LA VRAIE HÉROÏNE DE L’ARIZONA

   C’est une drôle d’impression. Après un si long accouchement, la naissance d’un Arizona sans nana. Ou presque. Il y a tout de même une femme. Qui est évidemment chargée de faire le ménage de tous les immigrés et autres demandeurs d’asile. Une femme une fois de plus pour nettoyer le pays des migrants. Le sale boulot. Une ministre dont on attend qu’elle montre plus de testostérone que l’ensemble des mâles qui composent le kern cabinet. 

   Les femmes ne sont pas totalement absentes du programme qu’ont signé les négociateurs, un bouquin aussi épais, parfois sibyllin et inquiétant que « Crime et Châtiment ». Mais les lacunes à leur sujet en disent plus long qu’un discours. Ainsi, la question de la loi relative à l’avortement n’a droit qu’à quelques lignes obscures. Rédigées sans doute à la fin de la nuit par quelques hommes endormis. Seule mais étrange attention aux femmes dans le programme, la légalisation annoncée des mères porteuses. Où va-t-on ? A moins que la mesure a été prise pour des raisons fiscales. Puisqu’on a décidé de taxer les plus-values, on imposera ces naissances comme on le fera pour la revente des actions. 

On attendait pourtant qu’avec le titre dont s’est fièrement baptisée la coalition, les femmes soient davantage mises à l’honneur. La plus célèbre héroïne de l’Arizona était en effet une femme, Calamity Jane. Une redoutable créature qui a décimé pas mal d’indigènes en compagnie du général Custer. Un duel entre la plus fameuse tireuse de l’Ouest et le plus renommé dézingueur du Nord aurait constitué un spectacle de choix pour entamer le nouveau quart du vingt et unième siècle. 

On pourrait d’ailleurs s’inspirer de la terrible éclaireuse du général Custer pour faire passer sans trop de polémique une autre mesure inattendue, l’uniforme des fonctionnaires. Pour assurer la neutralité dans les services publics et éviter les polémiques autour des « signes convictionnels », nos nouveaux gouvernants envisagent d’introduire un uniforme ou un « code vestimentaire » dans les administrations. Voilà où la référence à l’Arizona va prendre tout son sens. L’habit de Calamity Jane pourrait constituer un modèle adéquat qui ne fera pas polémique puisqu’il est déjà entré dans la légende. Avouez que si votre contrôleur des contributions ou votre employée communale vous reçoit vêtue d’un pantalon en daim avec ceinturon et veste à franges, vous ne songerez pas un instant à discuter ses ordres ou ses demandes. Exactement ce qu’attend de vous Bart De Wever. 

   Mais, qu’il se méfie. En oubliant le rôle essentiel des femmes dans un gouvernement, il risque de les retrouver dans la rue. Avec le printemps, on pourrait fêter les concerts de casseroles… 

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BXL DESTROY

Quand un ministre se plante, ce n’est jamais parce qu’il a fait une erreur –jamais. C’est à cause d’un défaut de communication. Ses collaborateurs ont mal expliqué son action, déformé ses propos. Dans son for intérieur, il pense surtout que les citoyens n’ont rien compris. Sont pas toujours malins, malins, les citoyens.

L’effondrement de l’économie dans le centre de Bruxelles, son image dégradée ? La capitale aussi est victime d’une mauvaise communication. La réalité est beaucoup moins noire que ne le racontent ces sacrés journalistes. Et les gens adorent gémir. De quoi se plaint-on ? Le métro ne roule plus depuis un mois en soirée alors qu’à Paris, il fonctionnait dès le lendemain des attentats ? Et alors ? Pas de métro est bon pour l’économie : cela oblige les gens à faire appel aux taxis qui justement se plaignaient de la concurrence d’Uber. Voilà la preuve qu’un secteur peut être sauvé par la crise sécuritaire. D’un mal, on fait un bien.

L’effondrement des tunnels, du viaduc ? Un autre exemple de mauvaise communication. Quel buzz aurait pu faire la région en transformant toutes ces catastrophes en opportunités, mieux en spectacles. Au lieu de décourager les automobilistes de traverser la ville et d’effrayer les touristes en jumelant Bruxelles avec Alep, un office de tourisme audacieux aurait dû fabriquer un événement : Bruxelles vous offre en direct la destruction de ses ouvrages d’art. On aurait installé des chaises devant le tunnel Stéphanie, devant Montgomery ! On attend la nuit, l’éclairage public éteint, pendant que retentit Wagner, crac, tout s’effondre ! Un show catastrophe magnifique avec son et lumières – et un peu de poussières d’amiante, sans doute mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.

Les séances de la Chambre aussi auraient pu être métamorphosées en attractions, avec vente de tickets, boissons et photos dédicacés. Au lieu de cacher honteusement M. Jambon dans une petite salle de commission, il fallait l’exhiber à Forest national, organiser un face à face avec l’opposition en s’inspirant de « Règlement de comptes à OK Corral ». Avec de la poudre, de l’adrénaline, le bon, la brute et le truand.

Et Jacqueline Galant ? On avait sous la main Cat Ballou, Ma Dalton et Calamity Jane réunies et on l’a laissée partir sur la pointe de ses petits pieds ? Alors que, sur la scène, faisant face à une bande de cow-boys bien décidés à l’abattre, on aurait joué à bureaux fermés. Personne n’a pensé à ça ? C’est à s’arracher les cheveux !

La preuve une fois de plus de la place insignifiante de la culture en Belgique et du mépris dans lequel la tiennent les politiques. Alda Greoli a du pain sur la planche mais est-elle prête à mettre l’imagination au pouvoir ?

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LE BON, LA BRUTE, ET LE TRUAND

 

Vous vous souvenez d’Eli Wallach ? C’était lui le Truand dans le célèbre film de Sergio Leone. A 98 ans, il vient de quitter Hollywood pour Dieu sait où, nous laissant seuls avec le Bon, Clint Eastwood, lonesome cowboy, toujours vaillant. La Brute (Lee Van Cleef) avait déjà disparu.

Des trois, c’était évidemment le Truand le plus intéressant. Le bon et la brute, faits d’une pièce, étaient plutôt ennuyeux. Faux derche, pervers malsain, burlesque, attachant et effrayant à la fois, Eli Wallach avait composé un de ces personnages hénaurme, à la Falstaff, qui illuminent l’imaginaire.

Juste le genre de type que le shérif Philippe devrait sortir de son chapeau. Le démineur idéal dans le paysage ravagé de la politique belge, ce village western où des deux côtés de la rue, chacun tire plus vite que son ombre. Mais trouver un acteur de cette trempe, un tel tempérament, c’est rare, très rare.

Dans le rôle du bon et de la brute, le choix est facile. Bart De Wever et Benoît Lutgen sont tout désignés. D’autant qu’ils peuvent jouer indifféremment l’un ou l’autre rôle, et même les deux à la fois. En Bébé Cadum ou en Joë Dalton, Bart et Benoît n’ont guère de rivaux. Mais pour tenir le premier rôle, les prétendants ne se bousculent pas. Il faut bien plus de caractère, de folie, de sournoiserie graveleuse. Être capable de jouer le roi et son fou en même temps. Seul le Truand est fait pour l’emploi de Premier, personne d’autre. Il n’y a que lui pour tenir la baraque ensemble alors que la tempête arrache toit et châssis, pour empêcher la diligence de verser pendant l’attaque des Indiens tandis que les chevaux foncent, le mors aux dents. Pour présider tranquillement le saloon au milieu des bagarres, faire le coup de feu final et enlever la belle serveuse. Qui d’autre peut promettre aux uns et aux autres la même chose et son contraire ? S’enivrer à mort tout en jurant sur les cendres de sa mère qu’il n’a jamais touché une goutte d’alcool ? Le tout sous les applaudissements du public.

Pour incarner un tel personnage, Benoît n’a pas le coffre et Bart pas assez de folie.

Elio alors ou Charles Michel ? Le problème de ce casting c’est qu’on ne voit Elio que dans le rôle du roi et Charles dans celui du fou. Ni l’un ni l’autre ne sont capables d’interpréter les deux rôles en même temps, condition essentielle pour incarner un parfait Truand. Wouter Beke est assez lisse pour se glisser dans la peau du bon, Kriss Peeters assez faux derche pour être une brute tout à fait crédible. Peter De Crem parfait dans le rôle du cadavre, tombé par hasard sous le tir croisé des deux autres. Mais un truand, non. Aucun d’eux n’a le coffre.

Une femme alors dans le rôle de Calamity Jane ? Pourquoi pas ? Saloon Belgium recherche femme désespérément.

 

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