DES PETITS TROUS, TOUJOURS DES PETITS TROUS…

Paraît qu’ils veulent faire un grand trou aux Marolles pour y mettre les bagnoles qui passent par là. Désolé, on vend de tout au Vieux Marché, de faux Magritte, des vrais trombones à coulisses, de fausses Licorne à moins qu’elles ne soient vraies. Mais, des bagnoles, non. Et on a besoin de paix pour boire sa pintje tranquillement sur la place du Jeu de Balles avant de repartir à la chasse aux trésors. Sans engins de destruction massive. Alors, smeirlap, pas touche au Vieux Marché, asteblieve ! Puute van de koech ! Et tes mains chez toi !

Non mais… Qu’est-ce qui leur prend aux édiles de ravager Bruxelles toutes les quelques années ? Et cela dure depuis cent ans. Cent ans de destructions, toujours pour un mieux, hein ? Sauf que, quand les travaux pharaoniques sont finis, ceux qui les ont subis ne sont plus là pour en profiter. Faillis, déplacés, morts. Et la génération suivante des habitants non plus. Parce que la génération suivante des politiques s’est mise à son tour en tête de nettoyer ce que ses prédécesseurs avaient bêtement laissé debout…

De la démolition du centre populaire entre l’actuelle gare Centrale et la gare du Midi par la construction de la Jonction à l’éradication du merveilleux Mont des Arts. Et à la re-destruction du centre populaire des environs de la gare du Nord pour le remplacer par un quartier qui sera comme New York, si, si, on vous le garantit, le Manhattantje. Ah ! Les beaux discours sur l’urbanisme de demain agitant l’image lyrico-pompeuse d’un Brussels on Hudson de ces politiciens faussement modernes, Van den Boeynants, Cudell et de leurs amis entrepreneurs-spéculateurs ! Résultat, trente ans de friches entre le canal et la place Rogier (à nouveau en plein travaux), l’allure de Dresde après le bombardement et, finalement, une série de tours immondes, énergivores, inhumaines et déjà obsolètes.

Pendant ce temps, la construction d’un viaduc ravageait tout sur son passage entre Rogier et la Basilique, puis rebelote quelques années plus tard avec la destruction de cette passerelle rouillée et rebelote encore avec un nouveau trou pour y glisser ce qu’on appelait fièrement le plus long tunnel de ville. Avec toutes ces « installations », pas besoin de chercher un musée d’art contemporain à Bruxelles, il est dans la rue…

Passons sur la destruction de toutes ces vieilles choses, telle la Maison du Peuple de Horta, magnifique cathédrale laïque, que le parti socialiste a fait raser pour laisser bâtir à la place une tour trapue qui abritait le ministre de la culture ! C’était évidemment l’époque où la mode était à la culture Ceausescu…

Si vous percevez dans ce billet de la rage pour ne pas dire de la bave aux lèvres, vous ne vous trompez pas ! Le ketje de Bruxelles aime sa ville comme la fritte aime la mayonnaise.

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RENCONTRER ALAIN BERENBOOM

_ le mardi 21 octobre à 18 h30 avec Monique Toussaint, à la librairie Chapitre XII au 12, avenue des Klauwaerts (étangs d’XL)

_ le jeudi 24 octobre à 20h30 au CCLJ, au 52, rue de l’hôtel des monnaies 1060 St-Gilles en compagnie d’Eric Hollander

_ le mardi 5 novembre à 18h15 à la Librairie Filigranes, 39 avenue des Arts

_ le jeudi 14 novembre à 18h00 à la librairie Libris, à Louvain-la-Neuve en compagnie de Dominique Costermans

 

L’ATTAQUE DU TRAM 90

 Lorsque j’étais petit, pour me rendre à l’athénée, je prenais le tram 90 chaque matin, sous les marronniers du boulevard Louis Schmidt.

J’avais beaucoup de mal à descendre place Meiser, d’abandonner les autres passagers, qui avaient la chance, eux, de poursuivre leur route vers l’inconnu. Dans quelles contrées mystérieuses s’enfonçait le tram 90 ? J’étais un lecteur fervent de romans et de B.D. d’aventure, de très mauvaises lectures pour les ados, soit dit en passant. J’imaginais en effet que, débarrassé de moi, le tram traversait une espèce de jungle peuplée d’animaux bizarres et inquiétants avant d’aborder de hauts plateaux battus par les vents, fonçant à toute vitesse pour échapper aux sauvages qui guettaient son passage, avant de regagner les zones civilisées près de son terminus, gare du Nord puis place Rogier. Je voyais les affreux se jeter sur la voiture de tête, tirer la flèche qui assurait l’alimentation électrique du convoi avant de s’abattre sur les voyageurs terrorisés. Et moi qui ratais ça ! Moi, qui aurais pu devenir un héros en sauvant le tram 90 des mains des indigènes avant de le conduire jusqu’à son terminus tandis que le wattman se remettait de ses émotions avec une bonne pils. Certes, une plaque métallique indiquait « Ne crachez pas, S.V.P.-Niet spuwen, A.U.B » mais elle ne concernait pas le personnel roulant qui avait le droit de ne pas cracher sur une petite bière. Pour célébrer mes exploits, j’aurais reçu une médaille de la S.T.I.B., remise par le bourgmestre de Bruxelles en grand uniforme : « A Alain, la S.T.I.B. reconnaissante ». Après, il m’aurait laissé jouer avec son épée.

Macache ! Tandis que le tram quittait les zones habitées, moi, je m’épuisais sur une version latine ou d’incompréhensibles formules algébriques, moi dont le talent aurait été si utile ailleurs. La vie est mal faite. Mais, la ville si pleine de surprises, de mystères envoûtants.

Bruxelles n’a pas tellement changé depuis cette époque. Les sauvages, hélas, ne peuvent plus tirer la flèche par la fenêtre arrière du tram pour entendre le receveur hurler au wattman: « Jef ! De flêch’ is af ! » Et à nous : « Smeirlap ! A pûte van de couch ! Sortez une fois de ma plateforme ! »

Mais la jungle est encore plus épaisse que jadis avec une régiontje à géométrie variable selon l’interlocuteur, découpée en dix-neuf morceaux de tartes qui se marchent sur les pieds, trois organes rien que pour faire entrer la culture dans la tête des Bruxellois, la COCON, la COCOM et le clou, la COCOF, dont les finances sont aussi à sec qu’un rio du Nouveau Mexique mais qui dispose d’un parlement de septante-deux membres. Des ministres en veux-tu en-voilà et près de 90 parlementaires régionaux relevant de douze étiquettes politiques différentes !

Le pillage des voyageurs pour Bruxelles n’est donc pas terminé !

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FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES 2013

Alain Berenboom participera à la Nocturne du Polar vendredi 8 mars à partir de 19 h avec notamment Philippe Kerr, Barbara Abel, Nadine Monfils, Thomas Cook, etc.

Il sera au débat du journal Le Soir le dimanche 10 mars de 12h à 13h face à face avec l’humoriste M. Kishka – débat sous la direction de Jean-François Lauwens

Signatures – stand des éditions Genèse,

  • samedi de 11 à 12h
  • dimanche de 13 à 15h

ARC EN CIEL

On dit qu’en cherchant un peu au pied d’un arc en ciel, on trouve un pot d’or. Pourquoi la Wallonie n’y a-t-elle pas pensé plus tôt ? Les Sud-Africains, qui croient davantage que nous dans les contes et les rêves, n’ont pas seulement trouvé de l’or mais aussi des diamants, de l’uranium et même de l’antimoine (un excellent contrepoison aux déclarations de Benoit XVI sur le sida.)
Et, dans quelques jours, ils vont aussi décrocher la timbale avec le mondial de football. Alors que nous, on n’a rien trouvé de mieux que de faire revenir Conceiçao au Standard.
Faut dire que question castagne, on n’a rien à apprendre aux sud Africains. Si on peut se vanter de la guerre de la marmite à la fin du dix-huitième siècle et de celle du fritkot de la place Flagey, eux peuvent afficher les guerres des Boers, les guerres des cafres, les guerres des Zoulous. Excusez du peu. Même la tentative de rattachement à Bruxelles des six communes à facilités ne peut être comparée au rattachement forcé du Transvaal et de l’état libre d’Orange à l’Union. Dans nos communes, on parle français, dans les leurs, une espèce de néerlandais…
Il y a tout de même un truc en Afrique du sud dont on ferait bien de s’inspirer : la commission Vérité et Réconciliation, créée à la fin de l’apartheid. Une belle invention dans le genre judéo-chrétien: celui qui reconnaît publiquement ses torts reçoit un petit chocolat. Un peu comme si on offrait à Bart De Wever le poste de premier ministre après qu’il ait renoncé au confédéralisme, à la circulaire Peeters, au Wooncode et signé lui-même la convocation en français des électeurs de Linkebeek.
Grâce à une commission de réconciliation belge, on verrait défiler devant les écrans enfin réunifiés de la RTBF et de la VRT l’ensemble des hommes et femmes politiques qui ont plongé notre doux pays dans le coma. On entendra la confession d’Elio sur ses croche-pieds à Louis Michel, de Louis Michel à propos des boules puantes lancées dans le bureau de Didier Reynders.
Hélas, la confession publique et télévisée paraît très difficile à importer chez nous. Jean-Michel Javaux n’avoue ses turpitudes qu’à monseigneur Léonard, au « Soir » et à « La Dernière Heure ». Quant aux autres, comme ils le répètent chaque jour, ils n’ont jamais eu tort, jamais dit de bêtises, jamais fait de conneries. Sauf Joëlle Milquet qui était prête à parler mais qui ne veut pas perturber ses enfants.
Reste à espérer que l’on découvre bientôt, dans notre nouveau parlement, qui sait ? des hommes et des femmes de la stature de Helen Zille, de Desmond Tutu ou de Nelson Mandela…

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GAME OVER

Que faire perdu dans un aéroport lointain, prisonnier d’une valise de vingt kilos, en compagnie de deux enfants et d’un couple d’amis ? Des amis ? Disons de vagues relations avec lesquels, après un dîner sympathique, on s’est embarqué sans réfléchir pour sept jours all inclusive –on nage ensemble, on mange ensemble, on dort ensemble et on parle ensemble même quand on n’a rien à se dire, juste comme autour de la table de Leterme. Une semaine à faire semblant -on est civilisé- à tenir bon en décomptant les jours, les heures. Soudain, la délivrance ! Taxi, en route vers l’aéroport ! On se revoit à Bruxelles ? Très vite ! Promis ! Et soudain, en arrivant dans le hall au milieu d’une foule en folie, on apprend que ces amis, on est collé à eux pour des heures, des jours, des mois, peut-être pour le restant de notre vie.
Nous n’avons jamais réussi à atteindre le comptoir de la compagnie. Six cent voyageurs forment un rempart autrement efficace que la défense du Standard.
Les hôtels pris d’assaut, bus et voitures introuvables. Saigon, la veille de l’entrée des troupes communistes.
C’est alors que nos excellents amis ont imaginé un jeu : le premier qui dénoue le casse-tête de B.H.V. a gagné. La meilleure rédaction sera envoyée par mail au roi et aux gamins qui commencent à fatiguer. C’est pas comme nous, ils ne reviennent pas de vacances.
On s’y est tous mis. Y compris les enfants. Mes amis m’ont épaté, je l’avoue. Pendant que des milliers de Belges s’égosillaient égoïstement à écraser leurs voisins pour embarquer les premiers pour Zaventem (arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, soit dit en passant), nous, on se dévouait pour la chose publique.
Moi, j’avais élaboré un projet qui faisait de Bruxelles-national (propriété d’une société australienne) et de Brussels south (sous la dictature d’un Irlandais) une entité nouvelle où l’on ne parlerait qu’anglais (le reflet de la situation sur le terrain) et dont la tutelle serait exercée par deux gouverneurs, nommés par Canberra et Dublin. Les enfants ont imaginé de rattacher les six communes à facilités à Plopsaland (version originale flamande mais avec sous-titres français). Ma femme a suggéré de défiscaliser les magasins de luxe du Brabant flamand en échange de l’abandon des facilités.
Nous étions assez fiers de nous quand nous nous sommes aperçus qu’un autre passager, qui avait observé le résultat de nos cogitations au-dessus de nos épaules, a soudain renoncé à attendre son vol pour rejoindre Bruxelles au plus vite. J’ai cru reconnaître Alexander De Croo. L’air drôlement pressé. Et incroyablement inquiet. Eh, monsieur De Croo ! Ce n’était qu’un jeu ! Alexander, reviens, ils vont te rendre fou ! Trop tard. Il avait déjà disparu.

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VRAIMENT RIEN A DECLARER ?

Qu’est-ce qui évoque mieux les vacances que l’aéroport ? Ah ! Le ring quand surgit enfin cette indication exotique sur fond blanc : Zaventem, suivi du dessin d’un avion qui se crashe. En route pour Zaventem, c’est déjà un peu se glisser vers ailleurs. Les embouteillages au milieu des fumées des camions polonais ou croates, la queue pour atteindre l’aérogare, la queue pour s’enregistrer, la queue pour le café, un avant-goût de ce qui vous attend à la montagne ou à la mer. La dé-ten-te ! Et la queue pour le passage devant le policier fédéral de faction. Affronter son regard, son grognement devant vos papiers puis ce geste si doux de la main qui signifie : bonnes vacances ! Ou quelque chose d’approchant. Vous êtes passé, vous voilà dans la zone de transit. Un coup d’œil derrière votre épaule. Soulagement. Derrière vous, une famille genre qu’a pas l’air de chez nous et sur laquelle se jette le fonctionnaire zélé va retenir la file un sacré temps.
Vous pensiez en avoir fini ? Avant la queue pour montrer sa carte d’embarquement et la queue pour monter à bord, n’oubliez pas la queue devant les portiques de sécurité. Aussi dépaysant qu’un séjour à la prison de Forest ou au centre fermé de Vottem : enlevez votre montre, ôtez votre ceinture, déchaussez-vous ! Votre portefeuille dans un bac, avec vos bagues, et vos dents en or. Oh ! Au passage, le portique, décidément facétieux, a décidé de lâcher un joyeux ding, ding ? Tous les regards se braquent sur vous. Les flics relèvent la tête. Les autres passagers s’écartent, un peu inquiets. Direction, la cabine, s’il vous plaît (un gardien de l’ordre dit toujours s’il vous plaît, vous avez remarqué ?) Déshabillage en règle devant un bonhomme qui parcourt votre corps d’un air méfiant avec un appareil type compteur Geiger pour vérifier que vous n’êtes pas une bombe nucléaire vivante, qui va faire exploser dans trois minutes Zaventem waar Vlamingent thuis zijn.
Enfin ! Votre fauteuil dans l’avion ! A peine avez-vous fermé les yeux qu’un signal intempestif vous impose la séance de démonstration des consignes de sécurité. Si l’appareil plonge dans la mer, si la cabine est soudain dépressurisée, si le feu se déclare, si.. Excusez-moi, on peut sortir ? Oui, mais seulement entre deux gendarmes car qui voudrait abandonner la route tant enviée des vacances sinon un dangereux terroriste ?
Voilà le sort d’un bon Bruxellois de souche. Alors, songez comment les robots qui peuplent l’office des étrangers accueille un étudiant d’origine camerounaise, pressé de revenir en Belgique où il a brillamment réussi quatre années de polytechnique ?

Alain Berenboom
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