ADAM & EVE – LE RETOUR

  Semaine noire pour les femmes. Pas seulement pour Kamala Harris. Je pense à une autre femme en détresse cette semaine, Ahou Daryaei, étudiante en littérature française à l’Université Azad de Téhéran.

    Estimant qu’elle portait des vêtements inappropriés (voile noir, vêtements amples, le code vestimentaire des étudiantes est terriblement et atrocement codé en Iran), les agents de sécurité les ont déchirés. Réaction d’Ahou Daryaei. Elle s’est complètement déshabillée puis a tranquillement arpenté les escaliers de l’université en sous-vêtements, soutien-gorge et petite culotte. Ce spectacle insolite a été immortalisé par une vidéo amateur, de même que son arrestation musclée quelques minutes plus tard. 

Elle aurait été rouée de coups et gravement blessée. Ce qui rappelle la mort d’une autre étudiante en septembre 2022, Mahsa Amini, emmenée et tuée dans les locaux de la police sous prétexte d’un voile mal ajusté. 

  Etrangement, en visionnant la courte vidéo, on a l’impression que personne ne parait remarquer la déambulation de cette femme presque nue. Des étudiants et étudiantes continuent à discuter entre eux, d’autres passent sans se retourner. Personne ne va au-devant d’elle, ne l’entoure, ne l’interroge. La peur, la peur, voilà comment survit ce régime.     

   On s’étonne que tant de beaux esprits qui chez nous s’offusquent, au nom de la liberté et des droits humains, que le port du voile soit limité dans certaines fonctions publiques n’ont jamais émis la moindre critique à propos du sort des femmes en Iran, Afghanistan (et d’autres pays musulmans comme l’Arabie saoudite) ni ne se solidarisent avec celles qui ont l’audace de se révolter contre l’obligation de se déguiser sous des chasubles noires. Au risque de leur vie.

   Quelles femmes, pourtant ! Parmi elles, Nasrine Sotoudeh, avocate arrêtée à plusieurs reprises depuis une dizaine d’années sous l’accusation grotesque notamment de complicités avec les services secrets étrangers ou d’atteinte à la sûreté de l’état iranien, prix Sakharov. Elle qui avait défendu devant les tribunaux plusieurs femmes qui refusaient de porter le voile. 

Ou Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix l’an dernier, qui purge une peine de seize ans de prison à la terrible prison d’Evin. Pour avoir lutté contre l’abolition de la peine de mort. Celle-ci vient justement de saluer Ahou Daryaei, qui a, écrit-elle, « utilisé son corps comme symbole de rébellion contre la misogynie » du régime iranien. « Je demande sa libération et la fin de l’oppression et du harcèlement des femmes » a-t-elle ajouté. 

   Adam et Eve ont quitté bras dessus bras dessous le jardin d’Eden, payant le prix de la malbouffe. Des siècles plus tard, Adam se venge sur Eve de tous ses propres péchés. 

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L’ENFER, C’EST LES AUTRES

    L’Office des étrangers n’aime pas les intellectuels. Dès que l’un d’eux pointe le nez, venu d’Afrique ou d’Asie, il est immédiatement enfermé. Emmener en Belgique du foie gras, du textile chinois ou de l’argent, ça va. Mais des idées, surtout pas. Les cerveaux doivent rester de l’autre côté de la frontière. En débarquant à Zaventem, venant de Kinshasa, un étudiant congolais s’attendait à rejoindre un kot à Louvain-la-Neuve, pas à passer ses nuits dans un centre fermé alors qu’il avait reçu de notre ambassadeur au Congo un visa en bonne et due forme et que l’UCL avait confirmé son inscription. Il a fallu une levée de boucliers de tous les recteurs et des associations étudiantes ainsi qu’une intervention du président congolais en personne pour que les fonctionnaires blindés de l’Office ne daignent lui accorder le séjour (provisoirement…) 

   Certains déplorent que des machines remplacent peu à peu les fonctionnaires. S’agissant de l’accueil des étrangers en Belgique, on se dit qu’un robot se montrerait plus humain. Et plus rationnel… 

   Une chercheuse thaïlandaise vient de connaître la même mésaventure. Dès sa descente d’avion, alors qu’elle était invitée pour une courte visite de travail, sous l’égide du responsable en spectroscopie atomique et nucléaire de l’Université de Liège, avec l’approbation de l’agence fédérale nucléaire belge, elle a été emmenée fissa dans une des charmantes chambres d’un centre fermé des environs. Le lendemain, elle a choisi de retourner à Bangkok, où le gouvernement militaire est drôlement plus accueillant avec les voyageurs belges, même les savants. En apprenant cette histoire, le professeur Tournesol en a avalé son pendule. 

   Quelle mouche a une nouvelle fois piqué l’Office ? Est-ce la fin prochaine du nucléaire qui a fait paraître suspect ce voyage ? 

   Ou faut-il y voir la main du secrétaire d’état à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, qui s’efforce mois après mois de faire regretter son prédécesseur, l’aimable Théo Francken ? On a surtout l’impression que M. Mahdi doit faire oublier à ses électeurs et ses amis politiques l’accueil dont a bénéficié son père, réfugié en Belgique où il s’est marié à une jolie Flamande. Ou est-ce sa façon d’encourager le mariage des nouveaux arrivants avec les indigènes ? 

   Mon père aussi a immigré en Belgique. A une époque révolue où l’on ne rejetait pas les réfugiés à l’amer, où on ne les laissait pas mourir de faim et de froid dans les rues, où les fonctionnaires ne les humiliaient pas, où on ne les piégeait pas par des mensonges quand ils faisaient la grève de la faim. Une époque où la Belgique n’était pas condamnée pour sa politique par les instances internationales. Mais où elle s’enrichissait de l’apport intellectuel, de la force de travail, de tous ces étrangers chassés de chez eux et reconnaissants envers leur terre d’asile.

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