Il était sans doute naïf le ministre Alain Maron, l’autre soir qui croyait frapper un beau coup en annonçant que la Région bruxelloise allait acheter des terres agricoles sur le territoire des deux autres régions voisines, pour y installer de braves agriculteurs bio qui apporteraient tous les dimanches leurs beaux produits sur le marché de Boitsfort.
Mais cette proposition, qui lui a valu beaucoup de quolibets, est peut-être moins incongrue qu’il n’y paraît.
D’abord, le Ministre sera à coup sûr plus efficace dans la culture du quinoa que dans le sauvetage des maisons de repos. Pourquoi pas d’ailleurs faire d’une pierre deux coups et envoyer les survivants de ces mouroirs dans les nouveaux kolkhozes de Maron ? Bon air, nourriture saine, que du bonheur.
Autre avantage de l’opération : elle permet d’augmenter sournoisement le territoire de la Région. En poussant la logique jusqu’au bout, si Bruxelles rachète peu à peu toutes les terres de Wallonie et de Flandre, c’en sera fini de cette régionalisation dont on a mesuré les pesanteurs et les ratés pendant la pandémie. L’on reconstituera ainsi un seul pays, Super- Bruxelles, faux nez de la Belgique unie.
En revanche, si l’idée de ce brave Maron est vraiment de remettre les Bruxellois à la culture, la seule, la vraie, pourquoi ne pas transformer la plus grande partie de la capitale en terre agricole ? Réalisant ainsi le vieux projet d’Alphonse Allais qui voulait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur.
Son collègue, Pascal Smet, qui se pavanait jadis en bicyclette pendant que les tunnels de la capitale s’écroulaient derrière lui, est devenu maintenant le chantre des immeubles-tours. Il aurait convaincu Rudi Vervoort, le ministre-président, de se laisser tenter par ce retour à une politique qu’on croyait morte et enterrée avec Paul Vanden Boeynants.
Ainsi, ce projet d’écraser le Sablon avec un nouvel immeuble tour (celui qui a remplacé la Maison du Peuple et défiguré ce coin de Bruxelles ne suffisait donc pas ?) à l’endroit même où on avait rêvé un moment de la création d’un musée Cobra.
Renonçons à ce projet indigeste et mettons un kolkhoze bio à la place ! Ainsi que sur ces terres abandonnées que sont les terre-pleins de l’avenue Roosevelt. Du bio, du bio !
Le projet Maron pourrait servir aussi à changer radicalement l’image de certaines communes de la Région. En rasant la moitié de Molenbeek, on pourrait partager la commune en deux, Molenbeek-les-Bains, le long du canal, et Molenbeek-les-champs au-delà. La commune deviendrait ainsi un exemple dans le monde de réhabilitation ecolo-urbaine.
Comme le disait La Fontaine dans « Le laboureur et ses enfants », Travaillez, Prenez de la peine :/ C’est le fonds qui manque le moins…
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