’on aspire à du neuf, cherchons vraiment du neuf, pas des vieilleries ripolinées pour l’occasion…        

www.berenboom.com 

ZERO EST ARRIVE

  « Le Soir » du 2 octobre 1998 annonçait en bandeau « Deux Belges sur trois veulent régulariser les sans-papiers ». Que sont devenus tous ces Belges qui voulaient que la Belgique revoie complètement sa politique d’asile ? 

  Désormais, les politiques se battent partout en Europe comme aux Etats-Unis pour diaboliser les étrangers, les expulser, fermer les yeux sur les camps atroces où nous chargeons Libyens, Tunisiens, Turcs de nous en débarrasser. 

  Il y a quelques jours, le président Macron faisait entrer au Panthéon les époux Manouchian, héros étrangers qui se sont battus jusqu’à la mort avec la résistance française et contre ces « bons Français » qui pactisaient avec les nazis. 

  Salutaire mise en garde alors que tous ceux qui bavent pour monter au pouvoir ont fait de l’immigration l’explication de tous nos maux. 

Avec pour image choc, le fantasme du grand remplacement. Le Vlaams Belang en a fait son cheval de bataille lors de ses congrès où la haine de l’étranger sert à galvaniser les militants (« une vermine importée qui verse dans la délinquance » évolue dans « des ghettos où règne la charia » pour citer quelques propos qui ont servi de zakouskis aux débats). 

Peu à peu, les partis démocratiques se laissent gangrener par ce type de discours. On l’a vu lors du vote de la loi immigration en France il y a quelques semaines. Ou en entendant les déclarations de la N-VA qui s’essouffle à courir derrière l’extrême droite flamande en refusant désormais d’accepter tout nouveau demandeur d‘asile. « Notre objectif, c’est zéro » a clamé Théo Francken. Zéro est arrivé ? C’est ainsi que le parti conservateur veut rattraper ses électeurs tentés vers encore plus à droite que lui. Pauvre Bart De Wever obligé de faire le grand écart, en tentant de tenir un discours de chef d’état pour ne pas se couper de ses futurs partenaires d’un gouvernement qu’il veut diriger tout en laissant les grandes gueules de son parti plagier les slogans de son redoutable concurrent. 

Béni soient les immigrés, se disent en secret tous ces grands tacticiens. C’est grâce à eux qu’ils espèrent décrocher la timbale. Pourvu qu’ils continuent d’affluer d’ici le dimanche des élections !

Il faudrait parfois rappeler à Théo Francken, Tom Van Grieken ou Filip Dewinter que leurs ancêtres sont venus eux aussi d’Afrique chasser les populations locales qui vivaient à l’époque en Flandre. Et à Trump que, sans les dizaines de millions d’immigrés qui ont envahi l’Amérique et massacré ceux qui y habitaient, il ne serait pas aujourd’hui à vitupérer contre ses voisins pour revenir hanter la Maison Blanche. 

On est toujours l’immigré de quelqu’un. Mais les homo sapiens plus que les autres animaux de la planète…

www.berenboom.com

VOTER UTILE

    Pourquoi pas voter N-VA en Wallonie lors des prochaines élections législatives comme vient de le proposer Bart De Wever ? Certains s’en sont étonné et même moqué. Or, on peut relever plusieurs bonnes raisons pour voter N-VA lorsqu’on est électeur wallon.

   Pour un Flamand qui vit en Wallonie, c’est une façon de faire sauter le corset qui limite la Flandre au petit territoire que lui attribue la Constitution. La Flandre indépendante pourra ainsi s’étendre sur tout le territoire du royaume. Bien sûr, la nouvelle Flandre n’ira pas de l’Atlantique à l’Oural mais de Knokke jusqu’à Arlon, c’est un bon début. Qui lui permettra d’être (un peu) plus grande sur la carte du monde et surtout d’être identifiée par les voyageurs de l’espace – ce qui était devenu impossible depuis la décision d’éteindre l’éclairage des autoroutes. Une décision suicidaire pour tous ceux qui voulaient que l’univers entier puisse contempler la partie la plus noble de la planète Terre. 

   L’extension de la Flandre entraînera aussi des facilités administratives et de nombreuses économies. Ainsi, on pourra supprimer les gouvernements et parlements wallons et bruxellois, le gouvernement flamand gérant désormais tout le territoire. Rendant aussi inutiles les institutions fédérales. Fini les gabegies, huit ministres de la santé, trois de l’enseignement, trois de la culture, quatre de l’environnement et leurs administrations. 

Bien sûr, avoir un Jambon à la tête de l’état fera quelques mécontents mais au moins voilà un Flamand qui a fait l’effort de porter un nom français, symbolisant la volonté de son parti d’unifier le pays.    

   Cette initiative obligera enfin Wallons et Bruxellois à parler néerlandais, alors qu’ils s’en montrent incapables malgré de longues années de cours.  

  Il y aura sans doute quelques casse-têtes, comme le choix d’une seule fête nationale. La Flandre imposera certainement la sienne, la célébration de la Bataille des Eperons d’Or. Ce qui permettra au passage de rétablir la vérité historique. Si la Bataille de Courtrai a vu la victoire du comte de Flandre sur les troupes du roi de France, on cessera d’occulter le fait qu’il y avait autant de troupes wallonnes à son côté qu’il y avait de Flamands combattant avec les Français…  

  Bien sûr, il y a aussi des ombres au tableau. Si l’initiative de Bart De Wever suscite l’enthousiasme des Wallons, on peut craindre que le Vlaams Belang prenne le train en marche. Et qu’un certain nombre de Wallons, en manque cruel de partis d’extrême droite, adopte ces chenapans propres sur eux mais pas dans leurs têtes. 

  Restera alors aux Wallons à créer un parti facho en Flandre pour siphonner dans le dos du Vlaams belang ses électeurs flamands…      

  Voilà comment voter utile en Absurdie…

www.berenboom.com

UN PEU PEUR

   De quoi a peur Sergueï Lavrov, l’indéboulonnable ministre des Affaires étrangères de Poutine ? Pour que ce vieux diplomate, habitué à pratiquer une langue de bois châtié, se sente acculé à débiter des discours délirants sur la présence de nazis au sommet de l’état ukrainien. Puis obligé de justifier l’absurdité de ses accusations quand on lui fait remarquer que le président Zelensky est juif en balbutiant que les pires antisémites sont précisément juifs. Cela indique que le trouillomètre de ce pauvre Lavrov est sur le point d’exploser. 

 A-t-il à ce point peur de Poutine ? D’une piqure par un parapluie bulgare dans un couloir du Kremlin ? D’une pincée de poison dans le samovar du thé que lui sert sa maman tous les dimanches après le poulet-compote ? 

  Et Poutine ? La frousse doit lui avoir brûlé une partie du cerveau pour déployer une telle sauvagerie auto-destructrice – que restera-t-il de son armée après la guerre d’Ukraine ? 

Etrangement, lui aussi se réfère aux juifs. En dénonçant les sanctions infligées à son pays comme un véritable pogrom. On sait que les juifs ont souffert des Russes (et des Ukrainiens) pendant des siècles. Mais que Vladimir Vladimirovitch présente aujourd’hui son peuple comme des victimes juives, on se frotte les yeux.

   Tout le monde a peur en Russie, sauf un homme, Vladimir Ovtchinnikov, ce vieux peintre qui dessine des colombes sur tous les murs de sa ville, Borovsk. (Rassurez-vous, il a été condamné).   

  Mais il n’y a pas qu’en Russie et en Ukraine que règne la peur. Cet horrible sentiment se généralise sur toute la planète. En Chine, avec ce confinement brutal et inhumain face au covid. Chez nous où l’apocalypse climatique ne terrifie plus seulement les petites filles suédoises. Les deux années d’épidémie et ses mesures exceptionnelles, l’incompréhension devant ce mystérieux virus, sont-elles en partie la cause de cette angoisse ? 

   Regardez aussi la France. Les uns craignent Macron, les autres Le Pen ou Mélenchon. C’est la peur de disparaître qui pousse les uns à s’unir aux Marcheurs, les autres aux Insoumis, pas l’enthousiasme ni les convictions. 

En Flandre, les écolos cherchent un président désespérément. Peur encore d’assumer des responsabilités politiques.      

Une peur au moins est justifiée, la décision probable de la Cour suprême des Etats-Unis de revenir sur la légalisation de l’avortement. Qui ouvre la boîte de Pandore à l’effacement de tous les droits démocratiques si difficilement acquis. 

Si l’on doit craindre non seulement le futur mais aussi le retour vers le passé, où va-t-on ? 

Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi…

Le titre de cette chronique est de Félix F. (5 ans), excellent observateur de l’air du temps. 

www.berenboom.com

ET AVEC CA, EMBALLAGE CADEAU ?

  Dans le monde politique flamand, certains ne comprennent pas que les dirigeants wallons fassent la fine bouche devant la proposition de leur ministre-président d’accorder un prêt à la Wallonie pour tamponner les ravages des inondations.

Un prêt, quelques liasses de billets, qui traînaient sous le matelas et qu’il faudra rembourser plus tard ? La proposition du gouvernement flamand est un peu misérable alors que des citoyens flamands ont montré l’exemple d’une vraie solidarité en donnant leur temps, leurs camions, leur énergie à aider immédiatement les sinistrés dans la détresse.   

Vraiment, il aurait pu faire beaucoup mieux, M. Jambon. Plus généreux, plus fort. Donner plutôt que prêter. Donner quoi ?

La Tour de l’Yser, par exemple. Qui pourrait être démontée pierre par pierre et rebâtie à la place du signal de Botrange, façon de hausser le sommet de la Belgique à 750 m au lieu des bêtes 700 mètres actuels. La tour est moche, c’est entendu, mais en cas d’inondation, quel remarquable abri pour ceux qui auront la bonne idée de s’y réfugier. De plus, ce déménagement entraînera un afflux de nouveaux touristes flamands dans les Fagnes. Tout en débarrassant Dixmude de cet encombrant tas de briques sinistres qui seront remplacées avantageusement par de rutilantes villas quatre façades.

Dans la foulée, la Flandre pourrait aussi refiler à la Wallonie quelques fans du pèlerinage de l’Yser, Tom Van Grieken, le capo du Vlaams Belang, et son compère Dries Van Langenhoven, le duce du mouvement Schild en Vrienden. Ça ne coûtera pas grand-chose à la Flandre, inondée sous le nombre de politicards d’extrême droite, alors que la Wallonie ne parvient pas à en faire pousser un seul – même Zemmour a renoncé à immigrer chez nous. 

Si le sacrifice est trop lourd, la Wallonie se contentera de quelques jolies cabines de plage à installer près des retenues d’eau de nos barrages et que pourront occuper les guetteurs que le gouvernement wallon va recruter pour prévenir les prochaines catastrophes (c’est la meilleure suggestion à retenir des commissions d’enquête sur les inondations).  

La Flandre pourrait aussi proposer à la Wallonie d’accueillir quelques-uns de ses nombreux et brillants artistes, Bart Moeyaert (aïe ! il vit déjà dans le Hainaut), Jan Fabre (heu, c’est un peu touchy), Peter Aspe (flûte ! cet excellent auteur policier vient de nous quitter), Tom Lanoye (on ne le fera pas quitter l’Afrique du sud), Anne Teresa De Kersmaeker (difficile, elle est citoyenne du monde, comme le magnifique poète et romancier Stefan Hertmans.) 

Reste à proposer que le port d’Ostende soit rattaché à la Wallonie, l’autoroute E 40 servant de corridor, mais le précédent de la ville libre de Dantzig entre les deux guerres ne rend pas le projet très excitant…

Et si la Wallonie et la Flandre formaient un état appelé la Belgique, ce ne serait pas une bonne idée ?

www.berenboom.com

TOUS PIQUES !

    Avec l’arrivée des beaux jours, on nous promet celle des vaccins, juré-craché si je mens, je vais en enfer. D’ailleurs, ils sont là, paraît-il. Sagement entreposés dans des super-frigos, comme les cadeaux de Noël fabriqués en été mais qu’il est interdit de déballer avant la nuit-douce nuit sous le sapin. Alors qu’attend-on ? Le premier jour du printemps ? Mais le 21 mars est un dimanche et les vaccinateurs ce jour-là sont en week-end. En semaine, on vaccine de 9h à midi – à condition que les TEC ne soient pas en grève. 

D’autres prétendent qu’il faut attendre que le signal de vrai départ soit donné simultanément par les gouvernements fédéral, wallon, flamand, bruxellois, communautaires, germanophone, celui de la COCOM, de la COCOF, de la COCORICO et tutti quanti. 

A propos, quelqu’un se rappelle qui a la clé de ces foutus frigos ? Car, grmmbl, chacun se rejette la responsabilité. Même que Jan Jambon a dit que si le responsable ne lève pas le doigt tout de suite, tout le monde va être puni.

Bon, on se calme ! répète le ministre de la santé aux huit autres. Il avait d’abord annoncé fièrement que son « team » va faire « reset ». Retombé sur terre (c’est-à-dire en Belgique), il a compris que cet hommage à l’informatique était déplacé vu qu’elle s’est complètement plantée jusqu’ici. L’image des start-up innovantes qui allaient convoquer les citoyens plus vite que leur ombre a pris un sérieux coup dans l’aile.   

La réorganisation de la vaccination s’est évidemment faite à la belge. De façon imaginative mais différente selon les régions. En Wallonie, l’idée de génie est d’avoir décidé d’organiser la vaccination dans les bistrots. Permettant de sauver en même temps la santé des gens et celle de l’Horeca. 

A Bruxelles, le ministre-président avait d’abord annoncé avoir obtenu le consensus de son gouvernement pour que la vaccination se fasse en taxis. On en voit les avantages : pas de file d’attente, pas de difficultés de déplacement pour les personnes à mobilité réduite, et surtout une magnifique compensation pour aider les taximen face à la concurrence déloyale des Uber. Mais très vite, on a entendu des voix discordantes. Alain Maron veut limiter les véhicules autorisées pour la vaccination aux vélo-taxis, Pascal Smets aux véhicules de la STIB et l’opposition libérale veut y associer les Uber. Bon. Je vais trouver un texte de compromis a promis Rudi Vervoort. Sinon, je me rase la moustache. 

En Flandre, la vaccination est réservée aux personnes parlant néerlandais. Seuls celles qui prononcent parfaitement « schild en vriend » sont admis dans les vaccinatiecentra. Celles qui échouent ont droit à six mois de cours de recyclage et à un nouvel essai de vaccination en septembre après examen linguistique. 

Dura lex sed lex, a commenté sobrement Bart De Wever.  

www.berenboom.com

LES ENFANTS MAUDITS DE NAPOLEON

  Il y a un mystère Napoléon. Pourquoi Hitler, Staline, Gengis Khan sont-ils définitivement considérés comme des monstres sanguinaires mais pas Napoléon ?

  Un peu partout dans le monde, des clubs, des écrivains, des collectionneurs continuent d’alimenter le culte du vaincu de Waterloo. Je suis certain que Napoléon a plus de fans qu’Einstein, Martin Luther King et Louis Pasteur réunis. 

  Cette semaine encore, un admirateur russe de l’empereur, historien honorable, a manifesté son enthousiasme pour le grand homme en découpant en morceaux sa compagne – elle-même groupie de Napoléon- en autant de morceaux que l’avait fait leur héros avec l’Europe il y a deux siècles. 

  Ce qui montre les dégâts que peut engendrer une dictature pourtant battue et éliminée de la carte politique longtemps après sa disparition. Il n’y a pas qu’à Saint-Pétersbourg que la folie des tyrans de la belle époque continue de contaminer nos contemporains, un peu comme la maladie qui a frappé les archéologues découvrant le tombeau de Toutânkhamon avant de tomber comme des mouches. 

 On voit ces temps-ci l’effloraison des graines semées par les régimes les plus odieux de l’histoire.

Qui aurait pu penser que le premier parti d’Italie clamerait son admiration pour Mussolini alors que ses électeurs ont été bercés par des cinéastes, des écrivains, qui ont démonté l’horreur de ce régime et les dégâts qu’il a causés pas seulement sur les âmes, mais même sur l’économie du pays ? Bassani, Silone, Ginzburg, Primo Levi, Carlo Levi, Monicelli, de Sica, les Taviani, réveillez-vous, ils sont devenus fous !  

Et voyez les dernières élections en Allemagne, en Espagne.  

 Ainsi que chez nous, en Flandre, où a vu débarquer au parlement une tripotée de jeunes néo-fascistes, la bouche en coeur. Pour les combattre, le nouveau ministre-président (qui s’est approprié le portefeuille de la culture) n’a rien trouvé de mieux que d’étouffer financièrement artistes et créateurs. Ces artistes qui ont fait briller la Flandre dans toute l’Europe. Le « canon » flamand brandi il y a quelques semaines est déjà dans les patates ! Seul espoir, que ses collègues ne se laissent pas enfumer par le Jambon ! 

    Avec l’accélération de l’amnésie politique, on n’ose pas imaginer à quoi ressemblera le deuxième mandat du président Trump ! Pour autant que la littérature serve encore à réveiller les lecteurs, on conseillera de lire cette joyeuse et terrifiante uchronie de Philip Roth « Le Complot contre l’Amérique ». 

On en profitera pour vous faire acheter aussi le plus beau roman italien de cette année, « Tous, sauf moi » de Francesca Melandri, superbe plongée dans le Rome actuel (confrontée à l’immigration) avec en parallèle le souvenir de la conquête barbare de l’Ethiopie par les troupes du Duce. Le tout à glisser sous le sapin !  

www.berenboom.com

JE SUIS SAINT NICOLAS

A l’heure où j’écris, le suspense est total : Saint Nicolas sera-t-il en mesure cette année de descendre dans les cheminées des bambins de Belgique ? Rien n’est moins sûr. Dès son retour d’Afrique, le premier ministre va réunir le kern. D’ores et déjà, Jan Jambon, les jumelles à la main, scrute l’horizon. Celui-là, il n’arrête jamais de courir d’une calamité à l’autre. Quelle idée pour un nationaliste flamingant de s’égarer dans un gouvernement fédéral ! C’est l’enfer. Bart le lui avait dit. Mais il a voulu n’en faire qu’à sa tête.

Récit d’une catastrophe annoncée.

Comme on le sait, notre grand saint vient de Turquie, plus précisément de Patar d’où il voulait s’embarquer. Qu’il oublie le bateau. Le port, célèbre dans l’Antiquité, est devenu un marais. Les rennes ? Dans la Turquie d’Erdogan, les militaires tirent d’abord et réfléchissent ensuite. Dès que l’attelage se pointera dans le ciel immaculé de Lycie, les rennes se feront mitrailler comme de vulgaires partisans de Fethullah Gülen. Hop ! à la casserole !

Reste l’avion ? Oui, mais. Pour quitter l’Anatolie, il faut désormais montrer patte blanche. Pour le dire brièvement, on vous cirez les pompes d’Erdogan ou les ennuis vous dégringolent sur la tête.

Saint Nicolas ne semble pas terriblement hallal. Pour le dire autrement, il n’a pas le profil d’un électeur moyen de l’AKP. Il a plutôt l’air d’un ténor d’opéra enroulé dans le rideau de scène. Or, les artistes, le régime s’en méfie. Comme des intellectuels, des journalistes, des chômeurs, des femmes, etc.

Seul moyen alors pour Saint Nicolas d’arriver à temps, embarquer clandestinement sur une de ces coquilles de noix qui font la traversée vers l’Europe. Avec le risque que les autres passagers, Syriens, Somaliens, opposants turcs, jettent à l’eau ce vieux barbu, qui prend tellement de place avec ses gros sacs pleins de cadeaux et de douceurs alors qu’eux ont tout abandonné sur la grève.

On voit le risque pour le gouvernement. Si le patron des écoliers est jeté dans les geôles turques, qu’il coule en Méditerranée ou que les douaniers grecs ou italiens l’enferment comme un vulgaire réfugié dans un de leurs camps immondes, qui gâtera les petits dans la nuit du 5 décembre ? Père Fouettard ?

Charles Michel, qui avait réussi à fermer la porte aux questions communautaires, va voir celles-ci rentrer par la fenêtre ou plutôt par la cheminée.

En effet, le maître de la Flandre, Bart De Wever, soutient mordicus le maintien de la tradition du Zwarte Piet. Alors que tout ce qui compte de politiquement correct au sud demande son interdiction.

Ne reste qu’une solution avant que le gouvernement ne saute : embarquer Saint Nicolas dans la valise diplomatique. Et ne pas oublier de percer des trous pour qu’il arrive plus ou moins en bon état !

www.berenboom.com

 

EN MÊME TEMPS

Pendant la campagne présidentielle, on s’est beaucoup moqué du tic d’Emmanuel Macron, truffant ses discours de « en même temps ». Qui trop embrasse mal étreint, prédisait-on. Il dit tout et son contraire ! Or, l’expression de Macron était peut-être tout simplement la traduction française de la formule qu’on enseigne dans les écoles de commerce et de gestion : privilégiez le « win-win ».

Le win-win est devenu le remède à tous nos maux, plus seulement dans la vente d’aspirateurs. En politique, Churchill avait galvanisé la population britannique face aux nazis en promettant « du sang et des larmes ». Depuis, cette méthode est passée de mode et détruit qui ose l’employer. On a vu le sort des politiciens grecs quand ils ont tenté de convaincre leurs citoyens de se serrer la ceinture et le reste avec un revolver (euro-allemand) sur la tempe. Balayés. Comme Gorbatchev avec sa « glasnost » lorsqu’il a voulu rendre le régime communiste transparent. En voyant à quoi ressemblait vraiment leur société et leur économie, les Russes l’ont immédiatement éliminé, lui et son parti.

De nos jours, il faut que l’électeur se sente gagnant pour que l’homme ou la femme politique le soit aussi. C’est ça le truc magique de Macron. Les riches vont être plus riches et vous, les pauvres, vous le deviendrez aussi grâce au ruissellement d’or d’en haut vers en bas.

Cette même théorie qu’il tente de fourguer maintenant aux Allemands. Plus de pouvoir aux autorités européennes, c’est « en même temps » plus de prospérité pour tous les pays de l’Union. Ce qu’on traduit à Berlin par : plus de taxes en Allemagne, plus d’argent allemand se perd dans les poches trouées des états du sud et de l’est de l’Union.

La formule du « en même temps » gagnant s’est mondialisée. En Birmanie, les dictateurs militaires ont réussi « en même temps » à glisser Aung San Suu Kyi au gouvernement et à poursuivre la répression cruelle des Rohyngias.

En Arabie saoudite, les femmes ont désormais le droit de conduire leur bagnole mais, en même temps, l’obligation de porter le niqab – la preuve va être assez vite apportée que les femmes tuent plus que les hommes au volant.

Chez nous, aussi le « en même temps » a été adopté par le gouvernement Michel. « Nous menons une politique migratoire ferme mais humaine » a déclaré le premier ministre devant un portrait de Théo Francken, entouré de bougies. « Humaine » parce que nous ouvrons nos parcs aux réfugiés. Et ferme puisque, avec l’arrivée de l’automne, nous les renvoyons dans les prisons du Soudan chauffées aux fers rouges.

Pourquoi Charles Michel n’appliquerait pas aussi cette règle à son secrétaire d’état ? Humain : il ne renvoie pas Théo en Flandre. Ferme : il intervertit ses fonctions avec celles de Pieter De Crem. Pieter qui ?

www.berenboom.com

THEO RAME MAIS NE SE REND PAS

C’est le milieu de la nuit. Une silhouette furtive se faufile dans les rues silencieuses de Bastogne. Soudain, elle se fige, surprise par la lumière violente d’un bar dont la porte vient de s’ouvrir. Un bref écho de musique. Christine and the Queen. L’homme fait la grimace. The Queen, il n’aime pas. The King non plus. Il regrette les chants patriotiques flamands. On n’en trouve pas en Wallonie ou si difficilement. Avant que la porte ne se referme, on a pu distinguer son visage, blême, les yeux rouges. Un lapin surpris par les phares d’une auto. Son cœur bat la chamade (il déteste ce mot, tellement français, le titre d’un roman de Françoise Sagan que son prof l’a obligé à lire. Il les hait, son prof, cette Sagan, les livres en général et le roi, la reine, la Belgique, trop cosmopolite comme cette musique de pays qui n’apportent aucune plus-value à la Flandre). La porte se referme et il reprend sa route. Il se retrouve devant une petite mare. L’eau est noire comme l’enfer, aussi tentante que les bras de cette jolie Tyrolienne à la culotte de peau dont il admirait la blancheur l’été dernier. La chair blonde, l’eau noire. Il est perturbé. Mais il résiste à son appel. La maison qu’il cherche n’est plus très loin.

Ah ! La voilà ! Il sonne. Une dame enveloppée dans un peignoir, mal réveillée, entrouvre la porte. « C’est pour Benoît » dit-il. Elle le laisse entrer, le conduit dans le salon. Le président des humanistes le rejoint en pyjama.

« Théo ? s’écrie Lutgen. On te croyait en fuite.

  • J’ai entendu ça, ricane Théo Francken. On a même raconté que j’ai filé en Syrie. Moi, chez les Islamistes ?

  • Que fais-tu ici ?

L’ancien secrétaire d’état déchu baisse la tête.

  • J’ai été chassé de mon parti parce que je n’étais pas assez dur avec les migrants et du gouvernement parce que j’étais trop dur… Faut savoir ! …

  • Pas les migrants, les réfugiés, corrige Lutgen.

  • Le réfugié c’est moi ! Bart m’a coupé la tête, Charles Michel a eu ma peau. Et Laurette veut… je ne te dis pas ce qu’elle veut… Le Vlaams Belang m’invective parce ma politique menace la pureté de la race flamande. Moi, qui suis membre de l’Amicale des anciens Kollaborateurs. Après un soupir, il ajoute à mi-voix : eux aussi m’ont exclu. Et Bob Maes m’a renvoyé mon cadeau d’anniversaire. (Il ne peut retenir ses larmes) Ma vie est un chaos. Être obligé de fuir mon vaderland tant aimé. Le monde est devenu fou.

  • Comment as-tu réussi à arriver à Bastogne ?

  • Un passeur m’a fait cracher une fortune pour m’emmener jusqu’en Wallonie et un autre pour me conduire jusqu’à l’entrée de ta ville. Peux-tu peux me loger en attendant ma régularisation ?

  • Logé ? Il faut t’offrir l’hôtel, peut-être ?

  • Non, non. Une petite tente plutôt. Paraît que c’est le comble du confort.

www.berenboom.com