YACK ! YACK ! YACK !

  Le voyage officiel de Vladimir Poutine en Mongolie confirme une évidence que beaucoup de juristes feignent d’ignorer : le droit international est comme le droit de la guerre un oxymore, aussi utile pour régler une situation illégale qu’un marchand de frites qui voit passer un délinquant devant son kiosque. Encore que dans ce dernier cas, le marchand peut lui balancer de l’huile bouillante au passage, ce que le président mongol n’avait manifestement pas sous la main. Ce qui prouve qu’un mandat d’arrêt délivré par le Cour pénale internationale est aussi efficace que d’accrocher une plaque « chien méchant » à l’entrée de l’Hippodrome de Boitsfort (dans lequel nos nombreux amis canins gambadent librement entre joggers et cyclistes). 

On sent que Poutine commence à étouffer au Kremlin. Cela fait trop longtemps qu’il tourne en rond dans son palais. Et qu’il a soif de voir du pays.    

Rassuré par son séjour à Oulan-Bator, après un petit tour à dos de yack, en ricanant, le président russe pourra donc passer un de ces prochains week-ends à Budapest sans se faire trop de mouron. Depuis longtemps, la Perle du Danube a pour lui les yeux de Chimène. Avant de songer à réaliser son rêve de toujours, une visite à Bruxelles. 

Pas de danger de mettre les pieds dans notre capitale ? Soyez rassurés, monsieur le président. Vous ne risquez pas d’être arrêté au pied de l’Atomium. 

Faute de ministre de l’Intérieur en exercice et de ministre des Affaires étrangères (laquelle a quitté son ministère – en tram – pour siéger à la commission européenne), qui aurait le pouvoir d’exhiber un document venant de Hollande vous désignant comme l’ennemi public n°1 ? Dieu seul sait où est passé ce fichu papelard. Pour autant qu’on ait deviné qui avait le pouvoir de signer le recommandé venant de La Haye. L’aurait-on par erreur envoyé à un des gouvernements régionaux, peut-être communautaires, faute d’interlocuteurs en fonction au fédéral ? Allez savoir. 

Et Bart De Wever ? C’est la deuxième fois en quelques jours qu’on lui a promis-juré qu’il serait premier ministre. En attendant, il n’est encore personne tant qu’il n’a pas convaincu ses joyeux partenaires qu’il est l’homme providentiel et prêté serment devant le Roi des Belges en concluant que « l’union fait la force » – « eendracht maakt macht ».

Pour un city-trip aux Etats-Unis, Poutine voudra bien patienter jusqu’en janvier, après l’entrée en fonction de Donald Trump. Quoique, en attendant, il pourrait débarquer impunément à New-York pour se rendre à la tribune de l’ONU comme Fidel Castro en septembre 1960 sans que les autorités américaines ne lèvent le petit doigt.   

Néanmoins, je serais Poutine, je me souviendrais d’un proverbe mongol : « la porte fermée, on est empereur dans son royaume ».

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BRUXELLES, MA BELLE …

Pour sa première visite sur le vieux continent, le président Biden a choisi une seule étape. Mais doit-on se réjouir que Bruxelles s’affiche comme capitale de l’Europe ?

Cette désignation ne figure pourtant pas dans le traité de Rome de 1957. On a souvent accusé le gouvernement belge de l’époque de sa passivité et de son manque d’initiative pour expliquer cette carence dans l’acte fondateur. Ne faut-il pas plutôt se demander si le premier ministre Achille Van Acker et son ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, ont eu la prescience de ce qui attendait notre bonne ville le jour où elle paraderait comme le nombril de l’Europe.

Dans l’opinion publique, aucune ville n’a acquis plus mauvaise réputation que notre pauvre cité. Tout ce qui va mal, déplaît, ne fonctionne pas, ce n’est jamais la faute des chefs d’état réunis en Conseil ni celle de la Commission, encore moins du Parlement. C’est toujours la « faute à Bruxelles ». 

Un Bruxelles imaginaire puisque ni ses habitants, ni même les autorités en surnombre qui gèrent la Région et la ville n’ont la moindre influence sur ces fameuses décisions, règlements, directives, qui pointent Bruxelles en bouc-émissaire de toutes les frustrations politiques du continent.

Pour les Bruxellois, l’Europe a le visage d’une série de citadelles inaccessibles coupées de la vraie vie dans lesquelles travaillent des fonctionnaires qui n’ont aucun lien avec les citoyens du cru et qui sont enviés ou détestés pour leurs privilèges, notamment fiscaux. 

La seule image que les Bruxellois ont de ce « Bruxelles » que l’Europe maudit, ce sont ces tours sans âme, ces quartiers déserts la nuit (et les mois de covid), ces forêts de béton glauque, qui ont éliminé des quartiers entiers du Bruxelles d’avant. L’Europe, ce sont aussi les embouteillages inextricables que provoque chaque sommet ou chaque visite d’un hôte soi-disant prestigieux. (Et là, on est injuste car les responsables régionaux de la mobilité sont largement responsables de ces blocages et de la guerre entre utilisateurs des voies publiques, socialistes et verts se disputant les électeurs « doux »  à coup de mesures contre l’auto et pour le vélo sans aucune coordination, sans plan de circulation, sans cohérence sinon de brandir leurs trophées : j’ai osé imposer le 30 km, j’ai fait circuler les cyclistes dans les sens uniques, j’ai fait des piétonniers, j’ai fermé des rues, fait s’écrouler des tunnels, j’ai beaucoup embêté les automobilistes, etc).

Ces visiteurs internationaux qui paradent à Bruxelles, ne croyez pas que l’on peut les voir. Il faut les protéger par des bataillons de flics de l’amour que voudraient leur manifester les Bruxellois. Idéalement, les eurocrates rêveraient que Bruxelles soit vidée de ses résidents depuis que l’Europe a décidé de l’occuper, comme les Khmers rouges ont repoussé les habitants de leur capitale dans les campagnes. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de campagne en Belgique… 

Et que les artères de notre prestigieuse capitale sont tellement sous pression grâce à notre exemplaire politique de mobilité que même si des extra-terrestres hostiles débarquent à Bruxelles, évacuer la ville durera trois mois. Ce qui est sans danger, il est vrai, s’il apparaît que ces extra-terrestres n’ont envie que de bouffer des cuisses d’eurocrates… 

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MUSEE DU CHAT ET DU CARTOON

   Que l’architecte du nouveau musée de la place Royale prenne garde à ce que son bâtiment ne dépasse pas les autres ; au contraire, qu’il le fasse le plus petit, discret, caché si c’est possible. En Belgique, on n’aime pas les têtes qui dépassent surtout quand elles ne sont pas encore au fond du cercueil… 

Le tort de Philippe Geluck est ne pas avoir attendu d’être mort pour créer son musée. C’est bien le seul reproche qu’on peut lui adresser. Car n’est-il pas de la plus haute importance de célébrer l’humour à Bruxelles, l’absurde et le non-sens ? 

C’est quoi ces moues de dédain devant un musée du dessin d’humour ? Le traditionnel mépris des faux intellectuels devant les œuvres qui font rire ? 

Peut-être faut-il rappeler que de son vivant, Magritte avait lui aussi connu le dénigrement de beaucoup de critiques d’art en Belgique et en France. 

Le dessin d’humour ne serait pas de l’art ? Il est particulièrement important de rappeler le rôle de la Belgique en la matière. Avec le développement d’une presse satirique dès l’indépendance et surtout sous Napoléon III (avec La Cigale, l’Espiègle, etc). Et en France à la même époque, où les caricaturistes se déchaînent avec d’autant plus de verve que l’empereur avait aussi peu d’humour que son oncle (celui qui se grattait vainement le ventre sans parvenir à se faire rire). 

Daumier, Granville, ce ne serait pas des artistes ? Parmi les plus grands du 19 ème siècle. Comme Félicien Rops, lui aussi d’abord caricaturiste de génie. 

La magie du dessin d’humour est d’être un témoin irremplaçable de son temps. La France petite-bourgeoise des années cinquante et soixante, c’est Tati mais aussi Dubout puis Sempé. Celle de la fin du vingtième siècle et du début du vingt et unième, ce sont les dessinateurs de Charlie, Reiser, Cabu, Riss, Charb qui en laissent la plus pertinente photographie. 

Pour ceux qui ne comprennent rien à la Belgique d’aujourd’hui, ni à la sixième réforme de l’état (rassurez-vous, les politiciens non plus), ni à la disparition du musée d’art moderne (parce qu’il est fédéral, qu’il n’y a pas de budget pour les musées fédéraux et que le ministre en charge ne veut pas que la Région puisse exposer un seul tableau qu’il préfère laisser dans les caisses) il n’y a que les dessinateurs d’humour pour guide dans ce long tunnel, Kroll, De Moor, Gal ou Vadot. Ce ne seraient pas des artistes majeurs ? Non, peut-être ! Et avant eux, Picha ou Nicole van Goethem ?

Je pourrais aussi évoquer les artistes américains, ils sont si nombreux à avoir déchiffré le ventre de l’Amérique. Je voudrais aussi rappeler que le dessin d’humour, la caricature, sont en danger. Physique (les attentats contre Charlie-Hebdo ou contre les dessinateurs danois) mais aussi politique avec une censure insidieuse qui gangrène de de plus le monde intellectuel et politique. Ce qui signifie que la création d’un musée du dessin d’humour est plus que jamais une nécessité pour la survie de la civilisation… 

Alain Berenboom 

TOUS PIQUES !

    Avec l’arrivée des beaux jours, on nous promet celle des vaccins, juré-craché si je mens, je vais en enfer. D’ailleurs, ils sont là, paraît-il. Sagement entreposés dans des super-frigos, comme les cadeaux de Noël fabriqués en été mais qu’il est interdit de déballer avant la nuit-douce nuit sous le sapin. Alors qu’attend-on ? Le premier jour du printemps ? Mais le 21 mars est un dimanche et les vaccinateurs ce jour-là sont en week-end. En semaine, on vaccine de 9h à midi – à condition que les TEC ne soient pas en grève. 

D’autres prétendent qu’il faut attendre que le signal de vrai départ soit donné simultanément par les gouvernements fédéral, wallon, flamand, bruxellois, communautaires, germanophone, celui de la COCOM, de la COCOF, de la COCORICO et tutti quanti. 

A propos, quelqu’un se rappelle qui a la clé de ces foutus frigos ? Car, grmmbl, chacun se rejette la responsabilité. Même que Jan Jambon a dit que si le responsable ne lève pas le doigt tout de suite, tout le monde va être puni.

Bon, on se calme ! répète le ministre de la santé aux huit autres. Il avait d’abord annoncé fièrement que son « team » va faire « reset ». Retombé sur terre (c’est-à-dire en Belgique), il a compris que cet hommage à l’informatique était déplacé vu qu’elle s’est complètement plantée jusqu’ici. L’image des start-up innovantes qui allaient convoquer les citoyens plus vite que leur ombre a pris un sérieux coup dans l’aile.   

La réorganisation de la vaccination s’est évidemment faite à la belge. De façon imaginative mais différente selon les régions. En Wallonie, l’idée de génie est d’avoir décidé d’organiser la vaccination dans les bistrots. Permettant de sauver en même temps la santé des gens et celle de l’Horeca. 

A Bruxelles, le ministre-président avait d’abord annoncé avoir obtenu le consensus de son gouvernement pour que la vaccination se fasse en taxis. On en voit les avantages : pas de file d’attente, pas de difficultés de déplacement pour les personnes à mobilité réduite, et surtout une magnifique compensation pour aider les taximen face à la concurrence déloyale des Uber. Mais très vite, on a entendu des voix discordantes. Alain Maron veut limiter les véhicules autorisées pour la vaccination aux vélo-taxis, Pascal Smets aux véhicules de la STIB et l’opposition libérale veut y associer les Uber. Bon. Je vais trouver un texte de compromis a promis Rudi Vervoort. Sinon, je me rase la moustache. 

En Flandre, la vaccination est réservée aux personnes parlant néerlandais. Seuls celles qui prononcent parfaitement « schild en vriend » sont admis dans les vaccinatiecentra. Celles qui échouent ont droit à six mois de cours de recyclage et à un nouvel essai de vaccination en septembre après examen linguistique. 

Dura lex sed lex, a commenté sobrement Bart De Wever.  

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DES VERTES ET DES PAS MÛRES

Il était sans doute naïf le ministre Alain Maron, l’autre soir qui croyait frapper un beau coup  en annonçant que la Région bruxelloise allait acheter des terres agricoles sur le territoire des deux autres régions voisines, pour y installer de braves agriculteurs bio qui apporteraient tous les dimanches leurs beaux produits sur le marché de Boitsfort. 

Mais cette proposition, qui lui a valu beaucoup de quolibets,  est peut-être moins incongrue qu’il n’y paraît. 

D’abord, le Ministre sera à coup sûr plus efficace dans la culture du quinoa que dans le sauvetage des maisons de repos. Pourquoi pas d’ailleurs faire d’une pierre deux coups et envoyer les survivants de ces mouroirs dans les nouveaux kolkhozes de Maron ? Bon air, nourriture saine, que du bonheur. 

Autre avantage de l’opération : elle permet d’augmenter sournoisement le territoire de la Région. En poussant la logique jusqu’au bout, si Bruxelles rachète peu à peu toutes les terres de Wallonie et de Flandre, c’en sera fini de cette régionalisation dont on a mesuré les pesanteurs et les ratés pendant la pandémie. L’on reconstituera ainsi un seul pays, Super- Bruxelles, faux nez de la Belgique unie. 

En revanche, si l’idée de ce brave Maron est vraiment de remettre les Bruxellois à la culture, la seule, la vraie, pourquoi ne pas transformer la plus grande partie de la capitale en terre agricole ? Réalisant ainsi le vieux projet d’Alphonse Allais qui voulait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur.

Son collègue, Pascal Smet, qui se pavanait jadis en bicyclette pendant que les tunnels de la capitale s’écroulaient derrière lui, est devenu maintenant le chantre des immeubles-tours. Il aurait convaincu Rudi Vervoort, le ministre-président, de se laisser tenter par ce retour à une politique qu’on croyait morte et enterrée avec Paul Vanden Boeynants. 

Ainsi, ce projet d’écraser le Sablon avec un nouvel immeuble tour (celui qui a remplacé la Maison du Peuple et défiguré ce coin de Bruxelles ne suffisait donc pas ?) à l’endroit même où on avait rêvé un moment de la création d’un musée Cobra. 

Renonçons à ce projet indigeste et mettons un kolkhoze bio à la place ! Ainsi que sur ces terres abandonnées que sont les terre-pleins de l’avenue Roosevelt. Du bio, du bio ! 

Le projet Maron pourrait servir aussi à changer radicalement l’image de certaines communes de la Région. En rasant la moitié de Molenbeek, on pourrait partager la commune en deux, Molenbeek-les-Bains, le long du canal, et Molenbeek-les-champs au-delà. La commune deviendrait ainsi un exemple dans le monde de réhabilitation ecolo-urbaine. 

Comme le disait La Fontaine dans « Le laboureur et ses enfants », Travaillez, Prenez de la peine :/ C’est le fonds qui manque le moins…  

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CE N’EST PAS EN 20 QU’ON CRIE DANS LES RUES !

  Que sait-on déjà de 2020, sinon que l’année a commencé dans le brouillard ?

   Seule certitude à l’agenda, le cocktail organisé à Washington au soir du 3 novembre pour fêter le nouveau président des Etats-Unis. Mais bien malin qui pourra deviner le nom de l’heureux invitant et des invités. Sauf un, Kim Jong-un. Il a déjà promis d’être présent auprès de son ami Donald dont il est certain de la victoire (car il n’a jamais entendu parler d’une élection dont on ne connait pas le résultat à l’avance). Il viendra avec un cadeau explosif et une nouvelle coupe de cheveux. Comme Kim a peur de l’avion et qu’il ne se déplace qu’en train blindé, il compte se mettre en route dans les prochains jours. Rien d’imprévu à attendre donc de sa part. Surtout rien d’imprévu.  

 C’est ça le problème des tyrans, ils sont incapables d’offrir de temps en temps une surprise à leurs peuples. On sait déjà qu’il n’y aura pas de chinoiseries électorales en Chine, que les lendemains seront byzantins en Turquie et les résultats électoraux déjà imprimés en Russie comme en Iran. Mauvais calcul, messieurs. Les gens ont besoin d’air frais depuis qu’ils ont pris conscience que la planète a commencé dangereusement à se réchauffer.

   Vous ne vous êtes pas aperçus que ça bouge drôlement depuis quelque temps ?  Pas vu tous ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se sont mis à descendre dans les rues ? Du Chili au Soudan, de Hong Kong à Bruxelles, d’Alger à Paris, les causes semblent différentes, climat, misère, liberté et démocratie ou bêtement prix du diesel. Mais elles ont confusément le même point commun : une méfiance grandissante dans le fonctionnement des institutions de leur pays, dans leurs dirigeants, et leur capacité à désembourber la société. 

   Lorsque Carlos Ghosn s’enfuit de Tokyo parce qu’il se méfie – non sans raison- de l’indépendance de la justice japonaise, il est dans l’air du temps. Mais il a peut-être choisi une dangereuse destination parce qu’à Beyrouth aussi, ça tangue, ça tangue, ça tangue énormément ! 

   A sa place, j’embarquerais au plus vite, toutes voiles dehors, avec Greta Thunberg. Pour sillonner les océans avant que leurs flots ne recouvrent à nouveau les continents. Vous imaginez cette belle image, l’ancien patron tout puissant de Renault-Nissan-Mitsubishi errant sur l’Atlantique sans une goutte de pétrole – sauf une petite bouteille nécessaire pour se lisser les cheveux- en compagnie de la petite sirène de Stockholm! 

   Pendant la longue traversée, Greta aura le temps de rattraper son année sabbatique. Carlos  lui refilera ses cours de l’Ecole Polytechnique. En échange, elle lui apprendra le ba-ba des règles de protection de la planète. Ainsi que l’art de maîtriser les medias. 

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UN EXCELLENT CALMENT

Le mot de l’hiver dernier était « vortex ». Personne n’en a vraiment compris la signification mais comme Vortex évoque pour les uns le nom d’un horrible espion russe dans un film de super-héros et pour les autres une substance explosive fort appréciée des terroristes, on a saisi que le vortex n’annonçait rien de bon. En effet, les frimas de février dernier ont donné un avant-goût de la glaciation qui nous attend lorsque le gulf-stream prendra le large.
Cet hiver, le nom en vedette, c’est Jeanne Calment.
Jusqu’ici la doyenne des Françaises – morte à l’âge de 120 ans il y a quelques années – renvoyait l’image de la France éternelle, quelque part entre le paysage tranquille de la campagne avec fond de clocher et braves paysans « de chez nous » et les pubs de la mère Denis (une autre mamie qui avait connu le succès dans des clips de machines à laver, en répétant « c’est bien vrai, ça » exemple de la sagesse du bon peuple d’en-bas).
Mais, patatras, voilà qu’on subodore que la mère Calment n’est pas la mère calmée mais sa fille. Qui aurait pris la place de sa maman pour continuer à percevoir sa pension.
Est-ce vraiment une coïncidence si cette bombe explose au moment où cette même France d’en-bas, dont elle était le symbole, s’est mise à contester chaque samedi les institutions et les fondamentaux du système politique de nos voisins ? Il n’y a donc plus rien qui tienne debout dans l’Hexagone si même cette icône qui ramenait une bouffée du bon temps de jadis pour apaiser les tourments d’aujourd’hui se révèle une contrefaçon.
Chez nous, les choses commencent aussi à sentir le roussi. Notre Jeanne Calment à nous s’appelle Didier Reynders. Un homme qui a connu la Belgique d’avant la N-VA. D’avant même la troisième réforme de l’état ! Il s’en va lui aussi chercher le calme ailleurs. Mais en nous laissant un message paradoxal.
D’une part, il nous abandonne, dit-il, pour Strasbourg et le Conseil de l’Europe. De l’autre, il annonce que les libéraux de Bruxelles peuvent compter sur lui et qu’il va les mener, drapeau au vent.
On sait que l’homme a plusieurs tours dans son sac. Et des cartes plein les manches. Mais comment va-t-il à la fois vivre dans les deux capitales de l’Europe ? Chargera-t-il un faux Reynders de diriger Bruxelles ? Va-t-il se faire représenter à Strasbourg par un clone ? Une doublure ? Laurette Onkelinx justement a du loisir. Et, si ça se trouve, un goût pour le travesti. Ou Daniel Bacquelaine qui doit en avoir plein les bottes de la pension à poings (dans la figure).
A moins qu’il ne fasse appel à la technologie moderne, dont s’était déjà servi Jean-Luc Mélenchon pour animer des débats simultanés dans plusieurs villes françaises ?
2019, on le voit, commence sur les chapeaux de roue. Sûr que c’est une année où l’on va s’amuser…

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BOUM!

En lisant le communiqué des quatre ministres de l’énergie, on a eu peur. Heureusement, notre cher Premier, coaché par son ami Bart (comme Trump par Steve Bannon), a remis nos bonnes centrales au milieu du village. Ouf !

Et, puisqu’on est reparti pour un siècle (sauf catastrophe), ne devrait-on pas parler de la répartition des centrales nucléaires sur le territoire ?

La Flandre et la Wallonie ont chacune la leur. Doel et Tihange. Et Bruxelles ? Pourquoi la région capitale n’aurait-elle pas à son tour une belle Westinghouse ?

Westinghouse… Cette marque résonne dans mes souvenirs avec un mélange de nostalgie et de jalousie. Ma maman avait convaincu mon père de lui offrir dans les années cinquante un beau frigo Westinghouse. Cette gigantesque machine a trôné dans sa minuscule cuisine pendant au moins vingt ans. Si elle avait dû choisir (genre : qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?), elle n’aurait pas hésité une seconde. Elle le chérissait, le chouchoutait bien plus souvent que moi. Et son frigo le lui rendait bien. Jamais capricieux, jamais en panne malgré ses micro-fissures, toujours un peu froid mais serviable et aimant.

Ma mère n’a heureusement pas connu le rachat de la vénérable entreprise par les Japonais de Toshiba en 2006. Toshiba, le constructeur de deux des réacteurs de Fukushima.

Et, comme une catastrophe n’arrive jamais seule, voilà que Westinghouse est tombée en faillite il y a quelques mois. Depuis, ses curateurs essayent fébrilement de trouver un amateur pour racheter la boîte. N’est-ce pas une magnifique opportunité pour le gouvernement bruxellois ? Et qui tombe à pic.

L’occasion pour Rudi Vervoort et son gouvernement de bras cassés de faire oublier tous leurs bêtes déboires dans la gestion de la capitale (tunnels, stade, et autres détails).

La région wallonne avait donné l’exemple en reprenant avec la FN d’Herstal, le fleuron US des armes à feu, Browning. Le succès économique n’est peut-être pas évident mais quel succès médiatique. FN est l’entreprise préférée des membres de l’association américaine des armes, tels le tueur fou de Las Vegas ou l’officier américain qui a tué treize personnes sur une base de l’armée au Texas.

Que les contribuables bruxellois rachètent Westinghouse comme les contribuables wallons ont racheté Browning, avouez que, pour la prochaine campagne, ça en jette.

Pour une fois, ce sont les Flamands qui envieront la capitale. Doel date de 1974 alors qu’elle disposera d’une centrale flambant neuve. Qui battra un autre record de la centrale flamande : de toutes les centrales construites en Europe, Doel est celle qui est située dans la région la plus peuplée (neuf millions d’habitants dans un rayon de moins de cent kilomètres). Avec notre centrale de Molenbeek, d’Uccle ou de Saint-Josse, c’est plus de dix millions d’habitants qu’il faudra évacuer.

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CASSEZ LA VOIE

On ne remerciera jamais assez les agents des TEC. Voilà des Belges respectueux de la régionalisation du pays et qui prennent bien soin, à chacune de leurs grèves, de n’emmerder que les Wallons. Tous les Wallons. Mais rien que les Wallons.

Ce sont bien les seuls de toute l’Europe, de toute la planète, qui ne descendent jamais à Bruxelles pour crier, casser et pire si affinités. Même leurs bus ne viennent pas polluer nos rues vu qu’ils restent la plus grande partie de l’année sagement rangés au garage.

Alors que les indépendantistes catalans, les ex-sidérurgistes lorrains, les agriculteurs allemands et français, les fans de foot marocain, les enragés du R.S.C. d’Anderlecht, les Kurdes, les opposants russes, les groupies de Vargass 92, la star de Snapchat (vous suivez ?) sont attirés par la capitale belgo-européano-flamande comme les rats par le fromage. Même les Anonymous s’en viennent protester bras dessus, bras dessous dans les rues de la capitale, ce qui est un peu paradoxal. Mais est-ce plus logique de casser les vitrines de la place de la Monnaie pour faire la fête à une vedette des réseaux sociaux ? A Bruxelles, la différence entre réel et virtuel tend à s’estomper. Façon de prouver qu’elle est une ville high tech, une cité du futur. Même si les embouteillages, les tunnels en ruines et les chantiers de travaux interminables nous font heureusement bien vite retomber sur terre.

Il faut vraiment être coincé pour ne pas venir casser sa voix à Bruxelles. Les habitants de Bali ont renoncé à défiler dans le quartier européen pour dénoncer le réveil du volcan Agung à cause de la fermeture de l’aéroport. Les astronautes de la Station Spatiale Internationale n’ont pas réussi à décrocher l’autorisation d’atterrir pour avertir Jan Jambon de l’invasion imminente des Martiens tant que les négociations entre le fédéral et les trois régions sur le survol de Bruxelles ne sont pas clôturées, que le Conseil d’Etat n’a pas donné son avis, ceci sous réserve des recours des habitants devant les tribunaux.

Quant aux fans de Johnny Halliday, assommés par la disparition de leur idole, ils sabotent le voyage à Bruxelles parce que le père du chanteur qui l’avait abandonné à sa naissance y est enterré.

Tout le monde défile à Bruxelles sauf les Bruxellois. Quelle que soit leur origine, ils sont les seuls à ne pas arpenter la ville au pas de Loi. Eux, ils préfèrent flâner et admirer les facettes extravagantes de cette cité folle, mal foutue et délirante qu’ils aiment tant.

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Ps : Allez plutôt défiler devant la magnifique et hilarante collection de cartoons de nos meilleurs artistes réunie sous le titre « Belgium Art Cetera » qui revisite l’histoire de l’art belge. Jusque fin janvier au Musée Belvue.

VOTEZ EXCENTRIQUE

La campagne britannique pour le Remain est mal partie parce que ses partisans l’ont axée uniquement sur l’économie. Personne n’a jamais réussi à mobiliser les électeurs en agitant des chiffres, même s’ils paraissent effrayants. Depuis 2008, le plus ignare des citoyens a compris ce qu’il faut penser des prévisions économiques en général et de la compétence des experts en particulier.

Beaucoup d’Anglais ont la conviction que le Brexit ne portera pas atteinte à leur petite vie tranquille, à leurs manufactures et à leurs vacances sur le continent. Et qu’une fois lâchées les amarres qui les liaient à la capitale de l’Europe, ils récupéreront leur capacité à rêver autrement. Ils gardent en mémoire Waterloo, à un jet de pierres de Bruxelles, leur plus belle victoire. Malgré la sortie de l’Union, leurs hooligans continueront de librement circuler lors des prochains euros de foot où son équipe sera toujours invitée. Et ses produits, de toute façon fabriqués en Chine, porteront l’étiquette « made in Ireland » pour éviter les droits de douane, comme les textiles sortis des ateliers de Moldavie portent impunément la mention « made in Italy ».

En l’absence des Anglais, l’Union européenne sera toujours aussi extravagante. Avec une monnaie en principe commune mais qui n’a pas la même valeur à Berlin ou à Athènes et des parlementaires aussi utiles et influents que les membres du parlement iranien ou kazakh. Le Bulgare et le Hollandais ne semblent pas appartenir à la même entité, avoir le même niveau de vie, obéir aux mêmes règles, avoir les mêmes aspirations. Et les règles élémentaires de la démocratie, semblables à Londres et à Bruxelles, sont en revanche tout à fait différentes à Budapest et à Varsovie. Seuls les plombiers polonais sont devenus de vrais Européens.

Voilà ce qu’on aurait dû vendre aux adversaires du Brexit. En flattant le goût de beaucoup de Britanniques pour les excentricités. On ne l’a pas assez souligné pendant la campagne du « oui », l’Europe est à un vrai vivier pour les amateurs de créations absurdes, les fans du docteur Frankenstein (l’œuvre d’une Anglaise, bien sûr, Mary Shelley).

Si on y réfléchit calmement, ce sont les aficionados de Descartes qui devraient fuir ce micmac au plus vite, pas les amateurs des Monty Python, de Laurence Sterne et de Swift. Ce n’est pas à la Grande-Bretagne de déserter une entité politique aussi absurde mais à la France, qui se pique d’agir au nom de la raison. Quoique Malherbe écrivait déjà, prémonitoire, « laisse-moi, raison importune ».

Pour renforcer le camp du « oui », il est urgent que les dirigeants européens s’unissent pour promettre aux Anglais, s’ils acceptent de rester avec nous, encore plus de folies, plus de chaos et plus de décisions incompréhensibles.

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