20000 BACI

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que Claudia Cardinale, Sophie Loren, Lucia Bosè, Ottavia Piccolo, Stefania Sandrelli, Giulietta Masina, Valeria Bruni-Tedeschi. 

  Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce qu’une bonne partie des Italiens ont élu et aimé Berlusconi pendant vingt ans.

Pourquoi j’aime l’Italie ? A cause des 24.000 baci d’Adriano Celentano, de Paolo Conte, de  Verdi et Puccini et que l’italien est la plus belle langue du monde. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce qu’une bonne partie des Italiens ont élu et revendiqué Mussolini pendant vingt ans.  

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que c’est le plus beau pays du monde, parce que la Toscane, les Pouilles, l’Ombrie, Turin, Naples ou Rome, parce que sa botte plonge dans la mer jusqu’à la taille et qu’on y mange 1.300 sortes différentes de pâtes.

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que ses promoteurs dévorés par la soif de l’argent, le cynisme et la corruption ont dévasté des villes entières, rasé des campagnes magnifiques, pour les remplacer par du béton.

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que le cinéma italien a été le plus créatif, le plus tendre, le plus drôle de l’après-guerre jusqu’à ce que Berlusconi s’empare des commandes de l’audiovisuel de la péninsule, à cause des œuvres folles de Fellini, des comédies douces amères de Dino Risi, de Mario Monicelli, que Vittorio Gassman, Alberto Sordi, Marcello Mastroianni, Nino Manfredi et toutes les dames déjà citées ont incarné à la perfection des modèles d’humanité, de tendresse, des personnages pleins de défauts et de tendresse, d’aspiration et de défaillances, qu’en s’identifiant à eux pendant deux heures, on s’est senti plus vivants, plus heureux. Et qu’on croise les doigts pour que Nanni Moretti, continue longtemps encore à nous enchanter. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que la télé italienne, propriété privée de Berlusconi, a détruit toutes ces valeurs, balayé cette poésie, banni l’humour, imposé la vulgarité, le bling-bling et le bunga-bunga. 

Pourquoi je n’aime pas l’Italie ? Parce que Berlusconi a, le premier en Europe, coupé le cordon sanitaire et ramené les fascistes au pouvoir, détruit de l’intérieur les valeurs de la démocratie, ce qui a conduit à une première ministre issue du moule mussolinien et à ses comparses, Salvini et tutti quanti. 

Pourquoi j’aime l’Italie ? Parce que le fascisme n’a jamais été mieux combattu que par les Italiens, notamment ses écrivains, Ignazio Silone, Natalia Ginzburg, Primo Levi ou Carlo Levi (dont le récit de l’exil forcé au fond de la Campanie est une parfaite radiographie du mal mussolinien), parce que Mario Soldati et Lampedusa (« Le Guépard »), deux des plus magnifiques écrivains du siècle dernier. Et parce que l’Italie a donné à la Belgique quelques-uns de ses meilleurs citoyens et citoyennes, dont la reine Paola.

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BULLETIN DE SANTE

Pourquoi cette foule de jeunes Algériens proteste-t-elle avec tant de colère contre le renouvellement du mandat du président Bouteflika ? Si le seul choix qui est laissé aux citoyens est soit un militaire pétant de santé, de testostérone et d’agressivité, soit une momie en état de mort clinique, moi, je n’hésiterais pas. Et je crois ne pas être le seul.
Imaginez qu’à la prochaine élection russe, quelqu’un ait la bonne idée de présenter face à Poutine la candidature de la momie de Lénine, qui parierait à coup sûr sur la victoire de l’actuel président ? Avec la momie de Lénine président, pas de risque que l’os de son index n’appuie par mégarde sur le bouton atomique. Les décisions désagréables seront enterrées, les fossoyeurs jouant au ministre resteront muets comme une tombe. Sans instruction du sommet, tout sera figé, répression policière, armée, soutien au régime syrien. Ne pensez-vous pas vous aussi que Lénine est la meilleure solution d’avenir pour la Russie ?
Et en France ? Face à un Macron en berne, l’opposition toute entière ressemble à un vrai plat de nouilles. Un encéphalogramme plat. Il n’y a qu’un homme qui puisse réconcilier les Français et la politique ! Un seul. Jacques Chirac. Ils seraient nombreux à voter des deux mains pour son retour, à condition qu’il reste dans l’état dans lequel il est aujourd’hui.
Je conviens que mon projet a un défaut. Si les cadavres de Reagan, de Mao et de Franco reprennent également le pouvoir, aux côtés de Lénine et de Chirac, les sommets entre chefs d’état ressembleront à une visite du Musée Grévin. Mais n’est-ce pas déjà le cas ?
Et Trump. Vous ne lui trouvez pas mauvaise mine ? Son teint couperosé, sa choucroute maladive sur le crâne, ses annonces sans cesse contradictoires, son affection inquiétante pour le dictateur nord-coréen, tout ça sent le début de la fin. A moins que ce ne soit une habile stratégie, un truc, pour préparer sa réélection. En se présentant aux suffrages avec l’allure de Bouteflika, il a l’assurance d’être réélu les doigts dans le nez (ou ce qu’il en restera) ?
Ajoutons que l’âge ne fait rien à l’affaire. On peut être un jeune politicien et déjà en état virtuel de momie. Voyez du côté de l’Autriche. Sebastien Kurz, qui n’a même pas l’âge du Christ, et qui est déjà descendu au tombeau en se liant à des nostalgiques du pire de l’histoire de son pays. Tout comme son voisin Salvini, qui parviendra un de ces jours à faire regretter aux Italiens l’ectoplasme Silvio Berlusconi.
Tout ça pour dire, chers amis algériens, que vous regrettez peut-être de ne pas avoir à votre tête un Charles Michel (un chef sans gouvernement), un Netanyahu (un gouvernement dont le chef est menacé de prison) ou un Pedro Sànchez (ni chef, ni gouvernement). Mais vous faites peut-être fausse route. Réfléchissez-y.

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IL NEIGE A ROME

Matteo Salvini et Luigi Di Maio, les deux leaders italiens, encore ivres de leur arrivée spumante à la tête de la péninsule, font ces derniers jours assaut de phrases assassines contre la France, l’Europe, les immigrés, les extra-terrestres, tout ce qui permet de faire oublier à leurs citoyens leur incapacité à mettre en œuvre les promesses farfelues qui les ont miraculeusement emmenés au pouvoir.
Pendant la campagne, la Ligue et le Mouvement Cinq Etoiles ont promis aux Italiens d’annexer la Lune, comme jadis l’Ethiopie, et, surprise, ils ont découvert que les électeurs ont pris leurs balivernes pour argent comptant. Comme le disait si judicieusement leur maître à penser, Benito Mussolini, « l’homme moderne a une tendance étonnante à croire ».
Le Duce a aussi fait un autre constat. Celui-là, les Abbott & Costello romains l’ont oublié: « L’Europe peut saisir à nouveau le gouvernail de la civilisation mondiale si elle arrive à réaliser un tant soi peu d’unité politique ».
Un siècle plus tard, dans un contexte politique évidemment différent, cette phrase a pourtant une singulière résonnance dans une Europe désabusée, écartelée, divisée. A quelques semaines d’une élection où les cousins de Salvini et Di Maio espèrent gripper la machine européenne. « Siam pronti alla morte !» (« Nous sommes prêts à la mort ») chante l’hymne national italien. On dit ça…
De gouvernail, il n’y en a plus. Et plus de bateau européen. Les vingt-sept vaporetti s’en vont chacun de leur côté, sans plus se soucier les uns des autres ni surtout des passagers. Pendant que le vieux destroyer britannique coule sous le même regard indifférent des dirigeants de l’Union et de la Commission que les coques de noix des réfugiés dans la Méditerranée. « Rule Britannia !»
Or, au milieu de cette tempête, voilà que surgit soudain Berlusconi, tel Otello dans l’opéra de Verdi.
« Le Caïman » (comme l’avait si bien portraité Nanni Moretti) a pourtant accumulé plus de casseroles dans une vie politique que tous les dirigeants de la démocratie chrétienne en cinquante ans.
Mais, surprise, dans cette Italie à la dérive, sua Emittenza apparaît presque comme le sauveur de la démocratie. C’est dans ce fantôme cryogénisé que les adversaires de la Ligue et des Cinq étoiles voient le seul recours pour éviter la noyade sous la boue populiste. Ce qui rappelle le destin d’un autre inoxydable de la politique italienne, G. Andreotti (lui aussi héros d’un film cruel sur l’état de la politique italienne, « Il Divo » de Paolo Sorrentino.)
Dans ce contexte crépusculaire, certains proposent de rayer Rome du nom de l’acte fondateur de l’Europe.
Toujours prêt au compromis, Berlusconi est prêt à conclure un nouveau traité dans sa villa de Sardaigne et à fêter la signature dans une super soirée bung-bunga.  

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REVIENS, MARCELLO, ILS SONT DEVENUS FOUS !

S’il vous faut un prétexte pour un city trip à Rome, allez vous nettoyer les yeux, le cœur et la mémoire avec l’exposition Marcello Mastroianni, qui vient de s’ouvrir au Museo dell’Ara Pacis (jusqu’au 17 février 2019).

Pas seulement pour alimenter la nostalgie des années soixante mais aussi pour retrouver cette Italie que l’on aime et qui s’aime, loin de ce pays en pleine convulsions où le vibrionnaire Salvini a remplacé, en pire, Berlusconi, le petit arrangeur. Le haineux défenseur de l’esclusione a pris la place du maître de la combinazione.

Fellini (qui a dirigé cinq fois Mastroianni) disait à un de ses distributeurs belges, M. Luel, que le cinéma italien depuis la fin de la guerre a permis à ses compatriotes d’oublier Mussolini. Un cinéma d’une incroyable richesse mêlant comédies, films sociaux ou politiques et œuvres poétiques. Et qui a vraiment contribué, croyait-on, à façonner l’Italien de la fin du vingtième siècle grâce à la culture pendant que l’économie tournait à plein régime.

Les personnages incarnés à l’écran par Mastroianni, mais aussi par Gassman, Manfredi et les autres, sont en effet à des années lumières des petites frappes qui défilaient au pas de l’oie devant le Duce ou exécutaient ses basses œuvres. (Une dictature qui a tout de même écrasé la péninsule pendant vingt ans).

Pour citer deux excellents films de Mastroianni, en quelques années, on est passé en Italie de « la Dolce Vita » à « Dommage que tu sois une canaille. »

Pendant ce temps, les étoiles du cinéma italien se sont éteintes sans qu’elles ne soient remplacées par une nouvelle génération qui ait cette magie. On a l’impression étrange qu’avec la quasi disparition de son cinéma, l’Italie a perdu son âme. Ce n’est pas une coïncidence qu’elle soit survenue au moment où Sua Emittenza prenait à la fois le pouvoir et l’audiovisuel. C’est lui qui a remplacé la délicatesse des comédies par les défilés de fausses blondes sur tous les écrans de télé (ce qu’annonçait « Ginger et Fred » de Fellini où un Mastroianni vieillissant perdait pied en direct devant les tristes girls). « Touche pas à la femme blanche » avait pourtant prévenu Marcello dans un film de Ferreri!

Héritier de Forza Italia, le fantasque Mouvement des Cinq Etoiles, déjà à la dérive, et les redoutables populistes de la Ligue ont transformé les citoyens italiens en autant de « Pigeons ».

Revoyez aussi une « Journée particulière » de Scola où Mastroianni, journaliste homosexuel renvoyé de son boulot, se retrouve dans son immeuble avec une mère de famille (Sophia Loren) écrasée par sa vie domestique et ses six enfants pendant que la radio diffuse l’accueil d’Hitler par Mussolini non loin de là. Et cette réplique : « Ce n’est pas le locataire du 6e étage qui est anti-fasciste. C’est plutôt le fascisme qui est anti-locataire du 6e étage »…

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LE RETOUR DE LA MOMIE

 

La campagne électorale algérienne inspirera à coup sûr les spin-doctors qui essayent désespérément de rendre nos hommes et femmes politiques un peu plus sexy. Tout le monde sait qu’Abdelaziz Bouteflika est mort depuis quelques années mais que les dirigeants algériens ont eu la bonne idée de conserver son enveloppe. Ce qui permet de le réélire éternellement. Mettre à la tête de l’état une momie, un zombie, quelle belle formule pour renouveler les démocraties occidentales en panne !

Pour le moment, la technologie est encore un peu primitive mais nul doute que dans les prochaines années, avec le développement des effets spéciaux, on parviendra à faire bouger la momie et à la faire parler, même en plusieurs langues à la fois. Ce qui devrait intéresser tous ceux qui cherchent à contrer enfin le vote protestataire. Devant la puissance de feu de Bart De Wever, tout le monde est conscient que Wouter Beke ne fait pas le poids. Mais si, face au redoutable bourgmestre d’Anvers, on opposait un zombie plutôt qu’un fantôme, on pourrait peut-être contenir la montée irrésistible de la N-VA.

Walt Disney s’est, dit-on, fait cryogéniser pour réapparaître dans quelques années. Revitalisé par les progrès de la médecine, il reprendra son crayon ou plutôt sa souris pour dessiner de nouveaux chefs d’œuvre, La vengeance de Donald, le Retour du Nez de Pinocchio ou de la Momie. On regrette que les dirigeants de nos partis politiques aient négligé, pour préserver l’avenir, de préparer l’éternel retour de leurs grands leaders tant qu’il en était encore temps.

On sent bien que dans plusieurs pays voisins, on se montre beaucoup moins imprévoyant en songeant déjà à la cryogénisation des dirigeants dont la population ne pourra jamais se passer, Berlusconi ou Poutine.

En France, on a aussi compris que la nomination de Manuel Valls n’empêchera pas l’évaporation du pauvre Hollande. Ah ! S’il avait eu sous la main le clone de Mitterrand ou, mieux encore de de Gaulle.

Les patrons de la politique belge n’ont pas eu non plus beaucoup de flair en laissant s’envoler l’âme de leurs meilleurs cadors. Ils ont naïvement cru qu’à chaque génération, ils trouveraient de nouvelles stars à placer en tête de liste. Et les voilà le bec dans l’eau. Avec sur les bras De Croo 2, Tobback 2, Wathelet 2, Ducarme 2 qui annoncent à leurs partis des accidents industriels. C’est maintenant qu’ils auraient besoin d’exhiber les momies de nos Bouteflika à nous, Paul-Henri Spaak, Kamiel Huysmans, Paul Van Zeeland, Charlier Jambe de bois ou mieux encore Achille Van Acker dont le slogan était « J’agis d’abord, je réfléchis ensuite ». Le seul programme qui peut servir d’arme de destruction massive contre le parti séparatiste flamand.

 

 

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TECHNIQUE NAC

Quoi ? Vous ne connaissez pas les NAC ? Prenez garde si vous ne voulez pas être largués. Le monde se divise en deux : ceux qui sont dans le coup (ils connaissent tous les acronymes à la mode) et les autres. Faites donc semblant d’adorer les NAC, sinon vous êtes bon pour la remise à outils au fond du jardin, là où sont déjà rangés ces quelques anciens amis de Facebook qui vous donnaient l’air ringard.

Donc, les NAC. Je vous le glisse à l’oreille. Ces trois lettres désignent les Nouveaux Animaux de Compagnie. Chiens, chats, perruches ? Oubliez ces pauvres bestioles affreusement démodées. Pour être chic aujourd’hui, il faut vivre avec des serpents, des araignées exotiques, des fennecs et autres bébêtes rapportées de votre dernier voyage au Burkina Faso ou en Papouasie et passées sous le nez des douaniers à Zaventem aussi coulos qu’un sachet de cocaïne pour votre copain psychiatre qui n’a pas le temps de voyager.

Le NAC, c’est la dernière façon à la mode pour faire monter l’adrénaline. Pour se sentir vivant, cool et branché, le nec plus ultra est de mettre sur la table de chevet à côté de votre lit une boîte à chaussures dont sortent des grattements bizarres. De peupler votre appartement d’animaux monstrueux qui prouvent que les desseins de Dieu sont impénétrables.

Certains murmurent que ce qui a poussé le pape Benoit XVI à la démission, ce n’est pas la découverte d’un réseau gay mais celle d’un réseau NAC dans les caves du Vatican.

Les NAC, c’est bon pour l’image de marque. Regardez la vie politique italienne. Mario Monti s’est cru malin en s’exhibant à la télé pendant la campagne électorale en tenant dans ses bras un petit chien ridicule. Alors que Berlusconi, lui, recrute dans les soirées bonga-bonga. Résultat, Monti, avec son image démodée, a sombré aux dernières élections alors que le Cavaliere est redevenu le politicien à la mode. On imagine souvent que le citoyen moyen veut être rassuré. Mais, dans le secret de l’isoloir, il finit toujours par se laisser hypnotiser par le serpent ou l’araignée.

C’est ce qu’a compris, avec un peu de retard, Elio Di Rupo. Pour le remplacer à la tête du PS, il avait d’abord placé Thierry Giet, un brave, un doux, un herbivore qui ne ferait pas de mal à une mouche. Les sondages lui ont vite montré son erreur. Avec la souplesse d’un félin, il s’est empressé de le remplacer vite fait par un vrai NAC alors que se profile une campagne législative qui va ressembler à un combat de fauves dans la jungle. Face à un Bart De Wever qui a assimilé toutes les techniques des NAC. Séduction. Hypnotisme. Langue fourchue. Discours paralysant.

« Si l’on pouvait croiser l’homme et le chat, cela améliorerait l’homme mais dégraderait le chat» écrivait Mark Twain. Et si on le croisait avec un NAC ?

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POURQUOI J’AIME L’ITALIE

  Je peux vous dire pourquoi j’aime les socialistes wallons, les marches militaires, les films d’horreur muets allemands et les polars mexicains. Mais pourquoi j’aime l’Italie …

Faisant le bilan des années de dictature, juste après la guerre, Elsa Morante écrivait : « Mussolini est un homme médiocre, une brute, étranger à la culture, à l’éloquence vulgaire et facile ». Les comparaisons historiques sont toujours inexactes et trompeuses mais n’est-il pas troublant que Berlusconi ait répété pendant la campagne électorale, en célébrant la journée de l’Holocauste, qu’il y a beaucoup de bonnes choses dans les réalisations du Duce ?

Morante disait aussi : Le peuple italien s’est-il rendu compte des crimes de son chef ? Bien sûr, presque toujours le peuple italien est prêt à donner ses voix à celui qui a la plus forte voix plutôt qu’à la justice. Si on lui demande de faire le choix« entre son intérêt personnel et son devoir, même en sachant ce qui doit être son devoir », il choisit toujours son intérêt. « Un peuple qui tolère les crimes de celui qui est à sa tête, concluait-elle, devient complice de ces crimes. »

Et pourtant, même si j’adore la Morante et que je n’oublie pas près d’un quart de siècle de fascisme, j’aime l’Italie.

On dit souvent que les dirigeants d’un pays sont à l’image de ses habitants. L’histoire de l’Italie d’après-guerre est elle aussi inquiétante, d’Andreotti à Berlusconi. Au point qu’on peut se demander si les Italiens n’ont pas choisi de faire mentir le cliché en se donnant des chefs qui ne sont pas leurs miroirs mais leurs repoussoirs, comme dans le théâtre de marionnettes, justement une spécialité locale, l’opera dei pupi. Les hommes politiques italiens ne ressemblent-ils pas aux fantoccini, les marionnettes à fil, maniées en coulisses par leurs montreurs ?

Dans un pays aussi morcelé que l’Italie, aux pouvoirs encore plus éclatés que la Belgique, n’est-ce pas plutôt la culture qui est le reflet de son peuple ? Et sa cuisine ? Et ses paysages ? Vu à travers son cinéma, l’Italie a tout de même une sacrée gueule quand elle prend le masque de Nanni Moretti ou de Vittorio Gassman, de Mastroiani ou de Sordi. Ou celles de ses sublimissimes stars, Stefania Sandrelli (ah !), Monica Vitti (ah !), la Masina, la Martinelli, la Massari. Au passage, allez donc admirer la magie du cinéma italien dans le plus dingue musée du cinéma du monde à Turin.
L’air a une autre saveur à Rome, les églises un charme délirant à Lecce et à Notto. Et je préfère éviter les clichés à propos de Venise. Ils sont tous en dessous de la vérité. Même la pluie y est plus douce que le vin.

PS : le plus fantasque mais peut-être le plus pertinent et passionnant romancier italien, lisez Mario Soldati, dont les éditions du Promeneur sont en train de rééditer toute l’œuvre.

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ROME OU BOLOGNE

Pendant des siècles, on se bousculait pour être pape. Papes et anti-papes, papes parallèles et papes fantômes s’en donnaient à cœur joie pour glisser leurs fesses sur le trône de Pierre en éliminant plus ou moins gentiment celui qui s’y accrochait. Un vrai jeu des chaises musicales. Tout ce beau monde crachant des bulles à qui mieux mieux se cognait joyeusement dans le sang plutôt que dans le savon. Rien que dans la famille des Benoît, le numéro VI fut étranglé par le numéro VII des Boniface. Le numéro XI fut empoisonné à Pérouse où il s’était exilé. Le numéro IX, mon préféré, fut élu à l’âge de douze ans, remplacé peu après par le numéro III des Sylvestre qu’il réussit à chasser avant de s’effacer, comme le numéro XVI, au profit du numéro VI des Grégoire qui lui avait remis un chèque plantureux pour se coiffer de la tiare. Redevenu pape quelques années plus tard, il fut chassé, cette fois définitivement, par le numéro II des Damase. Qui ne l’emporta pas au paradis. Ou plutôt si, puisqu’il mourut vingt-trois jours plus tard. Seigneur, Marie, Jésus ! On savait vivre en ce temps-là !

A côté des entrées et sorties rocambolesques de ses ancêtres, la démission du numéro XVI est d’un terne accablant, à l’image de son règne. Des observateurs en sont même arrivés à remarquer que le départ du dernier des Benoît était le seul acte moderne de son règne. Ce qui n’est pas mal vu. Les héros de notre temps ne sont pas comme jadis ceux qui ont mené à bout une belle épopée, transformé le monde ou au moins entrepris une réforme historique, l’abolition de la peine de mort ou du délit d’avortement. Non, le héros d’aujourd’hui est celui qui a laissé tomber et qui est parti. Jamais Berlusconi (même lui !) n’a recueilli ces dernières années une telle popularité que depuis qu’il a claqué la porte du palazzo Chigi (au point que certains Italiens semblent avoir oublié qu’il a dû s’enfuir par la petite porte, celle réservée aux mendiants et colporteurs).

A cet égard, en effet, Benoît XVI aura réussi totalement sa sortie. Personne ou presque n’a entendu l’annonce de sa démission. Aucun des rares journalistes qui assistaient à son discours, sauf une, plus futée que ses collègues, n’écoutaient sa voix monocorde et son charabia en latin. Dès le lendemain de l’événement, enfin connu, il était déjà oublié, écrasé par une information autrement plus importante : la sauce bolognaise d’une partie des lasagnes surgelées contenait du cheval et non du bœuf.

Entre Rome et Bologne, les citoyens n’ont pas hésité longtemps.

PS : c’est le moment de (re)voir « Habemus papam » de Nanni Moretti. Superbe portrait d’un un pape élu malgré lui. Hésitant à accepter le mandat que lui ont confié tous ces vieux messieurs célibataires comme lui coupés du monde, il erre dans Rome à la recherche de la vraie vie.

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LE PERE NOEL EST UNE BISCOTTE

Les fêtes de fin d’année ne sont pas synonymes de festin pour tous. Pour qui ne peut pas ou n’aime pas ripailles et bombance, décembre est mois de souffrance.

La bûche devient bûcher et la dinde amer.

Imaginez le repas de fête chez les De Wever. Pendant que les enfants s’empiffrent de chocolat autrichien et que sa femme boit la sauce du plat à la petite cuillère, le nouveau maïeur de la métropole du Nord croque ses biscottes au jambon maigre. Même pas une côte de porc, juste son jambon. Vraiment, le porc d’Anvers n’a pas la pèche cette année.

Quelle misère ! Quand tout lui sourit en politique, Bart doit faire ceinture pour garder la peau sur les os. Mais, quelle idée stupide de faire de sa cure d’amaigrissement un cocktail électoral ! Ah ! Il a bonne mine maintenant ou plutôt mauvaise, en surgissant sec comme un hareng saur au milieu des pubs et des émissions télé où la bonne bouffe s’étale en couches appétissantes et joyeuses comme dans tous les étalages qui accompagnent son chemin de croix entre sa maison et l’hôtel communal.

A force de brandir sa maigreur comme preuve de sa force, s’il grossit, son corps électoral perdra aussitôt du poids. Alors qu’à l’époque où il jouait les victimes, il pouvait se consoler en enfilant tout ce qui passait de bon à sa portée, frites, saucisson, gaufres à la crème. Maintenant, cinq kilos en plus c’est cinq cents électeurs en moins.

Qu’il se méfie de ses fausses formes fluettes ! Dans une région qui a gardé pour modèle Breughel, Rubens et Lamme Goedzak, il va finir pas avoir l’air si calviniste que les Flamands vont l’envoyer en Hollande, c’est-à-dire au diable !

C’est une erreur de croire que la diète sied à la crise, qu’il serait indécent pour un dirigeant de se montrer gourmand parce que le PIB stagne. Au contraire, en pleine déprime, le bon vivant est rassurant. On se dit inconsciemment que s’il a trouvé les sous pour se remplir la panse, il nous filera la recette. C’est le secret de la longévité de Berlusconi d’avoir fait croire aux Italiens qu’en le mettant aux affaires, ils goûteront aux mêmes plaisirs que lui. Et la force de Dehaene d’abandonner une banque en déroute la tête haute parce qu’il a le ventre plein. Qui s’inquiète des petites affaires du rondouillard Albert Frère alors qu’on tremble devant les initiatives du trop squelettique Mittal ?

Dans une époque sans utopie, il faut inventer de nouvelles fables pour que l’on ait envie de survivre à la fin du calendrier maya. L’abondance comme nouvelle f’oie ?

Les dirigeants européens devraient y songer, eux qui se montrent si incapables de nous faire rêver. A condition qu’Herman Van Rompuy, songe à se rempailler sérieusement sinon personne ne le croira capable de réussir la multiplication des pains.

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SCREENING

Une fois de plus, l’église de Belgique a mis dans l’Emile comme disait Pierre Dac. Pour éviter l’arrivée de nouveaux moutons noirs, attirés par les possibilités qu’offre le boulot de prêtre pour qui aime les enfants, elle a décidé de soumettre les futurs candidats à la prêtrise à un « screening ».  (Remarquez au passage l’abandon par Mgr Léonard du latin de cuisine au profit de ce sabir international qu’on dit vaguement inspiré de l’anglais. Vaguement puisque, malheureuse coïncidence, l’utilisation du verbe « to screen » semble être un acte manqué : il signifie aussi « cacher, masquer » …)

D’après ce que j’ai compris, il s’agit de confier ces malheureux à un contrôle psychologique dès le début de leurs études puis de leur faire subir un « suivi permanent ». « L’Eglise doit mieux protéger les enfants » a déclaré le boss de Malines-Bruxelles toujours plein de bon sens et de compassion.

Hélas, la méthode risque de faire des dégâts. Je ne suis pas certain que beaucoup de ces jeunes étudiants sortiront indemnes de plusieurs années sous « monitoring » constant par des psychologues, dont la santé mentale n’a jamais été elle-même « screenée » – pas plus que celle des vieux prêtres chargés de les former.

Suis-je trop sourcilleux ? C’est vrai. A force de critiquer, la civilisation n’avancera jamais. Prenons donc pour hypothèse que le « screening » à la Léonard est le remède-miracle aux terribles maux de l’église.

Interrogé par « Vers l’Avenir » un chanoine trouve l’idée si bonne que, selon lui « les futurs instituteurs, infirmiers, maîtres de sport devraient aussi être screenés ».

Et pourquoi pas les hommes politiques ?

Plus question d’inscrire un étudiant en sciences politiques sans qu’il ait rempli un formulaire de screening. Interdiction aux partis d’accepter l’adhésion d’un nouveau membre qui refuserait de se laisser « screener » tout au long de sa carrière, du bas de l’échelle, lorsqu’il n’est que militant colleur d’affiches jusqu’au sommet lorsqu’il caracole en tête de liste, ministre, président, commissaire européen, que sais-je encore ?

Vous rendez-vous compte du temps qu’on aurait gagné si, au hasard, Bart de Wever, Michel Daerden, Pieter Rambo De Crem avaient été screenés ? On n’aurait eu que des dirigeants normaux et raisonnables, rien que des Yves Leterme ou des Philippe Moureaux…

Freud ! Réveille-toi, ils sont devenus fous !

Le pire eut été en Italie : jamais le petit Silvio ne serait devenu le Bunga-Bunga Berlusconi.  Comme on les connaît, les psychologues auraient affirmé après quelques séances de « screenage » qu’il est incapable de jamais diriger le pays. Ils lui auraient sans doute conseillé de choisir une autre carrière. Prêtre, par exemple.

 

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