CYBER, TES BEAUX YEUX ME FONT MOURIR

A chaque génération sa manière de se divertir et de se fabriquer une bulle hors d’atteinte des parents, de l’école, de l’autorité. A la génération Coca-Cola, qui se jetait sur les livres, le cinoche et la télé a succédé l’époque Red Bull des jeux vidéo, du baladeur et du CD. Les ados de 2015 ne s’encombrent plus de tous ces supports physiques. Ils se sont jetés dans la cyber-attaque, le terrorisme virtuel et le dérèglement des réseaux. Bienvenue à la jeunesse du vingt et unième siècle !

On leur a gentiment préparé le terrain, reconnaissons-le, en faisant scintiller les beautés de la guerre nouvelle sur tous les écrans. Au lieu de faire affronter les tanks et les hommes, la guerre se fait désormais dans des salles aseptisées à des milliers de kilomètres du champ de bataille, qui s’appelle maintenant des cibles. Un type ou une dame en cache-poussière appuie d’un doigt nonchalant sur un bouton quelque part dans son bureau au Nouveau Mexique, en croquant son sandwich, et boum ! un village d’Irak ou un campement en Afghanistan sont rayés de la carte. Quoi d’étonnant que le pouvoir magique d’internet, que nous avons érigé en maître du monde, fascine la jeunesse ? Et que ses forces obscures les fassent rêver comme les grands monstres nous fascinaient jadis ?

Nous tremblions de peur et de plaisir devant l’écran à voir les dents de Dracula s’enfoncer dans la peau diaphane de l’héroïne. Eux roucoulent de joie à contempler les dégâts de leurs petits cyber-virus dévorant les sites institutionnels. Il y a tout de même quelque chose de rassurant dans le choix de leurs victimes. Qu’ils s’acharnent sur des journaux et des télévisions pour lâcher leurs saletés démontrent leur attachement et l’importance qu’ils accordent à la diffusion de l’information. Cela mérite d’être salué à une époque où l’on se plaint de la perte d’influence des medias.

Mais, comme tous les jeux, ceux-ci ont aussi quelques effets secondaires déplaisants. Si nos petits génies du clavier sont capables de remplacer ni vu ni connu les infos sérieuses de la page d’accueil des sites professionnels par des propos délirants, c’est sûr que la paranoïa de tous les obsédés du complot va s’accélérer. Déjà qu’un nombre croissant d’entre eux s’imaginent que l’homme n’a jamais marché sur la Lune, que les tours du WTC sont toujours à leur place et que le tsunami qui a ravagé le Japon a été provoqué par les Martiens, comment vont-ils réagir quand ils liront que Charles Michel est premier ministre de Belgique, comme nous le font croire les Anonymous ? En fait, c’est toujours Elio Di Rupo qui est bien sûr aux commandes. Il suffit de voir les mesures adoptées jour après jour par le gouvernement pour s’en assurer.

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ANONYMOUS CONTRE MICKEY MOUSE

Internet a de nouveaux héros, les Anonymous, des hackers déguisés en clowns qui manient le clavier d’ordinateur comme Robin des Bois jadis l’arc et les flèches. Comme ils prétendent défendre les braves internautes contre les méchants auteurs, acteurs, chanteurs, producteurs de films et de musique, bref tous ceux dont les œuvres sont pillées par de gentils pirates, il est mal vu de les qualifier de terroristes.

Les dernières cibles des Anonymous ? Le FBI et la commission européenne.

Le FBI car les G-Men ont osé arrêter le boss d’un des plus populaires site de téléchargement illégal, Magaupload, un certain Kim Dotcom, qui a l’allure invraisemblable du vilain gros Allemand tel qu’on n’a plus osé le représenter dans le rôle du méchant depuis les BD et les films des années cinquante.

Et la Commission européenne ? Si elle se retrouve dans le collimateur, c’est pour avoir signé le mois dernier un accord de coopération internationale, l’ACTA. Ce traité a pour ambition d’harmoniser les outils de lutte contre la contrefaçon sur le web et de rendre plus efficace une coopération internationale permettant de débusquer les sites pirates. Notamment en confiant aux fournisseurs d’accès la responsabilité de contrôler le contenu des sites.

Alors quoi ? Il y a d’un côté les gentils internautes, ivres de liberté, qui exigent de consommer films et musique sans entraves. Et de l’autre, Disney et autres affreuses multinationales, avides de dollars, et assises sur des films et des groupes dont ils interdisent l’accès ?

La vérité est moins binaire.

Ainsi, le vilain pirate allemand n’était pas un poétique hippie vivant d’amour du cinéma et de schnaps fraîche. Il avait amassé un immense trésor de guerre, des voitures de luxe en veux-tu en voilà, grâce au pognon des pauvres cloches qui payaient pour visionner des films que M. Dotcom allait piquer chez les titulaires de droits.

Mais alors, pourquoi ces Anonymous agitent-ils en grognant leurs masques de mardi gras ? Décider, comme ils le font, dans la plus parfaite opacité ce qui est bien et ce qui est mal sur Internet, non, mais pour qui ils prennent ?

Détail piquant, les autorités européennes se comportent exactement comme les Anonymous dans l’élaboration de l’ACTA. Discussion des textes de ce traité dans la plus parfaite opacité par on ne sait qui, abandon du contrôle public de la piraterie au profit d’entreprises privées, transformées en douaniers. Pardon mais les eurocrates ont une fois de plus tout faux, eux aussi.

Vraiment, il est temps que les élus reprennent la gestion des affaires publiques en mains ! Que ce soit dans la notation des états, le contrôle des banques ou de la protection des droits des créateurs !

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