Mon livre préféré quand j’étais enfant racontait l’histoire des trois petits cochons. Signé de Walt Disney, on y voyait un grand méchant loup effrayant avec des yeux immenses et un museau de crocodile, d’où s’échappaient quelques gouttes de bave. Ce que j’aimais surtout – parce que c’était l’image qui m’effrayait le plus – c’était la scène où le grand méchant loup soufflait la baraque en paille et en bois des deux premiers petits cochons. Sur le point de passer à la casserole, ils échappaient de peu au loup dans la maison en brique construite par le troisième.
Les habitants des Philippines n’ont pas eu cette chance. En brique, en béton, en bambou ou en bois, tout a été emporté comme fétus de paille par un Eole en rage.
« Décampe! Tu reviens sous le courroux des dieux!” crie le dieu furieux à Ulysse rejeté sur le rivage de son île – sous la plume d’Homère.
Combien de dizaine de milliers de morts en quelques minutes ? On ne le saura jamais. Juste un solide coup de vent courant à la vitesse d’une BMW M6, pas plus. Entre temps, on discutait à Varsovie des mesures à prendre pour le réchauffement climatique, étant entendu que chacun exigeait que ce soit son voisin ou mieux encore, le voisin de son voisin qui prenne les mesures les plus difficiles pour empêcher les prochaines générations de devoir émigrer sur une autre planète lorsque l’atmosphère de la nôtre aura été soufflée comme jadis celle de Mars, tel le chapeau des Dupondt, emporté par le khamsin dans le désert au pays de l’Or noir. Le pétrole justement, source de la colère des dieux et de leur bronchite, dont on a dit qu’il a boosté la civilisation mais qui pourtant est en passe de la faire périr…
Je songeais au sort de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, de cette nation balayée pour des dizaines d’années en écoutant à la radio le reportage d’un envoyé spécial. Revenu sur antenne, le présentateur enchaîna sans transition avec la séparation de Jean Dujardin et de sa compagne. Interview, commentaire atterré de l’acteur. Le sujet prit le même temps que celui consacré au typhon, au dénuement des survivants, à l’impuissance des secours. Ce jour-là, le débat qui suivait le journal portait sur la légalité de l’arrestation d’un député régional, soupçonné de meurtre. Faut-il ou non lever son immunité parlementaire ? Voilà ce qui retenait tous les commentaires. Pas la victime, comme le relevait judicieusement Pierre Mertens. Les mortes, décidément, ici et là, seules ou en masse, n’ont pas de chance avec l’info. Faut faire sexy maintenant pour maintenir l’audience et la pub. Être dans le chaud, l’immédiat. C’est vrai que la mort, ce n’est pas très sexy, même celle de notre planète. Et surtout trop lent pour intéresser les auditeurs.
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